Communiqué de presse

Kirghizistan. La justice en attente

Les autorités kirghizes ne semblent pas pouvoir ni vouloir enquêter sur les allégations de connivence et de complicité des forces de sécurité dans les atteintes aux droits humains perpétrées contre des civils durant quatre journées de violences qui ont opposé en juin 2010, dans le sud du pays, les communautés kirghize et ouzbèke, écrit Amnesty International dans une synthèse publiée jeudi 7 juin 2012.

En juin 2010, au Kirghizistan, des centaines de personnes sont mortes, des milliers ont été blessées et des centaines de milliers ont été déplacées.

« Il y a des blessures que le temps ne guérit pas. La vérité, l’obligation de rendre des comptes et la justice sont les seuls outils qui permettront de rebâtir les passerelles entre les deux communautés ethniques », a indiqué Maisy Weicherding, spécialiste d’Amnesty International sur le Kirghizistan.

« Les crimes contre l’humanité ? actes de torture, viols et meurtres de civils ? n’ont pas été sanctionnés. Les enquêtes menées se sont avérées partiales et les procès ont bafoué les normes internationales d’équité. »

Dans sa synthèse intitulée Kyrgyzstan : Dereliction of duty, Amnesty International expose l’incapacité des autorités kirghizes à enquêter de manière équitable et efficace sur les violences de juin 2010 et leurs répercussions, alors que les milliers de victimes des graves crimes et violations des droits humains attendent que justice leur soit rendue. Elle appelle la communauté internationale à apporter aux autorités un soutien tant technique que financier.

Il y a deux ans, en juin, des membres des communautés kirghize et ouzbèke ont pris part à des massacres, des pillages et des saccages dans les villes d’Och et de Djalal-Abad, dans le sud du pays. Il est à noter que ce sont les Ouzbeks qui ont subi la majorité des dommages matériels et humains.

Sous la pression de la communauté internationale, le gouvernement et l’ancien président ont nommé une Commission internationale indépendante chargée d’enquêter sur ces évènements. Cependant, en mai 2011, les autorités ont rejeté ses conclusions relatives aux solides éléments attestant que des crimes contre l’humanité avaient été perpétrés contre des membres de l’ethnie ouzbèke dans la ville d’Och.

À ce jour, aucune enquête n’a été menée ni aucune poursuite engagée concernant des crimes contre l’humanité.

Depuis les violences de juin 2010, depuis deux ans, la torture et les mauvais traitements imputables aux agents des forces de l’ordre demeurent monnaie courante, notamment les passages à tabac : lors des interpellations dans la rue, lors des perquisitions, lors des transferts vers des centres de détention, pendant les premières heures d’interrogatoire et dans les centres de détention provisoire.

La police, dans le cadre de ses investigations, continue de cibler de façon disproportionnée les Ouzbeks et les quartiers à population ouzbèke ; les policiers menacent de les inculper de crimes graves liés aux violences de juin 2010 ? homicides ou participation à des troubles violents à grande échelle ? pour leur extorquer de l’argent.

Les organisations de défense des droits humains ont recensé des dizaines de cas de viols et autres violences sexuelles dont ont été victimes des femmes et des jeunes filles tant ouzbèkes que kirghizes. D’autres cas isolés concernaient des hommes et des jeunes garçons victimes de viol. Pourtant, durant les deux années qui se sont écoulées depuis les événements de juin 2010, les investigations ouvertes sur ces affaires ont largement piétiné.

Par ailleurs, la présomption d’innocence est absente des procès, y compris des audiences en appel, et ce à tous les niveaux de juridiction, jusqu’à la Cour suprême, tandis que l’appareil judiciaire subit une énorme pression politique en vue de condamner les personnes identifiées comme les responsables présumés des violences de juin 2010 dans la versions des faits cautionnée par les autorités et caractérisée par un traitement inégal selon l’appartenance ethnique.

D’après le procureur de la ville d’Och, sur les 105 affaires concernant 121 personnes accusées dans le cadre des violences de juin 2010 qui sont arrivées au stade du procès, seules deux se sont soldées par des acquittements.

La torture et les autres mauvais traitements qui perdurent en détention sont à mettre sur le compte de l’impunité dont jouissent les agents des forces de l’ordre, notamment aux niveaux local et régional. Selon le Bureau du procureur général, ces agissements n’ont donné lieu à aucune condamnation.

« Les crimes contre l’humanité ne se prescrivent pas. Les autorités kirghizes doivent enquêter sur toutes les violations des droits humains commises durant les violences de juin 2010 et par la suite, notamment sur les crimes contre l’humanité, et la communauté internationale doit rester ferme afin que justice soit rendue aux victimes », a conclu Maisy Weicherding.

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