Israël. La commission Winograd ne tient pas compte des crimes de guerre commis par Israël

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International considère que le rapport publié ce mercredi 30 janvier 2008 par la commission Winograd sur la conduite d’Israël au cours du conflit qui l’a opposé au Hezbollah en juillet et août 2006 souffre de « graves lacunes ».

Selon l’organisation, ce rapport a omis d’examiner un aspect crucial de la guerre : les politiques gouvernementales et les stratégies militaires qui n’ont pas établi de distinction entre la population civile libanaise et les combattants du Hezbollah, pas plus qu’entre les biens et infrastructures civils et les cibles militaires.

« Une nouvelle fois, l’occasion a été manquée de se pencher sur les politiques et les décisions qui sous-tendent les graves atteintes au droit international humanitaire commises par les forces israéliennes, notamment les crimes de guerre, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« La commission n’a prêté qu’une attention toute symbolique aux homicides sans discrimination de nombreux civils libanais qui n’étaient pas impliqués dans les hostilités et aux destructions délibérées et injustifiées de biens et d’infrastructures à caractère civil commises à grande échelle. »

Bien qu’elle ne soit pas investie des pouvoirs d’une commission d’enquête officielle, la commission Winograd était habilitée à citer des témoins à comparaître et à préconiser l’engagement de poursuites contre des représentants de l’État présumés responsables d’infractions pénales commises délibérément ou par imprudence.

Toutefois, elle a choisi de limiter son travail à l’examen de la stratégie militaire et des décisions politiques, sans réellement s’attacher à enquêter sur les violations du droit international humanitaire commises par les forces israéliennes, notamment les crimes de guerre, ni vraiment préconiser de mesures obligeant les responsables à rendre compte de leurs actes. La commission prône la mise en place de mécanismes visant à garantir l’efficacité des combats dans le cadre des normes internationales relatives au droit humanitaire, la conduite immédiate d’enquêtes militaires en cas de violation présumée du droit international humanitaire et une meilleure préparation pour faire face aux problèmes humanitaires découlant d’opérations militaires. Toutefois, elle a fondamentalement écarté les éléments disponibles sur les graves violations du droit international, aux motifs que les interprétations du droit international humanitaire prêtent à controverse, qu’elle n’avait pas la capacité de traiter un tel volume d’informations, que d’autres instances enquêtent déjà sur les violations présumées et que ces allégations sont utilisées comme propagande contre Israël – lors même qu’elle a examiné à la loupe les stratégies militaires et la conduite de certaines opérations, y compris dans des affaires faisant déjà l’objet d’enquêtes par ailleurs.

En se fondant sur ses recherches menées sur le terrain et sur l’analyse de la gestion des hostilités en 2006, Amnesty International a conclu que ce sont les civils libanais – et non les combattants du Hezbollah – qui ont payé le plus lourd tribut s’agissant des attaques de l’armée israélienne. Quelque 1 190 personnes ont été tuées, pour l’immense majorité des civils qui ne prenaient pas part aux hostilités, dont des centaines d’enfants. De même, la plupart des habitations, propriétés et infrastructures visées par les frappes aériennes et les tirs d’artillerie étaient civiles.

D’autres organisations internationales humanitaires et de défense des droits humains, ainsi que d’autres organes des Nations unies ayant étudié la situation sont parvenus à la même conclusion. Dans son rapport publié le 23 novembre 2006, la commission d’enquête des Nations unies concluait : « [...] les FDI [Forces de défense d’Israël] ont utilisé massivement et systématiquement la force, de manière excessive et disproportionnée et sans discernement contre des civils et des biens de caractère civil libanais, sans faire la distinction entre civils et combattants ni entre les biens de caractère civil et les cibles militaires. » Une autre enquête menée par quatre experts indépendants de l’ONU affirmait en octobre 2006 : « Les informations disponibles donnent fortement à penser que dans de nombreux cas Israël a violé l’obligation juridique lui incombant d’établir une distinction entre objectifs militaires et objectifs civils [et] de pleinement respecter le principe de proportionnalité. »

Par ailleurs, Israël a largué des centaines de milliers de bombes à sous-munitions truffées d’environ quatre millions de petites bombes, alors que le conflit touchait à sa fin, léguant ainsi un héritage meurtrier au sud du Liban. Ces bombes continuent de faire des victimes parmi la population civile, les travailleurs humanitaires et les démineurs, qui mettent littéralement leur vie en jeu pour neutraliser les engins qui n’ont pas explosé.

« Bien que la commission Winograd ait recommandé à l’armée de revoir sa politique concernant le recours aux bombes à sous-munitions afin que l’usage de ces armes ne bafoue pas le droit international humanitaire ni les règlements de l’armée, elle n’a pas proposé de mesures concrètes »
, a indiqué Malcolm Smart.

Le gouvernement israélien ayant refusé à plusieurs reprises de remettre les informations sur les bombardements et les cartes détaillées des zones sur lesquelles les bombes à sous-munitions avaient été larguées, ce travail de déminage déjà laborieux n’en est que plus long et plus meurtrier. À ce jour, 40 personnes (27 civils et 13 démineurs) ont été tuées et plus de 200 blessées (civils et démineurs) par des munitions qui n’avaient pas explosé. Le Centre de coordination de l’action contre les mines des Nations unies (UNMACC) a recensé plus de 900 sites contaminés par des restes non explosés mais toujours mortels de bombes à sous-munitions et d’autres engins dispersés par les forces israéliennes dans le sud du Liban.

Amnesty International a appelé le gouvernement israélien à :
– fournir à l’UNMACC les informations sur les frappes ayant utilisé des bombes à sous-munitions et les cartes détaillées des zones sur lesquelles ces bombes ont été larguées ;
– mener une enquête indépendante et impartiale sur les éléments tendant à prouver que ses forces ont commis de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains durant le conflit, notamment des crimes de guerre, et veiller à ce que les auteurs présumés soient déférés à la justice ;
– revoir son interprétation des règles et des principes relatifs aux notions d’objectif militaire, d’avantage militaire et de proportionnalité afin que ces notions soient en parfait accord avec le droit international humanitaire et faire en sorte que l’armée israélienne respecte pleinement l’obligation qui lui est faite de prendre des mesures de protection dans les opérations d’attaque et de défense, et qu’elle ne lance pas d’attaques à titre de châtiment collectif ;
– annoncer un moratoire sur le recours à toutes les armes à sous-munitions et, en tout état de cause, veiller à ce qu’elles ne soient jamais plus utilisées dans des zones civiles, en aucune circonstance.

Par ailleurs, l’organisation a demandé au Hezbollah, dont les forces ont également commis des crimes de guerre dans le cadre du conflit de 2006, de :
– renoncer à sa pratique illégale qui consiste à tirer des roquettes contre la population civile israélienne à titre de représailles et faire en sorte que ses combattants respectent pleinement l’obligation de prendre des mesures de protection dans les opérations d’attaque et de défense, notamment l’obligation de se différencier des non-combattants dans toute la mesure du possible ;
– veiller à ce qu’Ehoud Goldwasser et Eldad Regev, les deux soldats israéliens capturés par les combattants du Hezbollah le 12 juillet 2006, soient traités en tout temps avec humanité et soient autorisés immédiatement à entrer en contact avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

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