Égypte. Un mineur violé par des policiers doit être libéré

Un garçon de 14 ans affirmant avoir été violé en détention par des membres de l’Agence de sécurité nationale égyptienne doit être immédiatement remis en liberté, et les responsables présumés doivent être traduits en justice, a déclaré Amnesty International vendredi 11 décembre.

La famille de Mazen Mohamed Abdallah a indiqué à l’organisation que l’adolescent avait été torturé à maintes reprises en détention. Des policiers lui ont notamment fait subir des décharges électriques sur les parties génitales et enfoncé un bâton dans l’anus de manière répétée, pour le forcer à « avouer » avoir manifesté sans autorisation et appartenir aux Frères musulmans, un groupe interdit.

« Les sévices décrits par Mazen Mohamed Abdallah donnent un aperçu du recours généralisé et banalisé à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements par les forces égyptiennes de sécurité dans les postes de police  », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Le fait que de tels abus soient infligés à des mineurs en détention est très choquant. »

Mazen Mohamed Abdallah a été saisi par des membres des forces de sécurité lourdement armés au domicile familial, au Caire, le 30 septembre 2015. Après avoir fait subir un interrogatoire à l’adolescent chez lui et avoir fouillé la maison et cherché à extraire des informations de son téléphone portable, deux membres de la sécurité nationale ont bandé les yeux de Mazen, et ont dit à sa mère qu’ils l’emmenaient pour lui poser deux questions et le ramèneraient ensuite. Ils n’ont pas présenté de mandat d’arrestation ni d’autorisation de perquisition à la famille.

Les sept jours suivants, Mazen a été incarcéré sans pouvoir recevoir la visite de ses proches ni d’avocats, et sans pouvoir les contacter. Les autorités ont nié qu’il se trouvait en détention lorsque sa famille s’est mise à sa recherche dans les postes de police et auprès du ministère public. La famille du garçon a par ailleurs déposé plainte pour disparition auprès du ministère de l’Intérieur et du parquet, sans succès.

Mazen a dit qu’après son arrestation, il a été interrogé au premier poste de police du quartier de Nasr City, au Caire, au sujet de son appartenance aux Frères musulmans, de sa participation à des manifestations et de l’identité d’autres manifestants.

Après avoir nié ce dont on l’accusait, Mazen a décrit avoir été à plusieurs reprises frappé, violé avec un bâton et soumis à des décharges électriques, notamment au pénis, jusqu’à ce qu’il accepte d’« avouer n’importe quoi, pourvu que la torture cesse. »

Il a déclaré que des membres de la sécurité nationale l’ont forcé à mémoriser des « aveux » selon lesquels il reconnaissait appartenir au groupe, avoir participé aux manifestations et avoir imprimé des tracts incitant à manifester.

Après avoir été transféré au deuxième poste de police de Nasr City, au Caire, le 7 octobre, Mazen a déclaré que la torture s’est intensifiée et qu’il a été blessé à l’anus par des viols répétés perpétrés avec un bâton. Des agents de la sécurité nationale lui ont par ailleurs dit qu’il serait interrogé par un autre agent le lendemain, et qu’il serait de nouveau torturé et que ses parents seraient arrêtés s’il revenait sur ses « aveux ».

Il a été déféré au bureau du procureur de la sécurité nationale le lendemain. La famille du garçon a appris où il se trouvait grâce à une personne présente sur place par hasard, et un avocat a pu assister aux cinq dernières minutes de l’interrogatoire.

L’avocat a expliqué à Mazen qu’il était interrogé par un procureur, et non pas par des membres de la sécurité nationale comme on le lui avait précédemment dit, et lui a conseillé de révéler en détail les actes de torture qu’il avait subis, ce que Mazen a fait. L’avocat a par ailleurs demandé que l’adolescent soit examiné, des traces de torture étant visibles sur son corps.

Le procureur a cependant formellement accusé Mazen d’appartenir à un groupe interdit, d’avoir manifesté sans autorisation et d’avoir imprimé des tracts appelant à manifester. Il a ensuite ordonné son placement en détention pour 15 jours, ce qui est contraire à l’article 119 de la loi égyptienne relative aux mineurs, qui interdit le placement en détention provisoire des mineurs de moins de 15 ans. Sa détention a été renouvelée à plusieurs reprises, et il est incarcéré depuis deux mois dans une cellule surpeuplée aux côtés d’adultes, au premier poste de police de Nasr City. Son avocat n’a par ailleurs pas été autorisé à consulter le rapport médicolégal.
Mazen a en outre développé une maladie de la peau à cause des mauvaises conditions d’hygiène sur place. Sa famille est autorisée à lui rendre visite une fois par semaine pendant seulement une minute, durant laquelle sa mère a le temps l’embrasser une fois à travers les barreaux avant de devoir repartir.

En pleurs, elle a déclaré à Amnesty International : « Nous avons voté pour al Sisi afin que mes fils et leur futur soient protégés. Même le grand-père de 80 ans a voté. Maintenant, l’avenir de mon fils est compromis par ces viols. Comment vais-je pouvoir apprendre à Mazen à faire partie de ce pays et à l’aimer, après qu’il a vu son côté le plus sombre ? »

Amnesty International a constaté une multiplication des signalements d’actes de torture, de décès en détention et de disparitions forcées à travers l’Égypte depuis la nomination en mars dernier du ministre de l’Intérieur, Magdy Abdel Gaffar, issu de l’Agence de sécurité nationale.

Said Boumedouha a ajouté : « Les autorités égyptiennes doivent diligenter dans les meilleurs délais une enquête indépendante, approfondie et impartiale sur les allégations de Mazen Mohamed Abdallah selon lesquelles il a été torturé par des membres des forces de sécurité. Toute personne soupçonnée de torture contre laquelle il existe des éléments de preuve recevables suffisants doit être traduite en justice dans le cadre d’une procédure équitable. »

« Mazen est uniquement accusé d’avoir exprimé des opinions de manière non violente. Incarcérer un mineur de son âge est illégal, et il doit être immédiatement remis en liberté. »

Complément d’information

L’Assemblée générale et le Comité des droits de l’homme des Nations unies ont demandé aux États d’éviter, lorsque cela est possible, le recours à la détention provisoire contre des mineurs.

Le droit international dispose que nul enfant ne sera privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. Toute privation de liberté d’un mineur, notamment préalablement à un procès, ne doit constituer qu’un dernier recours et n’être employée que pour la plus courte durée possible. Des solutions de remplacement doivent être disponibles et il convient de déterminer si elles sont adaptées.

Amnesty International a recueilli des informations sur de nombreuses affaires où des membres des forces de sécurité ont violé des hommes se trouvant en détention, aussi bien sous la présidence d’Hosni Moubarak que sous celle d’Abdel Fattah al Sisi, y compris des cas où des membres de la sécurité nationale ont utilisé le viol pour arracher des « aveux » à des détenus.

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