LIBAN. Les femmes doivent obtenir le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants

Déclaration publique

ÉFAI- 12 avril 2010

Amnesty International exhorte les autorités libanaises à retirer immédiatement l’appel qu’elles ont interjeté d’une décision décisive qui a autorisé en juin 2009 une femme libanaise à transmettre sa nationalité à ses enfants.

L’organisation est vivement préoccupée par la volonté des autorités libanaises d’annuler une décision de cette importance au lieu de la faire appliquer et de veiller à ce que le Liban s’acquitte de ses obligations internationales en matière de non-discrimination envers les femmes. Si la Chambre civile de la Cour d’appel infirme cette décision, elle brisera les espoirs de milliers d’enfants nés de mères libanaises et de pères d’une autre nationalité, qui sont traités comme des étrangers dans leur propre pays et privés d’accès à l’éducation publique, entre autres services.

La Chambre civile de la Cour d’appel qui traite des affaires relevant du statut personnel doit examiner mardi 13 avril 2010 le cas de Samira Soueidan, citoyenne libanaise qui s’est vu accorder le droit de transmettre sa nationalité à trois de ses enfants nés au Liban par la Cinquième chambre du tribunal de première instance de Jdeidet el Metn, dans le Mont-Liban, le 16 juin 2009.

Samira Soueidan avait entamé une procédure après le décès en 1994 de son mari, un ressortissant égyptien. En 2005, elle a intenté une nouvelle action en justice contre l’État libanais afin de contester la loi n° 15 de 1925, qui prévoit la transmission de la nationalité et de la citoyenneté par le père exclusivement.

Aux termes du droit libanais, les femmes, à la différence des hommes, ne peuvent transmettre leur nationalité à leurs époux ni à leurs enfants. Les enfants des Libanaises mariées à des ressortissants étrangers ne peuvent obtenir la nationalité libanaise. Un homme étranger qui épouse une Libanaise ne peut pas non plus obtenir la nationalité libanaise, alors qu’une femme étrangère qui épouse un Libanais peut l’acquérir après un an de mariage. Ces dispositions bafouent sans conteste les obligations incombant au Liban au titre du droit international, notamment le principe de non-discrimination (article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, PIDCP), le principe d’égalité entre hommes et femmes (article 3 du PIDCP) et d’égalité devant la loi (article 26 du PIDCP).

Faisant fi de ces dispositions discriminatoires, les juges John Qazzi, Rana Habaka et Lamis Kazma ont appuyé leur décision de juin sur l’article 7 de la Constitution libanaise, qui énonce le principe d’égalité devant la loi pour tous les citoyens, hommes et femmes. Ils ont, en conséquence, autorisé Samira Soueidan à transmettre sa nationalité à ses enfants. Toutefois, cette décision de justice a été contestée par le parquet et une commission juridique du ministère de la Justice au nom de l’État libanais, respectivement en juillet et en septembre.
Outre le caractère discriminatoire de ces dispositions, l’incapacité des femmes à transmettre leur nationalité à leurs époux ou à leurs enfants a des répercussions qui s’étendent à toute la famille. Les époux et les enfants doivent en permanence obtenir des permis de résidence et de travail afin de vivre et travailler légalement au Liban. Les enfants sont considérés comme des résidents, et non des citoyens, et ne jouissent donc pas des mêmes droits que les citoyens libanais en matière d’accès à l’éducation, puis d’emploi.
En interjetant appel de la décision de justice livrée en juin quelques mois seulement avant que le Liban ne fasse l’objet d’un contrôle dans le cadre de l’Examen périodique universel mené par le Conseil des droits de l’homme, l’État libanais adresse un message inquiétant et persiste à ébranler le principe fondateur de la non-discrimination.
Ce faisant, il ignore également les conclusions formulées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes lors de sa 40e session en 2008. Le Comité déplorait que le Liban réaffirme son incapacité, pour des motifs politiques, à modifier sa loi sur la nationalité afin de permettre aux femmes libanaises de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leurs époux étrangers. Le Comité exhortait le Liban à reconnaître les répercussions négatives de cette loi sur les Libanaises mariées à des étrangers et sur leurs enfants et, en conséquence, à réviser ce texte de loi et à supprimer la réserve inscrite au paragraphe 2 de l’article 9.
Amnesty International appelle les autorités libanaises à prendre immédiatement des mesures afin de modifier la loi existante comportant des dispositions discriminatoires envers les femmes et à emboîter le pas à l’Algérie, à l’Égypte et au Maroc, qui ont modifié leurs lois relatives à la nationalité ces dernières années afin de donner aux femmes le droit de transmettre leur nationalité à leurs époux et à leurs enfants.
Complément d’information
Au Liban, la Loi n° 15 de 1925 précise que les mères sont autorisées à transmettre leur nationalité à leurs enfants dans deux cas seulement :
 une mère libanaise peut transmettre sa nationalité à son enfant si celui-ci est né d’une relation hors mariage et de père inconnu ;
 une femme étrangère mère d’enfants mineurs nés d’un premier mariage avec un père étranger, si elle acquiert la nationalité libanaise en épousant un Libanais, peut alors transmettre sa nationalité à ses enfants mineurs non libanais, à la mort de son époux.
Les enfants nés de mères libanaises et de pères étrangers se heurtent à des obstacles pour jouir de droits aussi fondamentaux que le droit à l’éducation. La Loi n° 686 de 1998, portant modification de l’article 49 du Décret n° 134/59 prévoit : « L’éducation publique est gratuite et obligatoire dans l’enseignement primaire et c’est un droit pour tous les Libanais d’âge primaire. » Si seuls les enfants libanais ont droit à une éducation primaire gratuite, les enfants de mère libanaise et de père étranger se voient alors privés d’un accès égal à l’éducation. Cette loi bafoue l’obligation qui incombe au Liban au titre de l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant, auquel il est partie. Le Liban est tenu de rendre « l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ».
Lorsque les enfants atteignent l’âge de 18 ans, ceux qui sont nés d’une mère libanaise et d’un père étranger doivent trouver des employeurs prêts à demander des permis de travail qui occasionnent de lourds frais financiers. Aussi les employeurs évitent-ils généralement de les embaucher.

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