Communiqué de presse

Vivre pour l’amour, mourir à cause de la haine : la montée de l’homophobie en Afrique

Jean-Claude Roger Mbede est mort prématurément le 10 janvier dans sa ville de Ngoumou, au Cameroun.

Selon les informations parues dans les médias, sa famille l’a empêché de recevoir les soins médicaux dont il avait besoin, le laissant lutter contre la mort tandis que ses avocats se battaient devant les tribunaux pour faire appel de sa condamnation pour « homosexualité ».

Partout dans le monde, les militants des droits humains ont été choqués et tristes d’apprendre son décès. Amnesty International menait campagne en sa faveur depuis plusieurs années et l’avait adopté comme prisonnier d’opinion. Durant cette période, le militant de 34 ans au large sourire s’était lié d’amitié avec de nombreuses personnes de l’organisation.

Jean-Claude était l’une des nombreuses personnes arrêtées et condamnées au Cameroun en vertu de lois pénalisant les relations sexuelles entre personnes du même sexe. Il a été arrêté en mars 2011 après avoir envoyé un message d’amour à un homme.

Reconnu coupable par la suite d’« homosexualité et tentative d’homosexualité », il a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Pendant son incarcération, il a souffert de malnutrition et a été régulièrement battu. Bien qu’il ait obtenu le 16 juillet 2012 une libération provisoire le temps que son avocat fasse appel de sa condamnation, la cour d’appel de Yaoundé a ensuite confirmé sa peine. Craignant d’être de nouveau arrêté et forcé à purger le reste de sa peine, Jean-Claude est entré dans la clandestinité.

Malgré la procédure d’appel en cours et la mobilisation internationale en sa faveur, il est mort en hors-la-loi, dont le seul « crime » a été d’exprimer son amour.

Quand aimer devient un crime

Le traitement sévère des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) comme Jean-Claude par les autorités camerounaises et l’indifférence de la société de son pays à leur souffrance – et même leur mort – sont révélateurs d’un problème plus général qui s’étend dans de nombreux pays d’Afrique aujourd’hui.

Les relations sexuelles entre adultes du même sexe – souvent qualifiées de « rapports charnels contre nature » ou d’« actes contraires à l’ordre de la nature » – sont à l’heure actuelle illégales dans 31 pays d’Afrique sub-saharienne et dans toute l’Afrique du Nord. Dans quatre de ces pays, elles sont même passibles de la peine de mort.

En juin dernier, Amnesty International a publié un rapport traitant de la montée de l’homophobie dans la région : Quand aimer devient un crime. La criminalisation des relations entre personnes de même sexe en Afrique subsaharienne . Ce document montre que les « actes homosexuels » sont de plus en plus criminalisés à travers l’Afrique, un certain nombre de gouvernements essayant d’imposer des peines plus sévères ou d’élargir le champ d’application de lois existantes, y compris en instaurant la peine de mort.

Outre la mort tragique de Jean-Claude, des évolutions récentes dans d’autres pays témoignent d’une aggravation de la situation depuis cette publication.

La loi draconienne du Nigeria

Lundi 13 janvier, les militants LGBTI du Nigeria ont vu leurs pires craintes confirmées après la promulgation de la Loi sur la prohibition du mariage entre personnes du même sexe. Alors que la législation nigériane rendait déjà les « relations sexuelles contraires à l’ordre de la nature » passibles de 14 ans d’emprisonnement, et que certains États du nord du pays prévoient même la peine de mort en vertu de la charia (loi islamique), cette nouvelle loi extrêmement oppressive foule aux pieds les libertés les plus fondamentales.

En signant ce texte de loi, le président Goodluck Jonathan a fait entrer en vigueur une disposition qui criminalise non seulement le « mariage entre personnes du même sexe » – défini en termes si vagues qu’il inclut presque toute forme de cohabitation entre personnes du même sexe – mais aussi les activités de nombreuses organisations de défense des droits humains et autres entités de la société civile. Aux termes du projet de loi, quiconque « contribue à l’inscription, au fonctionnement et à la subsistance de clubs, sociétés, organisations, défilés ou rassemblements gays » s’expose à 10 ans de prison.

Cette nouvelle loi a transformé de fait le Nigeria en l’une des nations les moins tolérantes au monde.

Mardi 14 janvier, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Navi Pillay, a fustigé cette loi dans une déclaration : « J’ai rarement vu un texte législatif qui, en si peu de paragraphes, viole directement tant de droits humains fondamentaux et universels. Droit à la vie privée et à la non-discrimination, droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion, droit de ne pas subir d’arrestation et de détention arbitraires : cette loi les bafoue tous. »

Depuis son entrée en vigueur, la police de plusieurs États nigérians a procédé à de nombreuses arrestations au titre de cette nouvelle loi et au moins 12 personnes seraient toujours en détention. Des défenseurs des droits humains ont indiqué à Amnesty International que, dans au moins un État, la police avait dressé une liste de 167 personnes susceptibles d’être arrêtées en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre présumée. Selon les militants LGBTI, beaucoup de personnes actuellement détenues sont privées d’accès à des avocats et de toute autre assistance.

L’organisation demande que cette chasse aux sorcières cesse et que les autorités nigérianes abrogent cette loi discriminatoire.

La tempête qui se prépare en Ouganda

Pendant ce temps en Ouganda, des personnes LGBTI et des défenseurs des droits humains continuent de combattre un projet de loi répressif contre l’homosexualité. Le 20 décembre 2013, ce texte – présenté une première fois en 2009 – a été adopté par le Parlement lors d’un vote surprise (voir document ci-dessous).

L’intégralité de son contenu n’a pas encore été publiée, mais son adoption constitue une grave attaque contre les droits humains car il prévoit un durcissement des peines sanctionnant les activités sexuelles consenties entre personnes du même sexe. Comme celle du Nigeria, en plus de porter atteinte aux droits à la vie privée, au respect de la vie de famille et à l’égalité, cette loi menacerait la liberté d’expression et d’association – tous ces droits sont protégés par le droit ougandais et le droit international relatif aux droits humains.

Les autres dispositions inquiétantes du projet de loi comprennent notamment l’incrimination de la « promotion » de l’homosexualité, l’imposition d’un test de dépistage du VIH dans certaines circonstances et l’application de peines de réclusion à perpétuité pour l’« homosexualité aggravée » ou les mariages entre personnes du même sexe.

L’adoption de ce texte n’aura pas seulement des conséquences pour les personnes LGBTI en Ouganda. Elle pèsera sur le travail légitime de la société civile, des professionnels de la santé publique et des responsables locaux.

Le président ougandais, Yoweri Museveni, a le pouvoir de mettre fin à cette législation extrêmement discriminatoire. Amnesty International mène une campagne mondiale pour lui demander de mettre son veto à ce projet de loi dans son ensemble et de réaffirmer l’engagement de l’Ouganda en faveur du respect des droits humains.

Combattre la montée de la haine

Bien qu’ils ne soient pas liés directement, ces récents événements au Cameroun, au Nigeria et en Ouganda mettent en évidence la situation à laquelle sont confrontés les personnes et les militants LGBTI dans de nombreux endroits d’Afrique aujourd’hui.

Malgré tout, à travers le continent, un nombre de plus en plus grand de militants et d’organisations continuent de contester ces lois et de lutter pour les droits humains des personnes LGBTI.

Amnesty International se joint toujours à eux pour militer afin que nul ne soit exposé au harcèlement, à la prison, voire à la mort, simplement pour ce qu’il est et qui il aime.

PASSEZ À L’ACTION :
Demandez au président ougandais Yoweri Museveni de mettre son veto au projet de loi répressif de son pays contre l’homosexualité.

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