Communiqué de presse

France. Nous n’oublions pas : troisième anniversaire de la mort d’Ali Ziri aux mains de la police

Dimanche 10 juin 2012, cela fera trois ans qu’Ali Ziri est mort aux mains de la police. Les responsables de sa mort n’ont pas réellement rendu compte de leurs actes. Cet événement rappelle le peu de succès des démarches visant à traduire en justice les agents de la force publique accusés de graves violations des droits humains.

Ali Ziri, un Algérien âgé de 69 ans, est mort après avoir été arrêté à Argenteuil dans la soirée du 9 juin 2009. Il était revenu en France, où il avait vécu et travaillé pendant plus de quarante ans jusqu’à son départ en retraite en 2001, pour faire des achats destinés au mariage de son fils en Algérie. Il était passager d’une voiture que conduisait un ami d’enfance, Arezki Kerfali, et qui a fait l’objet à 20 h 30 d’un contrôle de police, apparemment pour vérification de l’alcoolémie d’Arezki Kerfali.

Selon les déclarations d’Arezki Kerfali, les policiers ont ordonné aux deux hommes de descendre du véhicule, puis les ont frappés, sur les lieux du contrôle et de nouveau dans le fourgon qui les a emmenés au commissariat de police d’Argenteuil, où ils sont arrivés environ 15 minutes plus tard. Au commissariat, alors qu’ils avaient été menottés, on les a forcés à se coucher sur le sol à plat ventre. Selon Arezki Kerfali, les policiers leur auraient adressé des injures racistes.

Ali Ziri et Arezki Kerfali ont alors été conduits dans un fourgon de police à l’hôpital d’Argenteuil, où ils sont arrivés peu après 22 heures. À 22 h 45, un médecin a constaté qu’Ali Ziri faisait un arrêt respiratoire et avait perdu connaissance. Il est mort à 7 h 30 le 10 juin 2009.

En juillet 2009, le procureur du tribunal de grande instance de Pontoise a ouvert une information judiciaire pour homicide involontaire contre X. L’affaire a été classée sans suite deux semaines plus tard. La famille d’Ali Ziri s’est alors constituée partie civile et a demandé qu’une nouvelle autopsie soit effectuée. Le rapport, daté du 20 juillet 2009, fait état de la présence de multiples hématomes sur le corps d’Ali Ziri et relève sur les poumons des signes « d’asphyxie de type mécanique ». Cette autopsie établit que l’anoxie est la cause probable du décès. En octobre 2009, le parquet de Pontoise a délivré un réquisitoire supplétif contre X pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Après que la magistrate en charge du dossier eut quitté le tribunal de Pontoise, le nouveau juge d’instruction, désigné en septembre 2010, a ordonné des examens complémentaires. Ceux-ci ont conclu que la mort était due à un « épisode hypoxique en rapport avec les manœuvres d’immobilisation et les vomissements itératifs ». À ce jour, à la connaissance d’Amnesty International, aucun des policiers impliqués dans l’interpellation d’Ali Ziri et les mauvais traitements qui lui auraient été infligés n’a été entendu.

En mai 2010, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), qui constituait alors le mécanisme de surveillance de la police, a rendu un avis sur cette affaire après avoir examiné les informations disponibles, dont des enregistrements vidéo. Selon l’avis de la CNDS, plusieurs policiers ont extrait Ali Ziri du véhicule et l’ont jeté au sol, puis l’ont transporté à l’intérieur du commissariat ; Arezki Kerfali et Ali Ziri étaient tous les deux menottés dans le dos et ont été posés sur le sol du commissariat, visage contre terre, dans leur vomi, position dans laquelle ils sont restés pendant une durée comprise entre 30 minutes et une heure et 15 minutes. La CNDS a demandé l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires de police concernés. Pour autant qu’Amnesty International le sache, aucun de ces policiers n’a fait l’objet à ce jour de poursuites disciplinaires.

En janvier 2012, le procureur de Pontoise a requis un non-lieu dans cette affaire.

Peu après la mort d’Ali Ziri, l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), des associations et des habitants d’Argenteuil et d’ailleurs ont constitué un comité de soutien, le collectif Vérité et justice pour Ali Ziri. Mohamed Nemri, de l’ATMF d’Argenteuil, s’est entretenu avec Amnesty International. « L’ensemble de la population d’Argenteuil a été traumatisée par le décès d’Ali Ziri, a-t-il confié. C’est quelqu’un qui a vécu 40 ans en France et qui n’avait pas de problèmes, ni avec la justice, ni avec la police, ni de santé. Il était très bien apprécié, on l‘appelait “mon oncle”, c’est quelqu’un pour qui on avait du respect. » Les habitants de la ville, selon lui, ont été très choqués, « surtout en apprenant comment il est mort » ; pour eux, Ali Ziri était un chibani (un ancien, en arabe), terme désignant couramment les immigrés venus travailler en France dans les années 1960 et 1970 et qui ont pris leur retraite.

Le collectif Vérité et justice pour Ali Ziri a prévu un rassemblement de commémoration à Argenteuil le 9 juin 2012.

Complément d’information

Le cas d’Ali Ziri est un des cinq cas de morts aux mains de la police relatés dans le rapport d’Amnesty International France. « Notre vie est en suspens. » Les familles des personnes mortes aux mains de la police attendent justice, publié en novembre 2011, qui illustre les défaillances structurelles constatées dans ce type d’affaires, sur le plan des enquêtes comme sur celui de l’obligation de rendre des comptes. Ce document prolongeait les recherches précédentes d’Amnesty International sur ces questions, en s’intéressant spécifiquement aux répercussions, sur les familles des victimes, des décès survenus en garde à vue et du manque d’obligation de rendre des comptes. Les cinq cas présentés dans ce rapport concernent des personnes issues de minorités dites visibles : un Français d’origine sénégalaise et quatre étrangers (un Malien, un Tunisien, un Algérien et un Marocain). Si les victimes de violations des droits humains commises par des policiers appartiennent à plusieurs tranches d’âge, ne viennent pas toutes du même milieu social et sont de nationalité différente, l’immense majorité des cas signalés à l’attention d’Amnesty International concernent des personnes issues de ces minorités « visibles ». Malgré les recommandations à cet égard émises par des organes internationaux de défense des droits humains, il n’existe pas de statistiques officielles sur l’origine ethnique de la population en France, ni de données ventilées concernant les interventions de la police. Toutefois, dans un grand nombre des cas sur lesquels Amnesty International s’est penchée, il a été question d’un comportement discriminatoire des agents de la force publique vis-à-vis des personnes appartenant aux minorités « visibles ».

Arezki Kerfali a été retenu en garde à vue au commissariat d’Argenteuil durant 24 heures après sa sortie de l’hôpital. Ses blessures lui ont valu huit jours d’incapacité de travail. Quelques jours après les faits, Arezki Kerfali a essayé de porter plainte contre les policiers impliqués. Il s’est d’abord rendu à la gendarmerie d’Argenteuil, qui a refusé d’enregistrer la plainte. Il est alors allé au commissariat de Bezons, ville voisine d’Argenteuil. Là aussi, il s’est heurté à un refus. L’avocat d’Arezki Kerfali a fini par déposer plainte directement auprès du parquet. En septembre 2009, c’est Arezki Kerfali qui a été mis en examen pour outrage à agent lors de son interpellation le 9 juin 2009. Il nie cette accusation. Son procès, qui devait avoir lieu en mars 2012, a été reporté en octobre 2012 par le juge. Arezki Kerfali a expliqué à Amnesty International que sa vie n’était plus la même depuis la mort d’Ali Ziri. Il fait des cauchemars à propos de ce qu’il a vécu ce soir-là, et reçoit un traitement psychiatrique.

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