Asie du Sud-Est. Sommet asiatique : une chance pour la région

Il faut que les dirigeants d’Asie du Sud-Est qui doivent se réunir en Malaisie la semaine du 17 novembre inscrivent de toute urgence, parmi leurs priorités, un plan coordonné destiné à aider les milliers de demandeurs d’asile et de migrants originaires du Myanmar et du Bangladesh qui sont contraints à risquer leur sécurité et leur vie en mer, a déclaré Amnesty International.

Les États réunis à l’occasion du sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), qui se tiendra à Kuala Lumpur du 18 au 22 novembre, ne peuvent pas se concentrer uniquement sur le développement économique alors qu’une crise des réfugiés s’annonce et que la liberté d’expression est réprimée dans la région.

« La crise mondiale des réfugiés s’est déclarée en Asie du Sud-Est en mai 2015 : des milliers de Birmans et de Bangladais étaient alors bloqués sur de frêles esquifs, écartés du rivage où ils se seraient trouvés en sécurité, victimes de la traite et soumis au travail forcé ou tués en mer. Les pays de l’ASEAN ont véritablement la possibilité de convenir de mesures d’urgence afin d’empêcher une nouvelle catastrophe, a déclaré Champa Patel, directrice par intérim du bureau régional d’Amnesty International pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique.

« Les États de la région – en particulier l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande – doivent mettre en place des systèmes efficaces pour traiter les demandes d’asile au niveau national, conformément à leurs obligations. Le droit international coutumier est clair sur ce point : toute personne a le droit de demander l’asile, de voir son dossier examiné équitablement et de ne pas être renvoyée dans un pays où elle risque d’être torturée ou persécutée.

« Les États membres de l’ASEAN qui ne l’ont pas encore fait doivent s’engager dans le processus de ratification de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. »

Liberté d’expression

Tous les États de la région, en particulier l’Indonésie, la Malaisie, le Myanmar, la Thaïlande et le Viêt-Nam, doivent respecter et protéger le droit à la liberté d’expression et abroger ou modifier les lois qui le bafouent.

En Malaisie, la Loi relative à la sédition, qui date de l’époque coloniale, a servi à enquêter sur des centaines de personnes ayant critiqué le gouvernement ou la monarchie, ainsi qu’à les inculper et les emprisonner. Il s’agit notamment de personnalités politiques de l’opposition, de militants politiques, de défenseurs des droits humains, d’universitaires, de journalistes et d’avocats. Le dessinateur politique Zulkiflee Anwar Ulhaque, également connu sous son pseudonyme « Zunar », est poursuivi pour neuf chefs d’inculpation en vertu de la Loi relative à la sédition, en raison de ses publications critiquant le système judiciaire sur Twitter.

En Thaïlande, la répression officielle de la liberté d’expression s’est considérablement intensifiée. Des prisonniers d’opinion y sont incarcérés arbitrairement, souvent sans bénéficier d’une libération sous caution, et jugés généralement de manière inique par des tribunaux militaires. Certains ne peuvent même pas exercer leur droit d’appel. Les autorités utilisent les lois concernant la lèse-majesté (outrage à la monarchie) et la trahison pour emprisonner des dizaines de personnes qui n’ont fait que s’exprimer pacifiquement. Les défenseurs des droits humains sont toujours en butte à la censure, aux disparitions forcées et aux agressions violentes. Ainsi, le militant Sombath Boongamanong figure parmi les personnes jugées par un tribunal militaire pour avoir critiqué le coup d’État de mai 2014.

Bien que des élections historiques se soient tenues récemment au Myanmar, le nombre de personnes arrêtées et emprisonnées uniquement en raison de leur opposition pacifique a augmenté l’année passée. Quelques semaines avant les élections, au moins 19 prisonniers d’opinion supplémentaires se sont ajoutés aux dizaines de personnes déjà détenues au seul motif d’avoir exercé pacifiquement leurs droits. Arrêtée violemment lors d’une manifestation étudiante contre la nouvelle Loi relative à l’éducation nationale, Phyoe Phyoe Aung, secrétaire générale de la Fédération des syndicats étudiants de Birmanie (ABFSU), est emprisonnée depuis le 10 mars 2015, ainsi que des dizaines d’autres étudiants et manifestants.

Au Viêt-Nam, le militantisme pacifique, social ou religieux continue d’être réprimé. Les membres de groupes militants sont régulièrement victimes de harcèlement, qui peut prendre la forme d’une surveillance, de restrictions de la liberté de circulation, d’une détention arbitraire, de poursuites, d’un placement en détention ou d’agressions physiques. Le blogueur Nguyen Huu Vinh et sa collègue Nguyen Thi Minh Thuy sont en détention provisoire depuis qu’ils ont été arrêtés, en mai 2014, pour avoir critiqué des politiques gouvernementales et des représentants de l’État sur leur blog.

En Indonésie, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement au moins 264 militants politiques papous en mai parce qu’ils avaient manifesté, pourtant pacifiquement, pendant la visite du président Joko Widodo dans la province. Des dizaines de militants pacifiques en faveur de l’indépendance, originaires de Papouasie et des Moluques, sont toujours derrière les barreaux alors que certains n’ont fait qu’agiter un drapeau indépendantiste. Par ailleurs, les lois sur le blasphème servent encore à réprimer les croyances minoritaires.

« Nous continuons à demander la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers d’opinion de la région, a déclaré Champa Patel.

« Les dirigeants de l’ASEAN ne doivent pas quitter Kuala Lumpur sans s’être engagés à mettre fin aux attaques visant les défenseurs des droits humains dans leurs pays respectifs. Ces militants doivent pouvoir mener leurs activités sans craindre d’être persécutés. »

Photo : AFP/Getty Images

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