Communiqué de presse

Il faut vraiment se parler : le sommet UE-Afrique et les droits humains

Par Nicolas Beger, directeur du Bureau des institutions européennes d’Amnesty

Dans un partenariat, il arrive toujours un moment où il n’y a plus d’autre option que de se parler franchement. C’est le cas entre l’Afrique et l’Union européenne (UE), qui organisent un sommet cette semaine.

Si la question des droits humains n’est pas le principal sujet inscrit à l’ordre du jour, il n’en reste pas moins qu’elle sous-tend tous les thèmes qui vont être débattus – le commerce, la gouvernance, la paix et la sécurité. Ce sommet est un moment clé pour l’Europe comme pour l’Afrique en vue de réaffirmer leur attachement aux droits humains, à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières.

Aujourd’hui, les États africains et l’UE disposent d’instruments et de garanties tout à fait adéquats en matière de droits humains. En revanche, leur mise en œuvre est bien souvent insuffisante ; elle aurait pourtant des conséquences considérables sur la vie des populations et est de la plus haute importance pour la crédibilité du partenariat entre les deux continents.

Lors de ce sommet, les gouvernements des deux continents doivent débattre de la manière dont ils vont s’acquitter de leurs obligations au niveau national, international et intercontinental. Ces débats sont une occasion cruciale de placer les droits humains au cœur de deux domaines clés d’une coopération accrue : la migration et la réaction aux conflits et aux crises.

Concernant la migration, nous constatons une tendance croissante des États membres de l’Europe à « sous-traiter » le contrôle des migrations à des pays extérieurs à l’UE, notamment africains, sans prendre en compte les facteurs répulsifs et attractifs qui expliquent le mouvement des populations. Amnesty International a pointé du doigt le traitement déplorable réservé aux migrants et aux demandeurs d’asile sur les deux rives de la Méditerranée, et le nombre de victimes, dont beaucoup viennent d’Afrique subsaharienne, durant le trajet entre les deux continents. Les garde-côtes grecs mènent des opérations de contrôle des frontières qui mettent en péril la vie de ceux qu’ils repoussent vers la Turquie. Les garde-côtes libyens et la marine égyptienne auraient fait des victimes en tirant sur des migrants et des réfugiés qui tentaient de gagner l’Europe par la mer. Il est légitime que les États contrôlent leurs frontières. Mais ils doivent le faire dans le respect des obligations internationales relatives aux droits humains et dans le respect de la vie et des droits des gens. Les droits fondamentaux des migrants doivent être au cœur des négociations de tout accord de migration entre les pays africains, l’UE et ses États membres – notamment les accords de réadmission, la coopération avec les garde-côtes et les partenariats pour la mobilité.

Concernant les réactions face aux crises, la coopération UE-Afrique a besoin de toute urgence de mesures cohérentes sur les droits humains. Le sommet UE-Afrique doit traiter la question de la protection et de la promotion de ces droits là où les deux continents collaborent face à des crises majeures, notamment au Mali, en Somalie et plus récemment en République centrafricaine, où l’accent doit être mis sur la protection des civils. Les décideurs sur les deux continents se sont mis d’accord pour avancer ensemble dans le cadre de ces interventions destinées à dénouer des situations graves en termes de droits humains. Dans le même esprit, le sommet UE-Afrique doit faire en sorte que les réactions européennes, africaines et conjointes aux conflits et aux crises, s’articulent autour du respect des droits fondamentaux, aujourd’hui et demain.

Enfin, toute discussion sur les droits, la migration et les réactions aux conflits ne peut se faire de manière isolée, mais doit réaffirmer le caractère indivisible et universel des droits humains, partout sur la planète. Si les discussions sur la justice internationale et les droits des lesbiennes, gays et des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) sont bienvenues entre les partenaires africains et européens, il importe que ces échanges respectent l’universalité des droits humains, sans recourir à une rhétorique qui ne rentre pas dans le cadre international des droits humains.

Le moment est venu de parler franchement des droits et de l’impact humain des décisions à prendre lors du sommet UE-Afrique. C’est ce que sont en droit d’attendre les citoyens des deux continents, s’il s’agit bien d’un partenariat d’égal à égal.

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