Communiqué de presse

Inde. La libération de la prisonnière d’opinion Irom Sharmila est positive bien que très tardive

Une décision prononcée par un tribunal de Manipur en faveur de la libération de la prisonnière d’opinion Irom Sharmila, l’accusation de tentative de suicide portée contre elle ayant été considérée injustifiée, est une victoire juridique et morale pour cette militante qui observe une grève de la faim depuis 13 ans, a déclaré Amnesty International Inde mardi 19 août.

Un tribunal de Manipur Est a estimé que les autorités n’étaient pas parvenues à établir qu’Irom Sharmila avait essayé de se suicider, et a déclaré que son action de protestation était une « demande politique exprimée par des moyens légaux ».

« Ce jugement positif mais bien tardif reconnaît que la grève de la faim menée par Irom Sharmila est une action de protestation forte en faveur des droits humains et relève de l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression  », a déclaré Shailesh Rai, directeur des programmes à Amnesty International Inde.

« Irom Sharmila n’aurait pour commencer jamais dû être arrêtée. Toutes les charges de tentative de suicide retenues contre elles doivent être abandonnées et elle doit être libérée immédiatement. Les autorités devraient plutôt prêter attention aux questions soulevées par cette militante remarquable. »

Irom Sharmila observe une grève de la faim depuis plus de 13 ans en faveur de l’abrogation de la Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées (AFSPA). Arrêtée par la police de Manipur peu après avoir entamé son jeûne le 2 novembre 2000, elle a été inculpée de tentative de suicide, une infraction inscrite dans le Code pénal indien. En mars 2013, un tribunal de Delhi a également accusé Irom Sharmila d’avoir tenté de se suicider en octobre 2006, alors qu’elle avait organisé une manifestation de deux jours à Delhi.

Elle est actuellement détenue dans la salle de sécurité d’un hôpital d’Imphal, à Manipur, où elle est nourrie de force par sonde nasale. Elle n’a jamais été déclarée coupable de tentative de suicide. Toutefois, l’infraction étant passible d’un an d’emprisonnement maximum, elle est régulièrement libérée à la fin de cette période d’incarcération, pour être de nouveau appréhendée peu de temps après, au motif qu’elle poursuit son jeûne.

L’an dernier, plus de 18 000 personnes à travers l’Inde ont soutenu une action d’Amnesty International Inde demandant la libération sans condition d’Irom Sharmila. La Commission nationale des droits humains a également reconnu que cette femme était une « prisonnière d’opinion » uniquement détenue pour avoir exprimé ses convictions de manière pourtant pacifique, et a demandé la levée des restrictions empêchant de lui parler et de lui rendre visite.

Lors d’un entretien avec Amnesty International Inde en septembre 2013, Irom Sharmila, inspirée par la philosophie non violente du mahatma Gandhi, a dit : « Mon combat est mon message. J’aime énormément ma vie et je veux être libre de rencontrer des gens et de lutter pour des questions qui me tiennent à cœur. »

En février 2012, la Cour suprême indienne a observé dans son arrêt sur l’affaire Ram Lila Maidan c. le ministre de l’Intérieur, l’Union indienne et al., qu’une grève de la faim est « une forme de protestation qui est acceptée, à la fois historiquement et légalement dans notre jurisprudence constitutionnelle. » La British Medical Association, lors d’une communication à l’Association médicale mondiale, a précisé qu’une « grève de la faim n’équivaut pas à un suicide. Les personnes qui entament une grève de la faim poursuivent des objectifs qui leur tiennent à cœur, mais elles espèrent survivre et en ont généralement l’intention. » Cette position est d’ailleurs inscrite dans la Déclaration de l’Association médicale mondiale sur les grévistes de la faim.

La Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées (AFSPA), en vigueur dans certaines régions du nord-est de l’Inde depuis 1958, ainsi qu’un autre texte presque identique, applicable dans l’État de Jammu-et-Cachemire depuis 1990, confèrent des pouvoirs considérables aux soldats. Au titre de ces lois, ils sont notamment autorisés à faire usage de la force meurtrière dans certaines conditions, et à arrêter des personnes sans produire de mandat. L’AFSPA prévoit par ailleurs une quasi immunité de poursuites pour les membres des forces de sécurité, en exigeant que le gouvernement central accorde sa permission au préalable, ce qu’il ne fait quasiment jamais.

Cette loi est loin de satisfaire aux normes internationales en matière de droits humains, notamment à certaines dispositions figurant dans des traités auxquels l’Inde est partie. Elle est en outre contraire à l’obligation faite à l’Inde, en vertu du droit international, de respecter et de protéger les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit de ne pas être torturé et de ne pas être soumis à d’autres mauvais traitements et le droit de bénéficier d’un recours effectif.

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