Nadia : Nous avons quitté Homs en raison du conflit. C’est dangereux là-bas. Je ne pouvais pas envoyer mon fils à l’école. J’ai entendu dire qu’ils enlèvent les enfants et violent les femmes. J’avais très peur. Le bruit des bombes effrayait beaucoup mon fils... J’avais peur pour mon fils et on est donc partis en Jordanie. Je suis venue toute seule [son mari est mort il y a dix ans], juste mon fils et moi. Mon frère travaillait en Jordanie et il m’a aidé à venir [en Jordanie] mais il est mort d’un cancer.
En Syrie, la vie était vraiment agréable. Nous avions une belle maison. Tout était luxueux, pas comme ici. J’ai pris ce tapis [qui couvre le sol de sa chambre] dans la mosquée [en Jordanie]. J’ai loué cette maison meublée. Si vous me disiez de partir maintenant, je prendrais mes habits et ceux de mon fils et je partirais. C’est très cher ici, contrairement à la Syrie. Je n’ai même pas assez pour payer l’électricité. J’ai vis très pauvrement... L’école est très loin. Mon fils prend le bus. Parfois, je n’ai même pas assez d’argent pour lui acheter un ticket de bus, alors il reste à la maison. Nous sommes très pauvres. Parfois nous n’avons rien à manger. Parfois, mon voisin me demande de lui faire à manger et il me donne de l’argent et de temps en temps mon fils va à la mosquée et ils lui donnent de l’argent.
J’aimerais beaucoup aller dans un autre pays parce qu’ils m’aideront, pour mon avenir et celui de mon fils. J’irai n’importe où. Je veux aller quelque part où je n’aurai absolument pas à dépendre de la charité. Ma vie d’avant me manque tellement, j’avais de la dignité. Je dois tout le temps mendier [elle éclate en sanglots]. Je veux partir pour l’avenir de mon fils. Il n’a aucun ami et pas de vie. Ma maison n’existe plus. Toute la ville de Homs n’existe plus. Ici, je ne fais pas la cuisine... Vous connaissez le kibbeh [un plat fait avec du boulghour, des oignons et de la viande hachée] et les feuilles de vignes farcies ? J’en faisais toujours pour les enseignants là-bas. Ils venaient et me payaient pour la nourriture.
Nous sommes fatigués, physiquement et moralement. Mon seul espoir, c’est de partir avec mon enfant. J’espère qu’il aura un bel avenir [Nadia commence à pleurer]. Je lui dis tout le temps d’étudier et d’apprendre bien l’anglais pour son avenir. Je suis fatiguée de réfléchir. Parfois, je n’arrive plus à respirer quand je réfléchis à comment m’en sortir. J’espère que je vais partir. Personne ne frappe à ma porte, personne ne veut me voir. C’est ma dernière vie. Tout ce à quoi je pense, c’est à ce qu’il va m’arriver après le mois de mai, où est-ce que je vais trouver l’argent ?
Je les supplie [la communauté internationale], je baiserai vos mains si vous m’aidez à partir. Mon fils a besoin de bottes pour l’hiver et j’ai besoin d’argent pour le gaz. Je lui répète d’être patient et que peut-être un jour il aura ce qu’il veut. Il aime m’aider, mais il est encore jeune. Je ne lui ai pas acheté d’habits pour l’Eid [vacances islamiques] et il ne m’a pas demandé. Il sait que nous n’avons pas d’argent.
J’irai dans n’importe quel pays qui m’accepte.