ARABIE SAOUDITE

Royaume d’Arabie saoudite

Chef de l’État et du gouvernement : Abdallah bin Abdul Aziz al Saoud

Des restrictions sévères pesaient sur la liberté d’expression, d’association et de réunion. Le gouvernement a réprimé la dissidence en arrêtant et en incarcérant des personnes qui le critiquaient, y compris des défenseurs des droits humains.
Beaucoup de ces personnes ont été jugées dans le cadre de procès inéquitables par des tribunaux n’appliquant pas une procédure régulière, notamment un tribunal spécial antiterroriste qui prononçait des condamnations à mort. Une nouvelle loi assimilait réellement au terrorisme les critiques à l’égard du gouvernement et d’autres activités pacifiques. Les autorités ont réprimé le militantisme en ligne et intimidé les militants et les membres de leur famille qui dénonçaient des violations des droits humains. La discrimination envers la minorité chiite persistait ; certains militants chiites ont été condamnés à mort et beaucoup d’autres à de lourdes peines d’emprisonnement. Des informations ont fait état de tortures régulièrement infligées aux détenus ; des accusés ont été déclarés coupables sur la base d’« aveux » obtenus sous la torture, d’autres ont été condamnés à des peines de flagellation.
Les femmes, exposées à la discrimination dans la législation et en pratique, n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences, sexuelles et autres, malgré l’adoption d’une nouvelle loi érigeant la violence domestique en infraction pénale. Des milliers de migrants ont été arrêtés et expulsés sommairement ; certains ont été renvoyés dans des pays où ils risquaient de subir des atteintes graves à leurs droits fondamentaux. Les autorités ont eu recours fréquemment à la peine de mort ; plusieurs dizaines de personnes ont été exécutées en public.

CONTEXTE

Le gouvernement a adopté des mesures de plus en plus strictes contre ses détracteurs et opposants, qui allaient de dissidents pacifiques à des militants islamistes armés. Ces mesures se sont traduites par l’introduction et l’application d’une nouvelle loi antiterroriste, sévère et d’une grande portée. Les autorités ont publiquement dissuadé les Saoudiens de fournir un financement, des recrues ou d’autres formes de soutien aux groupes armés extrémistes sunnites opérant en Syrie et en Irak.
En septembre, l’Arabie saoudite a rejoint l’alliance militaire dirigée par les États-Unis et formée pour combattre divers groupes armés agissant en Syrie et en Irak, dont l’État islamique.
Le Conseil des droits de l’homme [ONU] a terminé en mars l’Examen périodique universel de la situation des droits humains en Arabie saoudite. Le gouvernement saoudien a accepté la plupart des recommandations formulées mais en a rejeté d’autres, importantes, dont celle l’exhortant à ratifier le PIDCP. Les autorités se sont engagées à démanteler ou à abolir le système de tutelle masculine et à accorder aux femmes plus de liberté pour voyager, étudier, travailler et se marier ; aucune initiative tangible n’avait toutefois été prise à la fin de l’année pour mettre en œuvre ces engagements.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Ne tolérant toujours pas la dissidence, l’État prenait des mesures répressives contre les personnes qui le critiquaient, notamment les blogueurs et autres commentateurs en ligne, les militants politiques et les défenseurs des droits des femmes, les membres de la minorité chiite et les militants et défenseurs des droits humains. Les juges n’étaient toujours pas autorisés à utiliser les réseaux sociaux pour quelque motif que ce soit.
En mai, un tribunal de Djedda a condamné le blogueur Raif Badawi à une peine de 10 ans d’emprisonnement assortie de 1 000 coups de fouet. Raif Badawi avait été déclaré coupable d’« insulte envers l’islam » pour avoir créé le site web Libéraux saoudiens, qui encourageait le débat politique et social, et pour avoir critiqué certains dignitaires religieux. Il avait, dans un premier temps, été accusé d’apostasie, ce qui le rendait passible de la peine de mort. Le tribunal a également ordonné la fermeture du site web. Les peines d’emprisonnement et de flagellation de Raif Badawi ont été confirmées en septembre en appel.
En octobre, le Tribunal pénal spécial, à Riyadh, a condamné trois avocats – Abdulrahman al Subaihi, Bander al Nogaithan et Abdulrahman al Rumaih – à des peines allant jusqu’à huit ans d’emprisonnement assorties d’une interdiction subséquente de voyager à l’étranger. Ces trois hommes avaient été déclarés coupables de « trouble à l’ordre public » pour avoir critiqué le ministère de la Justice sur Twitter. Le tribunal leur a en outre interdit d’utiliser tous les médias, y compris les réseaux sociaux, pour une durée indéterminée.
Le gouvernement ne tolérait pas l’existence de partis politiques, de syndicats ni de groupes indépendants de défense des droits humains. Des personnes qui avaient créé des organisations non autorisées ou en étaient membres ont été arrêtées, poursuivies en justice et emprisonnées.
Cette année encore, les autorités ont refusé d’autoriser Amnesty International à envoyer une délégation dans le pays et elles ont pris des mesures répressives contre des militants et des proches de victimes qui avaient pris contact avec l’organisation.
Tous les rassemblements publics, y compris les manifestations, demeuraient interdits en vertu d’un arrêté pris en 2011 par le ministère de l’Intérieur. Ceux qui tentaient de braver cette interdiction risquaient d’être arrêtés, poursuivis et emprisonnés, entre autres pour avoir « incité la population à s’opposer aux autorités ». En octobre, le gouvernement a averti que quiconque braverait l’interdiction en soutenant la campagne en faveur des femmes au volant serait arrêté (voir plus loin).

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS

Les autorités ont pris pour cible la communauté des défenseurs des droits humains, petite mais active, et elles ont utilisé les lois antiterroristes pour réprimer ses activités pacifiques qui visent à dénoncer et à combattre les violations des droits humains. Parmi les personnes détenues ou qui purgeaient des peines d’emprisonnement figuraient des membres fondateurs et des militants de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), un groupe non reconnu créé en 2009 et qui fait campagne pour la remise en liberté des prisonniers politiques détenus de longue date ou, à défaut, leur comparution en justice selon une procédure équitable. À la fin de l’année, quatre membres de l’ACPRA purgeaient des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement, trois étaient détenus dans l’attente de leur verdict et deux autres étaient détenus sans jugement. Ces derniers étaient Abdulrahman al Hamid, arrêté après avoir signé, en avril, une déclaration appelant à la comparution en justice du ministre de l’Intérieur, et Saleh al Aswan, détenu sans jugement depuis 2012. Deux autres militants de l’ACPRA étaient en liberté et attendaient l’issue de leur procès. Ceux qui avaient été déclarés coupables purgeaient des peines prononcées pour des chefs d’accusation à la formulation vague et trop large, conçue pour museler toute critique pacifique.
D’autres militants ont été jugés pour des accusations similaires.
En juillet, le Tribunal pénal spécial a condamné Waleed Abu al Khair, avocat de renom spécialisé dans la défense des droits humains, à une peine de 15 ans d’emprisonnement suivie d’une interdiction de voyager à l’étranger de 15 ans également.
Cet homme avait été déclaré coupable à la suite de chefs d’accusation formulés de manière vague et trop large, liés à ses activités pacifiques et professionnelles de défense des droits humains.
En novembre, le tribunal pénal d’Al Khobar, dans la province de l’Est, a condamné Mikhlif bin Daham al Shammari à deux ans d’emprisonnement assortis de 200 coups de fouet. Il l’avait auparavant déclaré coupable d’avoir « perturbé l’opinion publique en prenant place aux côtés des chiites » et d’avoir « violé des instructions édictées par les dirigeants en organisant un rassemblement privé et en publiant des tweets ». Il avait déjà été condamné en juin 2013 par le Tribunal pénal spécial à une peine de cinq ans d’emprisonnement, assortie d’une interdiction de voyager subséquente d’une durée de 10 ans. Le tribunal lui avait aussi interdit de s’exprimer par écrit dans la presse et sur les réseaux sociaux, et d’intervenir à la télévision ou à la radio. La chambre d’appel du Tribunal pénal spécial a confirmé cette peine en juin 2014.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ

Une nouvelle loi antiterroriste, entrée en vigueur en février après avoir été approuvée par le roi, a ajouté de vastes pouvoirs à ceux que possédaient déjà les autorités pour lutter contre des « actes de terrorisme ». La nouvelle loi ne définissait pas le terrorisme mais prévoyait que toute parole et tout acte considérés par les autorités comme ayant directement ou indirectement pour conséquence de « troubler » l’ordre public, de « compromettre la sécurité de la société ou la stabilité de l’État », de « révoquer la loi fondamentale de gouvernance » ou de « nuire à la réputation de l’État ou à sa position » seraient qualifiés d’actes de terrorisme.
En mars, une série d’arrêtés pris par le ministère de l’Intérieur a étendu la définition saoudienne déjà large du terrorisme en y incluant « l’appel à l’athéisme » et le fait de « prendre contact avec des groupes ou des individus opposés au royaume », de « tenter de perturber l’unité nationale » en appelant à des manifestations ou de « porter préjudice à d’autres États et à leurs dirigeants ». En violation des normes internationales, les nouveaux arrêtés avaient un effet rétroactif, ce qui exposait les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions par le passé à des poursuites pour terrorisme ou d’autres chefs d’accusation en cas de nouvelle infraction.
En juillet, le ministère de la Justice a réaffirmé la compétence exclusive du Tribunal pénal spécial en cas de présomption d’atteinte à la sûreté de l’État.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Les services de sécurité ont procédé à des arrestations arbitraires et continuaient de maintenir des personnes en détention prolongée sans inculpation ni jugement ; un très grand nombre ont ainsi été détenues pendant plus de six mois sans être déférées devant un tribunal compétent, ce qui constituait une violation du Code de procédure pénale saoudien. Les détenus étaient souvent maintenus au secret pendant les interrogatoires et privés du droit de consulter un avocat, ce qui est contraire aux normes internationales en matière d’équité des procès.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Selon notamment d’anciens détenus et des accusés, le recours à la torture et aux autres mauvais traitements demeurait courant et très répandu, et ces sévices étaient infligés en toute impunité. Dans un certain nombre de cas, des tribunaux ont déclaré des accusés coupables sur la seule base d’« aveux » obtenus avant le procès, sans ordonner aucune enquête sur leurs allégations de torture ; certains de ces accusés ont été condamnés à mort.
Des prisonniers condamnés les années précédentes pour des motifs politiques auraient été maltraités en prison. C’était notamment le cas d’Abdullah al Hamid et de Mohammad al Qahtani, militants de l’ACPRA, qui ont entamé en mars une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention. En août, des gardiens de la prison de Djedda auraient battu Waleed Abu al Khair, avocat spécialisé dans la défense des droits humains, lorsqu’ils l’ont extrait de force de sa cellule avant de le transférer dans un autre établissement.

DISCRIMINATION – MINORITÉ CHIITE

Des membres de la minorité chiite, dont la plupart vivent dans la région pétrolifère de la province de l’Est, faisaient toujours l’objet d’une discrimination profondément enracinée qui restreignait leur accès aux services gouvernementaux et à l’emploi et les affectait à bien d’autres égards. Les membres de cette communauté étaient, dans la plupart des cas, exclus des fonctions à responsabilités. Les dirigeants et militants chiites risquaient d’être arrêtés, emprisonnés à l’issue de procès inéquitables et condamnés à la peine capitale.
En mai, le Tribunal pénal spécial a condamné à mort Ali Mohammed Baqir al Nimr, notamment pour participation à des manifestations antigouvernementales, détention d’armes et attaques visant les forces de sécurité. Il a nié les faits qui lui étaient reprochés et a déclaré au Tribunal qu’il avait été torturé et contraint de faire des aveux durant sa détention précédant le procès. Le Tribunal l’a déclaré coupable sans ordonner aucune enquête sur ses allégations de torture, et il l’a condamné à mort alors qu’il n’était âgé que de 17 ans au moment des faits supposés. Son oncle, Nimr Baqir al Nimr, un religieux chiite originaire d’Al Qatif qui critiquait vivement le traitement de la minorité chiite par le gouvernement, a été condamné à mort en octobre par le Tribunal pénal spécial.
Les forces de sécurité l’avaient interpellé en juillet 2012 dans des circonstances peu claires où il avait été blessé par balle à une jambe, qui était restée paralysée. En août, le Tribunal pénal spécial a condamné un autre religieux chiite bien en vue, Tawfik al Amr, à huit années d’emprisonnement suivies de 10 années d’interdiction de voyage outremer. Il lui a aussi été interdit de prononcer des prêches et des discours publics.
En septembre, le Tribunal pénal spécial a condamné le militant des droits des chiites Fadhel al Manasif à une peine de 14 ans d’emprisonnement assortie d’une amende et suivie d’une interdiction de voyager pour une durée de 15 ans. Cet homme avait auparavant été déclaré coupable notamment de « désobéissance au souverain » et de « contact avec des médias étrangers ». La peine a été confirmée par la chambre d’appel du Tribunal en décembre.
Le Tribunal pénal spécial a condamné d’autres militants chiites pour leur participation présumée aux manifestations de 2011 et de 2012. Cinq au moins ont été condamnés à mort et d’autres à de lourdes peines d’emprisonnement.

DROITS DES FEMMES

Les femmes et les filles étaient toujours confrontées à la discrimination dans la loi et en pratique. Les femmes étaient subordonnées aux hommes aux termes de la loi, en particulier dans les affaires liées à la famille comme le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage, et elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences, sexuelles ou autres. D’après les informations disponibles, les violences domestiques restaient très répandues malgré une campagne de sensibilisation lancée en 2013 par les autorités. Adoptée en 2013, une loi érigeant les violences domestiques en infraction pénale n’était pas appliquée car les autorités compétentes manquaient de ressources à cet effet.
Les femmes qui soutenaient la campagne Women2Drive lancée en 2011 pour contester l’interdiction faite aux femmes de conduire risquaient d’être harcelées et intimidées par les autorités, qui ont averti que celles qui prenaient le volant seraient arrêtées. Certaines ont été interpellées, puis rapidement remises en liberté. Début décembre, Loujain al Hathloul et Mayssa al Amoudi, deux sympathisantes de la campagne, ont été arrêtées à la frontière avec les Émirats arabes unis parce qu’elles conduisaient. Inculpées d’infractions liées au terrorisme, elles étaient toujours détenues à la fin de l’année.
Souad al Shammari, une militante des droits des femmes, a été arrêtée en octobre après avoir été convoquée par le Bureau des enquêtes et des poursuites judiciaires de Djedda à des fins d’interrogatoire. Elle était maintenue en détention à la fin de l’année dans la prison de Briman, à Djedda, sans avoir été inculpée.
Wajeha al Huwaider et Fawzia al Oyouni, deux militantes des droits des femmes dont les condamnations à 10 mois d’emprisonnement suivies d’une interdiction de voyager à l’étranger d’une durée de deux ans ont été confirmées par une cour d’appel en 2013, étaient toujours en liberté. Les autorités n’ont pas expliqué pourquoi elles ne les avaient pas incarcérées.
En avril, deux filles du roi ont accusé celui-ci de les avoir tenues captives pendant 13 ans dans une résidence royale, avec leurs deux sœurs, et de les avoir privées d’une nourriture suffisante.

DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS

Après avoir accordé aux travailleurs étrangers plusieurs mois pour régulariser leur situation, le gouvernement a lancé en novembre 2013 une campagne contre les migrants en situation irrégulière ; des centaines de milliers de travailleurs étrangers ont été arrêtés, détenus et expulsés afin que plus d’emplois soient créés pour les Saoudiens. Le ministre de l’Intérieur a déclaré en mars que les autorités avaient expulsé plus de 370 000 travailleurs migrants au cours des cinq mois précédents et que 18 000 autres étaient en détention. Plusieurs milliers de travailleurs ont été sommairement renvoyés en Somalie et dans d’autres pays, où ils risquaient d’être victimes d’atteintes à leurs droits fondamentaux ; certains, nombreux, ont été renvoyés au Yémen. De nombreux migrants ont affirmé qu’avant leur expulsion ils avaient été entassés dans des centres de détention improvisés extrêmement surpeuplés, où la nourriture et l’eau étaient insuffisantes et où les gardiens les avaient maltraités.
CHÂTIMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DÉGRADANTS
Les tribunaux ont de nouveau prononcé des peines de flagellation à titre de châtiment judiciaire pour toute une série d’infractions. Le blogueur Raif Badawi a été condamné à 1 000 coups de fouet qui se sont ajoutés à une peine d’emprisonnement. Le défenseur des droits humains Mikhlif bin Daham al Shammari a été condamné à 200 coups de fouet ainsi qu’à une peine d’emprisonnement.
En septembre, les autorités ont remis en liberté Ruth Cosrojas, une employée de maison philippine qui avait été condamnée en octobre 2013 à 18 mois d’emprisonnement et à 300 coups de fouet à l’issue d’un procès inéquitable. Cette femme avait été déclarée coupable d’avoir organisé des relations sexuelles tarifées (quwada). Elle avait reçu 150 coups de fouet au moment de sa libération.

PEINE DE MORT

Les tribunaux continuaient de prononcer des sentences capitales, souvent à l’issue de procès iniques, pour toute une série d’infractions dont certaines n’étaient accompagnées d’aucune violence, par exemple la « sorcellerie », l’adultère et les infractions à la législation sur les stupéfiants. Certains accusés, dont des étrangers poursuivis pour meurtre, se sont plaints d’avoir été torturés, soumis à d’autres formes de contrainte ou encore induits en erreur afin qu’ils fassent de faux « aveux » durant la période précédant leur procès.
Plusieurs dizaines de personnes ont été exécutées ; beaucoup ont été décapitées en public. Parmi les suppliciés figuraient des Saoudiens et des migrants.

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