Communiqué de presse

Detekt. Un nouvel outil contre la surveillance gouvernementale – Questions et réponses

Qu’est-ce que Detekt et quel est son fonctionnement ?

Detekt est un outil gratuit permettant d’effectuer une analyse sur votre ordinateur pour y trouver la trace de logiciels espions connus utilisés par certains gouvernements afin de surveiller de manière ciblée des défenseurs des droits humains et des journalistes dans le monde entier. En les alertant à ce propos, cet outil les aidera à prendre des précautions

Detekt a été conçu par des chercheurs spécialisés dans les questions de sécurité, et utilisé par Citizen Lab dans des investigations sur le recours de certains gouvernements à des logiciels espions contre des défenseurs des droits humains, des journalistes et des militants, mais aussi par des formateurs du secteur de la sécurité menant une action de sensibilisation sur la nature de la surveillance ciblée.

En collaboration avec Privacy International, Digitale Gesellschaft et l’Electronic Frontex Foundation, Amnesty International présente Detekt au public pour la première fois.

Pourquoi lancez-vous Detekt maintenant ?

Le recours de plus en plus fréquent à une surveillance intrusive a des répercussions considérables sur le droit à la vie privée et d’autres droits humains, comme la liberté d’association et la liberté d’expression.

Les technologies les plus récentes permettent aux gouvernements de suivre, contrôler et espionner les activités des gens comme jamais auparavant. Par le biais de ces technologies, les gouvernements peuvent lire une correspondance privée, et même allumer la caméra et le microphone d’un ordinateur sans que son propriétaire ne s’en rende compte.

En familiarisant les gens avec ces questions, nous espérons qu’ils pourront prendre des mesures concrètes afin de se protéger.

Nous espérons par ailleurs que plus les gens connaîtront les dangers de ces technologies, plus ils seront nombreux à se joindre à Amnesty International pour demander un contrôle plus strict du commerce de ces produits à l’échelon international, afin de faire cesser leur utilisation lorsqu’elle est contraire au droit à la vie privée, à la liberté d’expression, et à d’autres droits humains.

Notre but ultime est que les défenseurs des droits humains, journalistes et autres acteurs de la société civile puissent mener leurs activités légitimes sans craindre d’être harcelés, menacés, arrêtés ou torturés.

Est-ce que quelqu’un est arrivé à établir grâce à Detekt qu’il était espionné ?

Detekt a été développé par des chercheurs rattachés au Citizen Lab, qui ont utilisé une version préliminaire de cet outil dans le cadre de leurs investigations sur le recours à des équipements de surveillance illégale contre des défenseurs des droits humains dans divers pays du monde.

Par exemple, selon des recherches menées par Citizen Lab et des informations rendues publiques par Wikileaks, FinSpy - un logiciel espion conçu par FinFisher, une société allemande qui a appartenu à l’entreprise britannique Gamma International - a été utilisé pour espionner des militants et des avocats défenseurs des droits humains à Bahreïn.

Quelle est l’efficacité de cet outil face à des technologies élaborées par de puissantes entreprises ?

Detekt est un outil très utile capable de déceler la présence sur un ordinateur de certains logiciels espions communément utilisés. Il ne peut cependant pas détecter tous les logiciels de surveillance. Il est probable par ailleurs que les entreprises qui conçoivent des logiciels espions réagissent rapidement afin de mettre leurs produits à jour et d’empêcher qu’ils ne soient détectés.

C’est pourquoi nous encourageons les chercheurs spécialisés dans le domaine de la sécurité au sein de la communauté open source à aider les organisations à l’origine de ce projet à identifier d’autres logiciels espions ou de nouvelles versions, afin que Detekt puisse rester à la pointe. Vous trouverez les coordonnées de personnes à contacter en cliquant ici.

Il est important de souligner que si Detekt ne trouve aucune trace de logiciels espions sur un ordinateur, cela ne signifie pas forcément qu’il n’y en a pas. Plutôt que de fournir aux militants la garantie formelle que leur ordinateur est infecté, nous espérons que Detekt aidera à faire passer le message que ces logiciels espions sont utilisés par des gouvernements et qu’il rendra les militants plus vigilants face à cette menace.

Par ailleurs, en menant un travail de sensibilisation auprès des gouvernements et du public, nous exercerons des pressions croissantes en faveur de contrôles plus stricts des exportations, de sorte que ces logiciels espions ne soient pas vendus à des gouvernements connus pour utiliser ces technologies afin de commettre des violations des droits humains.

SURVEILLANCE

L’utilisation des technologies de surveillance par les gouvernements est-elle répandue ?

Les gouvernements utilisent de plus en plus de technologies de surveillance, ciblée en particulier, pour observer de près les activités légitimes de militants en faveur des droits humains et de journalistes.

De puissants logiciels développés par certaines entreprises permettent aux gouvernements et aux agences du renseignement de lire des courriels personnels, d’écouter des conversations sur Skype ou même d’activer à distance la caméra ou le microphone d’un ordinateur sans que le propriétaire de celui-ci ne le sache.

Dans de nombreux cas, les informations recueillies par ces moyens sont utilisées pour arrêter, emprisonner et même torturer des militants afin de les pousser à avouer un crime.

Il est impossible cependant de donner une estimation précise du nombre de personnes surveillées au moyen de logiciels espions. C’est parce que la capacité à cacher cette intrusion aux utilisateurs est l’un des arguments de vente des entreprises qui fabriquent et commercialisent ces programmes.

Des recherches effectuées récemment ont montré que des logiciels espions ont été trouvés dans des dizaines de pays, dans toutes les régions du monde.

Detekt est le premier outil public qui aidera militants, journalistes et autres acteurs de la société civile à rechercher des logiciels espions sur leur ordinateur.

Quelle est l’ampleur du commerce non règlementé d’équipements de surveillance ? Quelles sont les principales entreprises et nations impliquées ?

On estime le poids de l’industrie mondiale de la surveillance à environ 4 milliards d’euros par an. Les profits augmentent de 20 % chaque année.

Des entreprises européennes et américaines vendent discrètement des équipements et logiciels de surveillance à des pays des quatre coins de la planète qui commettent des violations graves des droits humains.

L’autorégulation au sein de cette industrie a échoué, et la supervision des gouvernements est désormais requise en urgence.

Privacy International a rassemblé de nombreuses informations sur l’élaboration de technologies de surveillance par des entreprises privées, et leur vente et leur exportation vers des régimes du monde entier. Les pays destinataires incluent : l’Afrique du Sud, Bahreïn, le Bangladesh, l’Égypte, l’Éthiopie, la Libye, le Maroc, la Syrie et le Turkménistan.

Révéler l’existence de cet outil ne permet-il pas aux gouvernements de réagir afin d’éviter d’être pris (en adaptant leurs équipements pour qu’ils évitent la détection) ?

Les technologies permettant aux gouvernements de surveiller efficacement et secrètement les communications numériques des citoyens ne cessent jamais de se perfectionner. C’est le cas dans le monde entier.

La tendance croissante à la surveillance de masse non ciblée à l’échelle mondiale a été mise en évidence par les révélations d’Edward Snowden. Dans le sillage des États-Unis et d’autres pays industrialisés, des gouvernements de tous les continents justifient désormais le recours à ce type de surveillance. Cela a un effet paralysant sur l’exercice de la liberté d’expression et de réunion pacifique dans des pays du monde entier.

Outre les technologies de surveillance de masse, de nombreux gouvernements utilisent des outils complexes pour viser des défenseurs des droits humains et des journalistes spécifiques qui s’efforcent de dénoncer abus et injustices.

Les nouveaux logiciels espions développés et utilisés sont puissants et dangereux, et exposent de nombreux journalistes et militants en faveur des droits humains à un risque de violations.

À mesure que les technologies de surveillance gagnent en complexité, il est vital que les groupes de la société civile apprennent à protéger leurs communications numériques. Cela est impossible avec un seul outil ou un seul type d’intervention. Nous espérons que Detekt deviendra un nouveau moyen d’enquêter sur la surveillance, tout en sensibilisant les gens à ces menaces.

Cependant, en ce qui concerne le long terme, nous devons également exiger que les gouvernements respectent leurs engagements existants en faveur des droits humains, et qu’ils mettent en place, avec les entreprises, des mesures de protection renforcées de sorte que les nouvelles technologies ne soient pas utilisées pour porter atteinte aux droits humains.

La surveillance est également utilisée dans le cadre d’enquêtes criminelles légitimes, pourquoi y êtes-vous opposés ?

La surveillance ciblée n’est justifiable que lorsqu’elle s’appuie sur des motifs raisonnables, conformément au droit, qu’elle est strictement nécessaire pour atteindre un objectif légitime (comme la protection de la sécurité nationale ou la lutte contre des infractions graves), qu’elle est proportionnée à ce but et non discriminatoire.

La surveillance de masse sans discernement - soit l’interception d’un très grand nombre de données de communication qui n’est pas ciblée, ni fondée sur des motifs raisonnables - n’est jamais justifiable. Elle interfère avec tout un ensemble de droits humains, en particulier les droits à la vie privée et à la liberté d’expression.

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