Pakistan. Asia Bibi,une femme condamnée à mort pour blasphème

Asia Bibi, une chrétienne pakistanaise condamnée à mort pour blasphème en 2010, a été déboutée en appel par la haute cour de Lahore. Le 16 octobre, la haute cour de Lahore a débouté de son appel Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour blasphème. Âgée de 45 ans et mère de cinq enfants, cette femme a été déclarée coupable de blasphème le 8 novembre 2010 et condamnée à la peine capitale en vertu de la section 295C du Code pénal pakistanais car elle aurait outragé le prophète Mahomet lors d’une altercation avec une musulmane. L’équité de son procès est fortement mise en doute. Asia Bibi affirme que les éléments attestant prétendument le blasphème, qui ont été jugés recevables par différents tribunaux, ont été forgés de toutes pièces et qu’elle n’a pas pu consulter d’avocat pendant sa détention ni le dernier jour de son procès, en 2010. L’avocat d’Asia Bibi estime que l’affaire est fondée sur des ouï-dire. Des défenseurs des droits humains ont dénoncé, quant à eux, le fait que les juges de la haute cour de Lahore avaient peut-être débouté Asia Bibi de son appel par crainte pour leur sécurité. Des groupes religieux réclamant l’exécution de cette femme étaient présents au tribunal.

Depuis sa première arrestation, en 2009, Asia Bibi a été maintenue dans un isolement presque total afin d’être protégée. Son état de santé mentale et physique se serait détérioré pendant sa détention, notamment dans le quartier des condamnés à mort, et sa famille et ses avocats continuent de craindre pour sa sécurité. En décembre 2010, un éminent religieux musulman a proposé une récompense d’un demi-million de roupies pakistanaises (environ 3 800 euros) à quiconque tuerait Asia Bibi.

Asia Bibi n’aurait jamais dû être emprisonnée car les lois relatives au blasphème vont à l’encontre des obligations internationales du Pakistan en matière de droits humains. En effet, cet État est tenu de garantir les droits à la liberté d’expression et aux libertés de pensée, de conscience et de religion. Ces lois servent fréquemment à régler des différends entre particuliers, et les personnes accusées de blasphème sont souvent la cible d’actes de violence. Le droit international n’autorise pourtant le recours à la peine de mort que pour les « crimes les plus graves », qui correspondent uniquement aux homicides volontaires. Personne n’a jamais été exécuté pour blasphème au Pakistan. Cependant, depuis que les lois relatives au blasphème sous leur forme actuelle sont entrées en vigueur dans les années 1980, des dizaines de personnes appartenant à différentes communautés religieuses, notamment des musulmans, ont été attaquées et tuées par des particuliers à la suite d’accusations de blasphème, y compris en détention.

Vous pouvez également agir en envoyant vos propres lettres.

DANS LES APPELS QUE VOUS FEREZ PARVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE AUX DESTINATAIRES MENTIONNÉS CI-APRÈS, en anglais, en ourdou ou dans votre propre langue :

 priez instamment les autorités de libérer Asia Bibi immédiatement et sans condition, et de prendre des mesures efficaces pour assurer la sécurité de cette femme et de sa famille ;

 exhortez-les à réformer de toute urgence les lois relatives au blasphème et à fournir des recours efficaces contre les abus, en vue de l’abrogation éventuelle de ces textes ;

 appelez-les à instaurer un moratoire immédiat sur toutes les exécutions et à commuer toutes les condamnations à mort en vue d’abolir la peine capitale, en insistant sur le fait que celle-ci constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, ainsi qu’une violation du droit à la vie.

ENVOYEZ VOS APPELS AVANT LE 5 DÉCEMBRE 2014 À : Vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir après la date indiquée ci-dessus. Merci.

Premier ministre
Nawaz Sharif
Prime Minister House, Pakistan
Secretariat, Constitution Avenue
Islamabad, Pakistan
Fax : +92 51 9220404
Courriel : pmmediaoffice@gmail.com
Formule d’appel : Dear Prime Minister, / Monsieur le Premier ministre,

Chef du gouvernement de la province du Pendjab
Mian Mohammad Shahbaz Sharif
Chief Minister’s Office
7, Club Road, GOR I
Lahore, Pakistan
Fax : +92 42 99204301
Twitter : @CMShehbaz
Formule d’appel : Dear Chief Minister, / Monsieur le Chef du gouvernement,

Copies à :
Ministre de la Justice et des Droits humains
Pervaiz Rashid
Room 305, S Block, Pakistan Secretariat Islamabad, Pakistan
Fax : +92 51 9210062
Courriel : contact@molaw.gov.pk

Veuillez également adresser des copies à :
Ambassade de la République islamique du Pakistan
Avenue Delleur 57,
1170 Bruxelles
eMail : parepbrussels@mofa.gov.pk
Fax 02.675.83.94

COMPLEMENT D’INFORMATION

Asia Bibi, une employée agricole du village d’Ittanwali, dans la province pakistanaise du Pendjab, a été arrêtée pour la première fois en juin 2009 à la suite d’accusations de blasphème. Bien que les détails exacts soient contestés, la famille et les avocats d’Asia Bibi affirment que certaines de ses collègues musulmanes ont refusé de partager de l’eau avec elle parce qu’elle est chrétienne. Une dispute a alors éclaté et les femmes musulmanes se seraient plaintes auprès d’un religieux du village de propos offensants qu’Asia Bibi aurait tenus à l’égard du prophète Mahomet. Ce religieux a averti la police locale, qui l’a arrêtée et accusée de blasphème. Asia Bibi nie ces allégations et son mari, Ashiq Masih, affirme que celle-ci a été déclarée coupable sur la base de « fausses accusations ». Cependant, le juge chargé de l’affaire « a complètement exclu » cette éventualité et a déclaré qu’il n’y avait « aucune circonstance atténuante ». Le 8 novembre 2010, Asia Bibi a été condamnée à mort par un tribunal de Nankana (Pendjab).

Le cas d’Asia Bibi est devenu emblématique en ce qu’il illustre le caractère injuste des lois pakistanaises relatives au blasphème et les risques mortels que courent ceux qui les critiquent. Le gouverneur du Pendjab, Salmaan Taseer, a été tué par l’un de ses gardes du corps le 4 janvier 2011, après avoir pris position en faveur d’Asia Bibi et dénoncé les lois pakistanaises relatives au blasphème. Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités et ardent détracteur de ces lois, a été tué par des talibans pakistanais le 2 mars 2011. Les lois pakistanaises relatives au blasphème nourrissent un climat de violence motivée par des considérations religieuses, qui mène à la persécution de minorités religieuses aussi bien que de musulmans. Ces lois sont fréquemment utilisées pour porter des accusations malveillantes et infondées dans le but de régler des comptes personnels dans le cadre de litiges fonciers et commerciaux. Elles sont formulées en des termes vagues et appliquées de manière arbitraire par la police et les autorités judiciaires, si bien que les minorités religieuses comme des musulmans sont la cible d’actes de harcèlement et de persécutions. Nombre de personnes placées en détention sous le chef de blasphème ont été tuées par des codétenus ou par des membres de l’administration carcérale. Hors de prison, des personnes accusées de blasphème ont été tuées par des groupes de citoyens organisés en milices.

Le fait de « profaner le nom du prophète Mahomet » constitue une infraction passible de la peine capitale en vertu de la section 295C du Code pénal pakistanais. Cependant, le Tribunal fédéral de la charia, qui a notamment pour rôle d’examiner les lois afin de veiller à leur conformité à la doctrine islamique, a statué en 1991 que toute personne reconnue coupable de blasphème serait condamnée à mort et non à la réclusion à perpétuité. Il a réaffirmé cette position dans une décision rendue en janvier 2014.

Les articles 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme disposent que toute personne a le droit de jouir des libertés de pensée, de conscience, de religion, d’opinion et d’expression. En vertu du droit international relatif aux droits humains, toute limite imposée à ces libertés doit être prévue par la loi, nécessaire et proportionnée et avoir pour objectif, entre autres, la protection des droits et des libertés d’autrui.

Dans son Observation générale n° 34, le Comité des droits de l’homme (organe des Nations unies chargé du suivi de la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) a noté que « les interdictions des manifestations de manque de respect à l’égard d’une religion ou d’un autre système de croyance, y compris les lois sur le blasphème, sont incompatibles avec le [Pacte international relatif aux droits civils et politiques] », sauf dans les circonstances spécifiques où des individus appellent « à la haine nationale, raciale ou religieuse, [ce qui constitue] une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence » [article 20(2)]. Le Comité a ajouté qu’« il ne serait pas acceptable que ces lois établissent une discrimination en faveur ou à l’encontre d’une ou de certaines religions ou d’un ou de certains systèmes de croyance ».

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, indépendamment de la nature et des circonstances du crime commis, de la situation du condamné, de sa culpabilité ou de son innocence, ou encore de la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. La peine capitale bafoue le droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, le plus inhumain et le plus dégradant qui soit.

Nom : Asia Bibi

Femme

AU 266/14, ASA 33/015/2014, 24 octobre 2014

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