4.5. Les mariages forcés.

4. 5. Les mariages forcés

Le mariage forcé n’est pas une pratique limitée à une région du monde. On le trouve dans
quasiment toutes les cultures, encore à l’heure actuelle. Pourtant, le drame du mariage forcé, fait rarement les gros titres des journaux. Beaucoup de jeunes filles, un soir, en rentrant à la maison, apprennent qu’elles ont été mariées à un homme du village de leurs parents, souvent un cousin germain du père. L’union est parfois promise depuis la naissance de l’enfant. L’objectif de ces mariages forcés est de transmettre la lignée, de maintenir les traditions.
La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant fixe à 18 ans la limite de l’enfance. L’article 24-3 oblige les États à prendre toutes les mesures efficaces et appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants, et le Comité des droits de l’enfant a affirmé que le mariage des enfants et le mariage forcé étaient des pratiques traditionnelles préjudiciables et des formes de discrimination liées au genre. Selon le Groupe de travail sur les petites filles créé par des ONG et l’Unicef, les mariées les plus jeunes risquent d’avoir des époux beaucoup plus âgés qu’elles. L’organisation rapporte en fait que “plus l’épouse est jeune, plus la différence d’âge est grande avec le mari ; dans les pays les moins avancés (à l’exception de la Chine), 35 p. cent des partenaires des adolescentes mariées et âgées de quinze à dix-neuf ans ont au moins dix ans de plus qu’elles.”.
Certaines coutumes, notamment en Inde, permettent d’utiliser les jeunes filles comme des monnaies d’échange. Dans certains cas, une personne qui aurait contracté une dette et qui serait incapable de la rembourser s’engage parfois en nature et promet à son créancier l’enfant qui va naître si c’est une fille. Le moment venu, la fille est cédée à l’homme qui la considère comme sa propriété. Il arrive qu’il l’épouse ou qu’il la cède à son fils !
(extrait de la brochure "femmes/hommes dans le monde" publiée par la Communauté Française).

Mariages forcés : en Europe aussi !

D’après le GAMS (Groupe femmes pour l’abolition des mutilations sexuelles), on évalue à 70 000 le nombre d’adolescentes de 10 à 18 ans potentiellement menacées par un mariage forcé, toutes communautés confondues, domiciliées en Ile-de-France et dans six départements à forte population immigrée (Nord, Oise, Seine-Maritime, Eure, Rhône, Bouches-du-Rhône).
Si le phénomène est difficile à recenser, car le sujet est tabou, toutes les associations constatent une hausse des mariages forcés dans toutes les communautés où ils sont pratiqués, qu’elles soient originaires de Turquie, du Maghreb, d’Afrique noire ou d’Asie. Pour le GAMS, cette augmentation s’explique d’abord pour des raisons démographiques mais aussi administratives : en effet, les jeunes filles nées de la politique de regroupement familial au début des années 80 arrivent aujourd’hui à l’âge du mariage. Pour les époux venus de l’étranger, c’est aussi une stratégie d’obtention des papiers.
Source : http://www.sos-sexisme.org/

Dans certaines régions de Turquie, le mariage forcé est la règle pour plus d’une femme sur deux !

Une étude menée dans plusieurs provinces de l’est et du sud-est de la Turquie, où l’accès des femmes à l’éducation et aux services est plus restreint que dans d’autres régions du pays, a montré que 45,7 p. cent des femmes n’avaient pas été consultées sur le choix de leur mari et que 50,8 p. cent avaient été mariées sans leur consentement. Pour certains hommes, le mariage est un moyen d’échapper à des poursuites pour agression sexuelle, viol ou enlèvement. Le gouvernement a proposé de supprimer dans le nouveau projet de Code pénal la disposition permettant aux hommes d’échapper aux poursuites ou de bénéficier d’une peine réduite s’ils épousent la victime. Contribuant au débat sur la suppression de cette faille dans la législation, le ministre de l’Intérieur, Abdulkadir Aksu, a signalé en novembre 2003 que la loi avait permis à 546 hommes en 2002 et 163 autres durant les quatre premiers mois de 2003 de bénéficier d’une peine réduite après avoir été reconnus coupables d’avoir “ pris la virginité d’une personne en lui promettant le mariage ”.

Le “ bedel ”

Dans certaines provinces, le bedel existe toujours. Cette pratique consiste à échanger des filles - une famille promet une de ses filles en mariage au fils d’une autre famille ou de la même famille élargie, en échange de la sœur de celui-ci - pour éviter d’avoir à leur payer une dot.
Des femmes sont contraintes de se marier dans une autre famille à titre de compensation pour le “ sang versé ” ; elles évitent ainsi qu’un fils de leur propre famille ne soit tué. Dans d’autres cas, des hommes enlèvent une fille à titre de vengeance pour un affront ou un acte répréhensible commis par la famille de la jeune fille ou la famille d’un époux “ promis ”. Ceci peut avoir pour conséquence que la jeune fille n’est plus “ acceptable ” comme épouse.

Le mariage de mineures

“ J’assurais la défense d’une jeune fille qui avait été violée par un homme marié dans la maison où elle travaillait. Le juge s’est adressé à l’homme en lui disant : “Espèce de coquin !” Je me suis levé pour protester, je voulais que le juge soit dessaisi, mais le frère aîné de la jeune fille m’a demandé de me rasseoir. Il m’a dit : “Il y a un vieux qui a accepté de l’épouser [malgré le viol]. Si l’affaire s’éternise, il risque de changer d’avis”. ” Un avocat d’Ankara.
“ Mon père ne voulait pas que j’aille à l’école, on m’a donc retirée très tôt [au bout de trois ans] [...] Le directeur de l’entreprise où je travaillais m’a encouragée et j’ai repris mes études à quatorze ans pour obtenir le certificat d’études primaires. Il a joué un rôle très important pour moi, il [...] me donnait des livres pour m’aider [...] Je voulais être médecin, mais on m’a mariée à l’âge de seize ans. Quand mon mari m’a battue, je suis repartie chez mes parents. Le soir, mon père a vu mon mari rentrer se dirigeant vers la maison et il m’a dit de retourner chez moi avant qu’il n’arrive et de préparer son dîner. J’ai refusé et mon père s’est mis en colère. Mon père ne savait pas que mon mari me battait, mais cela n’aurait rien changé puisque lui-même battait ma mère [...] Mon mari respectait mon père et la situation s’est un peu améliorée par la suite. Je veux que ma fille aille à l’école et qu’elle fasse des études. ”
Témoignages tirés du rapport “ Turquie, les femmes et la violence au sein de la famille ”, EUR 44/013/2004, disponible sur web.amnesty.org/library/index/FRAEUR440222004

Selon la législation turque, l’âge légal du mariage est de “ dix-sept ans révolus ”. Une personne de moins de dix-huit ans n’est pas majeure au regard de la loi et elle ne peut se marier qu’avec le consentement de ses parents. Mais beaucoup de personnes ignorent la loi ou refusent de la respecter. Les mariages illégaux (où l’un des conjoints est mineur ou polygame) sont souvent contractés sous forme de mariages religieux (imam nikahi) qui n’ont pas de valeur légale et sont normalement célébrés en plus de la cérémonie civile. Les mariages d’enfants constituent en eux-mêmes des mariages forcés, un enfant ne pouvant pas être considéré comme ayant donné son consentement.
Ce phénomène de mariage forcé touche aussi la communauté turque de Belgique. Une jeune fille d’origine turque, âgée de 23 ans, s’est récemment suicidée dans son appartement de Saint-Josse (Bruxelles). Son père lui avait annoncé son mariage avec un homme dont elle ne voulait pas. D’après l’association ELELE, aujourd’hui 94% des garçons et 98% des filles d’origine turque ayant grandi en France sont victimes à l’âge de 18 ou 19 ans de mariages arrangés avec de jeunes Turcs. Il s’agit souvent d’unions avec le cousin germain ou la cousine germaine maternelle.

Sénégal : une société en mutation

Dieynaba Hamady Sow, une fillette de 12 ans, mariée de force à son cousin de 35 ans, est décédée le 31 mai 2002 des suites de fortes hémorragies après sa nuit de noces. Mariée le 25 mai 2002, Sow est donc décédée six jours après. Son mari, Moussa Coulibaly, avait été condamné à une peine de deux mois de prison ferme.
L’affaire avait ému toute la population du Sénégal, où de plus en plus de femmes sont encore victimes de violences. La Rencontre africaine des droits de l’Homme (RADDHO) avait exprimé sa ’’très profonde préoccupation par rapport aux pratiques fréquentes du mariage précoce qui constitue une atteinte intolérable aux droits fondamentaux de l’enfant et en l’occurrence de la jeune fille’’. La nouvelle constitution sénégalaise, adoptée en 2001 par référendum, affirme que les femmes ont maintenant le droit d’accéder à la propriété de la terre dans les mêmes conditions que les hommes, d’avoir leur “patrimoine propre" et de gérer leurs biens. Le mariage forcé y est considéré comme une "violation de la liberté individuelle, interdite et punie dans les conditions fixées par la loi". Mais de la loi à la pratique, il reste un grand fossé... Ainsi, Safiétou Diop, présidente de "Siggil jigeen " - un réseau qui regroupe dix-sept associations féminines au Sénégal - constate que l’on continue de marier des jeunes filles à 13-14 ans, malgré la loi.

Pour en savoir plus :

  L’histoire de Fatou : cette jeune fille sénégalaise a échappé à son père qui la battait car elle avait une relation avec un Français. Elle a réussi à rejoindre Paris où elle a pu s’établir. Afin d’aider d’autres jeunes filles dans la même situation que la sienne, mais qui ont moins de chance, elle a créé une association, l’AFEF (Association Fatoumata pour l’Emancipation des Femmes). Plus de détails sur :http://www.place-publique.fr/mag/magspip/article.php3?id_article=188

  Ecole Instrument de Paix -Sénégal :Ce site propose un exercice de réflexion et de recherche à partir du cas d’une autre Fatou, mariée de force à l’âge de 12 ans.
www.eip-cifedhop.org/eipafrique/senegal/mariage.html

  Ateliers d’écriture au Centre de Lecture et d’Activités Culturelles de Ndiaganiao

  Ces ateliers organisés en mars 2004 ont permis à des jeunes sénégalais d’écrire des histoires sur des thèmes qui les touchaient. Certaines de ces histoires concernent le mariage forcé.

  www.bataille-des-livres.ch/batlivre/etranger/senegal/0304/at_ndiag/at_ndiag.htm
EXPRESSION CORPORELLE / FRANCAIS

Proposez à vos élèves d’imaginer un dialogue entre un père et sa fille, qu’il veut forcer à épouser un homme plus âgé qu’elle et dont elle ne veut pas.
Proposez le même exercice sous forme de mime ou de saynète.

NEERLANDAIS

La section flamande d’Amnesty a réalisé un dossier pédagogique sur les mariages forcés. Pour se le procurer :
Amnesty Vlaanderen
156 Kerkstraat
2060 Antwerpen
tel. 03/271.16.16
www.aivl.be

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