Daw Aung San Suu Kyi

{}Quand j’honore mon père, j’honore tous ceux qui défendent l’intégrité politique en Birmanie

{}We achieve everything by our efforts alone. Our fate is not decided by an almighty God. We decide our own fate by our actions. You have to gain mastery over yourself. It is not a matter of sitting back and accepting.

Daw Aung San Suu Kyi

L’attribution du Prix Nobel de la Paix en 1991 à Aung San Suu Kyi a fait connaître au monde entier cette femme admirable qui combat pacifiquement mais fermement la tyrannie dans son pays, le Myanmar, autrefois appelé Birmanie.

Rien pourtant ne semblait prédestiner Aung San Suu Kyi à devenir le héraut de la population birmane. En effet, elle épousa en 1972 un citoyen anglais, professeur à l’université. Jusqu’en 1988 elle partageait son temps entre ses activités à l’université d’Oxford et ses occupations familiales (elle a deux fils, Alexander et Kim).

Cependant, depuis sa plus tendre enfance, Suu s’est toujours inquiétée de ce qu’elle pouvait faire pour aider son peuple. Jamais elle n’a oublié qu’elle était la fille du héros national birman, Aung San, l’homme qui a mené la lutte pour l’indépendance contre l’empire colonial britannique, puis contre l’occupation japonaise.

Sa vie bascula un soir de mars 1988 lorsque le téléphone sonna : sa mère venait d’avoir une attaque cérébrale. Deux jours plus tard, elle se trouvait à plusieurs milliers de kilomètres d’Oxford, au chevet de sa mère à Rangoon.

Huit mois avant son mariage, en 1972, elle écrivait, par une étrange prémonition, ceci à son mari : "Je ne te demande qu’une chose, si jamais mon peuple a besoin de moi, c’est de m’aider à remplir mon devoir envers lui. Serais-tu contrarié si une telle situation se présentait ?
Je ne peux dire aujourd’hui si elle est probable, mais je sais qu’elle est possible. Parfois je suis assaillie par la crainte que les circonstances et les considérations patriotiques ne nous arrachent l’un à l’autre alors que nous sommes si heureux ensemble... mais j’ai la certitude que l’amour et la compassion finiront par triompher."

Et c’est ce qui est arrivé. Lorsqu’elle revint en Birmanie en 1988, le pays était en ébullition : des millions de personnes, étudiants en tête, manifestaient à travers le pays, pour réclamer la démocratie. Après le décès de sa mère, elle décida de ne pas rentrer immédiatement en Angleterre avec son mari et ses fils et contribua à lancer une rébellion politique. En 1989, les généraux au pouvoir la condamnèrent en l’assignant à domicile. Lorsqu’en mai 1990, la junte birmane, convaincue d’en sortir gagnante, organisa des élections libres, le parti fondé par Aung San Suu Kyi (la Ligue Nationale pour la Démocratie) remporta plus de 80% des sièges.
Ce vote était un plébiscite personnel : séquestrée pendant dix mois avant les élections, sa place dans le cœur des Birmans n’avait fait que croître.

La junte ne tint cependant aucun compte du vote démocratique (à ce jour elle tient toujours les rênes du pouvoir à Rangoon) et souhaitait que Aung San Suu Kyi quitte le pays pour retrouver sa famille en Angleterre. Sachant que, dans ce cas, elle ne serait plus autorisée à rentrer au Myanmar, elle fit le choix de rester près de son peuple. En mars 1999, après presque dix ans de séparation, son époux refit une demande de visa. Il était en phase terminale d’un cancer de la prostate et souhaitait passer ses derniers jours auprès de son épouse. Le visa lui fut refusé.
La junte encouragea Aung San Suu Kyi à rejoindre son mari, espérant ainsi être débarrassée de sa principale opposante. Le dilemme redouté qu’elle avait prédit avant son mariage devenait réalité. Encore une fois, elle fit un choix déchirant au nom de la démocratie...

Mais revenons en arrière…

Deux ans après ces élections ‘confisquées’ la commission des Nations Unies pour les Droits Humains nomma un représentant permanent pour surveiller les évènements au Myanmar. Au cours de cette même année, une ouverture sembla se profiler : le SLORC permit à Aung San Suu Kyi de revoir son mari et ses enfants, une centaine de membres de l’opposition sont libérés, les universités furent réouvertes. Cependant, chaque fois que les membres de l’opposition essayaient de se regrouper pour former une alternative démocratique, le pouvoir les harcelait aussitôt. En décembre 1996, les étudiants se soulevèrent à Rangoon, puis à Mandalay. D’où une nouvelle fermeture des universités.

En novembre 1997, un remaniement au sein du régime transforma le SLORC en SPDC (State Peace and Development Council), mais rien ne changea en pratique. Si Aung San Suu Kyi fut libérée de sa résidence surveillée, le 6 mai 2002, de nombreux membres du NLD demeurèrent, en revanche, emprisonnés, et les activités du parti furent toujours autant contrôlés par la junte.

En 2003 les tensions politiques s’exacerbèrent au cours d’une tournée de la NLD dans le Haut Myanmar : une violente attaque contre leurs dirigeants fut commanditée le 30 mai par la ligne dure du SPDC. Plusieurs dizaines de personnes furent tuées ou arrêtées durant cette embuscade. Aung San Suu Kyi reussit à s’échapper grâce à son chauffeur Ko Kyaw Soe Lin, mais fut arrêtée un peu plus tard. Elle fut alors à nouveau emprisonnée à la prison de Insein à Yangon puis transférée en maison d’arrêt en septembre 2003 à cause de ses problèmes de santé et d’une hystérectomie.

En mars 2004, Razali Ismail, l’envoyé spécial des Nations Unies au Myanmar put la rencontrer mais il démissionna de son poste l’année suivante en partie du fait qu’il se vit refuser l’entrée en Birmanie.

En 2005 la période de résidence surveillée d’Aung San Suu Kyi fut prolongée de 6 mois en vertu de la loi de 1975 de la protection de l’Etat (Article 10b) visant à « protéger l’Etat d’éléments destructeurs ».

Le 5 décembre commencèrent les travaux de la troisième session de la Convention Nationale, censée élaborer une nouvelle constitution, qui devrait être ensuite approuvée par référendum, puis suivie d’élections législatives. La NLD refusa de se joindre à cette Convention Nationale, parce que certaines conditions souhaitées n’étaient pas remplies : la libération des deux dirigeants Aung San Suu Kyi et U Tin Oo, ainsi que la réouverture des bureaux de partis notamment.

En mai 2006 Ibrahim Gambari, un autre envoyé spécial des Nations Unies put rencontre Aung San Suu Kyi, la première visite étrangère depuis 2004. Son assignation à résidence fut cependant prolongée d’un an, ce qui souleva les protestations des Nations Unies. En juin elle fut hospitalisée suite à de sévères diarrhées. Sa ligne téléphonique est coupée, son courrier filtré et elle n’a pas accès aux soins médicaux qu’elle désire.

Malgré tout Aung San Suu Kyi continue à mener son combat obstiné et pacifique en faveur de la démocratie, qui, elle en est certaine, triomphera un jour au Myanmar, car comme elle l’a écrit : "Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt mais la peur : la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime. Mais aucune machinerie d’Etat, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de resurgir encore et toujours car la peur n’est pas l’état naturel de l’homme civilisé."

Yves Cogneau

Bibliographie :
 La Dame de Rangoon, Aung San Suu Kyi.
 Un Nobel en Prison. Par Barbara Victor.
 Se libérer de la peur. Par Aung San Suu Kyi. 1991.
 Dossier Noir Birmanie. Par Alan Clements.
 Aung San Suu Kyi. La Voix du Défi. Par Alan Clements.

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