Soudan : le harcèlement contre les journalistes s’intensifie

Les autorités soudanaises ont recours à un grand nombre de nouvelles stratégies pour réduire les journalistes du pays au silence dans le cadre de la répression qu’elles exercent depuis janvier 2011 et le début des soulèvements en Afrique du Nord, a déclaré Amnesty International dans un nouveau document diffusé à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse.

Intitulé La dissidence réduite au silence. Les restrictions à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion persistent au Soudan, ce document décrit la manière dont les autorités censurent la presse, notamment en confisquant des journaux après impression, en empêchant les marchands de les vendre, ou encore en inculpant les journalistes et les rédacteurs de charges fallacieuses.

« Bien que les attaques contre la liberté d’expression ne soient pas une nouveauté au Soudan, les manœuvres de harcèlement et d’intimidation visant les personnes qui critiquent le gouvernement se sont intensifiées depuis janvier 2011 », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

« Depuis mai 2011, les autorités soudanaises ont fermé 15 périodiques, confisqué plus de 40 éditions de journaux, arrêté huit journalistes et interdit à deux d’entre eux d’exercer leur profession, entravant ainsi lourdement la liberté d’expression », a expliqué Erwin van der Borght.

Au cours des seuls mois de janvier et février 2012, les autorités soudanaises ont suspendu la parution de trois journaux au titre de la Loi relative à la sécurité nationale, qui autorise le Service national de la sûreté et du renseignement (NISS) à interdire toute publication contenant des informations considérées comme représentant une menace pour la sécurité nationale.

En avril 2012, les autorités ont à deux reprises confisqué al-Midan après publication, plaçant une importante pression financière sur le journal.

En mars 2011, des journalistes ont été arrêtés et inculpés pour avoir rédigé des articles sur les allégations de Safia Ishaag, une étudiante en art et militante de 26 ans qui a déclaré avoir été violée, torturée et battue à coups de pied jusqu’à ce qu’elle perde connaissance par trois agents des forces de sécurité qui l’avaient arrêtée à Khartoum le 13 février 2011.

Fatima Ghazali, journaliste au sein du journal Aljareeda, a été condamnée à une amende de 2 000 livres soudanaises (environ 740 dollars américains) par le tribunal pour la presse pour avoir écrit un article sur le cas de Safia Ishaag et avoir demandé à ce qu’une enquête soit menée sur les mauvais traitements qu’elle a subis. Le rédacteur en chef du journal, Saad Eddin Ibrahim, a été condamné à une amende s’élevant à 5 000 livres soudanaises (environ 1 860 dollars américains) pour avoir publié cet article. Fatima Ghazali a d’abord refusé de payer l’amende et a été maintenue en détention pendant deux jours.

Les autorités ont également infiltré des sites de réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter ou YouTube afin d’exercer leur répression contre les militants qui utilisent ces outils afin de partager des informations et d’organiser des manifestations ou d’autres actions publiques.

Des militants ont informé Amnesty International qu’ils s’étaient vu demander les mots de passe permettant d’accéder à leur messagerie électronique et à leur compte Facebook au cours d’interrogatoires menés par le NISS.

Amnesty International a également découvert que des membres des services de la sûreté et du renseignement ont à maintes reprises détourné la législation et les codes de conduite de la presse pour réprimer la dissidence.

L’article 5(2) de la Loi de 2009 relative aux publications et à la presse dispose : « Aucune restriction ne saurait être imposée à la liberté de la presse, à l’exception des dispositions prévues par la présente loi visant à préserver la sécurité nationale, l’ordre public et la santé publique ; les journaux ne sauraient être saisis, leurs bureaux fermés et les journalistes et éditeurs arrêtés pour avoir exercé leur profession en dehors des cas prévus par la présente loi. »

Cette définition vague de ce qui ne peut pas être publié confère des pouvoirs étendus aux autorités, leur permettant de suspendre des éditeurs ou la parution de journaux « lorsqu’ils ne respectent pas les conditions relatives à l’exercice de cette profession ».

Le Code de conduite des journalistes de 2009 stipule que les journalistes se doivent de « défendre les intérêts, l’unité, la survie et l’intégrité de la patrie ». Cette disposition a été utilisée par les agents du NISS pour ériger en infraction la liberté d’expression, notamment en imposant des restrictions sur la publication d’articles sur les conflits armés au Soudan.

Amnesty International a appelé les autorités soudanaises à mettre fin à la répression contre les journalistes et les militants et à enquêter sur toutes les violations commises par les services de sécurité.

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