Israël doit cesser de maltraiter un détenu palestinien en grève de la faim

Les autorités israéliennes doivent immédiatement mettre fin à tout traitement médical non consenti ainsi qu’aux autres sanctions infligées au journaliste palestinien Muhammed al Qiq, qui est détenu sans inculpation ni jugement depuis deux mois et a entamé une grève de la faim le 25 novembre, a déclaré Amnesty International vendredi 22 janvier.

Elles ont pris plusieurs mesures de pression sur cet homme, dont certaines sont contraires à l’interdiction de la torture et des autres mauvais traitements, pour qu’il cesse sa grève de la faim.

Muhammed al Qiq observe une grève de la faim (il n’accepte que de boire de l’eau) pour protester contre la torture et les autres mauvais traitements dont il affirme avoir été victime aux mains des Israéliens et pour réclamer sa remise en liberté, son placement en détention étant selon lui motivé par son activité journalistique. La santé de cette homme est aujourd’hui gravement menacée.

Les autorités israéliennes doivent le libérer, à moins qu’il ne soit inculpé d’une infraction dûment reconnue par le droit international et jugé dans le respect des normes internationales d’équité. Elles doivent également mener des enquêtes indépendantes sur les actes de torture et autres mauvais traitements qu’il affirme avoir subis et, si des preuves recevables suffisantes sont réunies, engager des poursuites contre les responsables présumés.

Muhammed al Qiq a été arrêté par l’armée israélienne à son domicile, situé à Ramallah en Cisjordanie occupée, le 21 novembre 2015. Dans un premier temps, il a été conduit dans un centre de détention de la colonie israélienne illégale de Beit El avant d’être transféré à Jérusalem, puis au centre de détention de Kishon (Jalameh), non loin de Haïfa en Israël.

Selon l’organisation palestinienne de défense des droits des détenus Addameer et son avocat, Muhammed al Qiq a été torturé durant les deux semaines où il a été interrogé par l’Agence israélienne de sécurité (AIS) et il n’a pas été autorisé à consulter son avocat. Il aurait notamment été placé dans une position douloureuse, dite de la « banane » (le détenu est attaché à une chaise dans une position contorsionnée), il serait resté attaché à une chaise pendant près de 15 heures d’affilée, et il aurait été menacé de violences sexuelles par ses interrogateurs, qui l’auraient aussi menacé de ne plus voir sa famille s’il n’« avouait » pas les allégations portées à son encontre. Après son interrogatoire, il a été transféré à l’hôpital de la prison de Ramleh, sa santé s’étant dégradée à cause de sa grève de la faim, puis à l’hôpital HaEmek d’Afula (en Israël), où il se trouve toujours depuis le 30 décembre.

Le 17 décembre 2015, il s’est vu notifier son placement en détention administrative. Lors d’une audience tenue le 24 décembre devant le tribunal militaire d’Ofer, Muhammed al Qiq a vu son avocat pour la première fois. Les effets de sa grève de la faim se faisaient déjà sentir et il a comparu à cette audience en fauteuil roulant. Le 30 décembre, le juge militaire a confirmé l’ordre de détention administrative le visant. Le recours formé contre cette décision a été examiné par la Cour d’appel militaire, siégeant aussi à Ofer, le 13 janvier. Elle l’a rejeté le lendemain. L’avocat de Muhammed al Qiq a alors interjeté appel auprès de la Cour suprême israélienne. L’audience n’a pas encore eu lieu, mais la Cour suprême a accepté de l’avancer au 27 janvier (au lieu, initialement, du 25 février) en raison de la mauvaise santé de Muhammed al Qiq.

Les éléments à charge sont tenus secrets, mais le juge militaire du tribunal militaire d’Ofer a indiqué à Muhammed al Qiq qu’il était accusé d’« incitation », de travailler avec des médias associés au Hamas, faction politique palestinienne dotée d’une branche armée, et de constituer une menace pour la sécurité de la région. Les factions politiques palestiniennes et leurs branches armées sont toutes interdites en vertu d’ordonnances militaires israéliennes dans les territoires palestiniens occupés.

Le droit international prévoit le recours exceptionnel à la détention administrative, dans des situations d’urgence, mais Israël utilise cette pratique depuis plusieurs dizaines d’années pour ne pas avoir à poursuivre des Palestiniens contre lesquels il n’existe pas de charges et pour détenir arbitrairement des personnes qui n’ont commis aucune infraction, dont des prisonniers d’opinion.

Le nombre de renouvellements d’un ordre de détention administrative est illimité, et certains Palestiniens sont détenus sans inculpation ni jugement depuis des années. Le recours à des éléments de preuve classés secrets bafoue le droit des accusés à un procès équitable.
Comme ces individus ne peuvent pas préparer une défense adéquate et ne savent pas quand ils seront remis en liberté, Amnesty International estime que le recours par Israël à la détention administrative peut être assimilé à un traitement cruel, inhumain et dégradant.

Muhammed al Qiq a entamé une grève de la faim le 25 novembre 2015 pour protester contre la torture et les autres mauvais traitements dont il affirme avoir été victime, puis l’a poursuivie en signe de contestation contre sa détention, sans inculpation ni jugement, sur la base d’éléments classés secrets. Il réclame sa remise en liberté et refuse depuis lors de s’alimenter, n’acceptant que de boire de l’eau.

La grève de la faim est une forme légitime de protestation. Ces dernières années, des détenus administratifs palestiniens ont observé des grèves de la faim pendant de longues périodes, les percevant comme leur seul recours pour exiger la reconnaissance de leurs droits au regard du droit international. Les autorités israéliennes ont systématiquement infligé des sanctions, assimilables parfois à de la torture ou à d’autres mauvais traitements, à ces détenus dans le but de les contraindre à cesser leur grève de la faim.

Le 10 janvier 2016, des gardiens israéliens ont enchaîné Muhammed al Qiq à son lit et l’ont maintenu en position allongée en dépit de son extrême faiblesse physique, pendant qu’on lui prélevait du sang à des fins d’analyse au bras droit et le perfusait au bras gauche. Physicians for Human Rights (Médecins pour les droits humains) – Israël (PHR-Israël), une organisation de défense des droits humains, pense que la perfusion a servi à lui administrer des vitamines et des sels minéraux. Cette mesure était clairement contraire aux souhaits de Muhammed al Qiq et, même s’il était trop faible pour opposer une résistance physique, il a déclaré à plusieurs reprises à son avocat qu’il ne souhaitait pas être alimenté par voie intraveineuse.

On lui a interdit de quitter le lit, même pour aller aux toilettes ou prendre une douche, pendant quatre jours. Le cinquième jour, il a pu se rendre dans la salle de bain, la perfusion lui étant alors retirée. Il a cette fois-ci réussi à s’opposer à ce qu’on la lui remette. Pratiquer des soins contre le gré du patient est contraire à la déontologie médicale, et le traitement réservé à Muhammed al Qiq pendant son hospitalisation enfreint l’interdiction des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants.

Le 15 janvier, Muhammed al Qiq s’est effondré et a été transféré au service de soins intensifs. Alors qu’il était inconscient, on l’a de nouveau mis sous perfusion et relié à plusieurs appareils de surveillance médicale. Quand il a repris connaissance un peu plus tard dans la journée, il a demandé le retrait immédiat de la perfusion et des appareils de surveillance, ce qui n’a été effectué que le 16 janvier.

Après son transfert à l’hôpital HaEmek, Muhammed al Qiq a été attaché à son lit avec des fers aux deux chevilles et à un poignet. Pendant qu’on le perfusait contre son gré, il avait les deux mains attachées alors qu’il se trouvait dans un état grave et qu’il était de plus en plus faible. À la demande de PHR-Israël auprès des Services pénitentiaires, l’une de ses chevilles a été libérée mais il reste enchaîné à son lit par l’autre cheville et un poignet. Il est pourtant trop faible pour fuir ou pour constituer un quelconque danger, et des gardiens des Services pénitentiaires israéliens sont présents en permanence dans sa chambre. Ils sont au nombre de sept, dans sa chambre et à proximité, d’après l’avocat de Muhammed al Qiq, et les visites de celui-ci se font toujours en présence de certains de ces gardiens. Les Services pénitentiaires ont refusé de le détacher. En conséquence, PHR-Israël a déposé une requête auprès du tribunal du district nord d’Israël pour obtenir le retrait de ses entraves. Le tribunal leur a donné jusqu’au 21 janvier au soir pour répondre.

Enchaîner Muhammed al Qiq alors qu’il est très faible physiquement constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant et un moyen de le punir de sa grève de la faim. Les fers qu’il porte doivent lui être retirés immédiatement.

Les autorités israéliennes interdisent systématiquement aux détenus palestiniens grévistes de la faim de consulter un avocat, de se faire examiner par un médecin indépendant et de recevoir la visite de leurs proches. C’est là un autre moyen de les sanctionner et de les contraindre à mettre fin à leur grève de la faim. Le 21 janvier, les Services pénitentiaires ont autorisé la visite d’un médecin indépendant (prévue le 27 janvier), mais les proches de Muhammed al Qiq n’ont pas pu le voir depuis son arrestation, même après son hospitalisation, dans un état grave, à l’hôpital HaEmek. Comme cet homme est détenu sur le territoire israélien, en violation de la Quatrième Convention de Genève, sa famille doit être en possession d’une autorisation délivrée par l’armée israélienne pour lui rendre visite. La plupart des autres Palestiniens des territoires palestiniens occupés détenus par Israël sont dans la même situation que Muhammed al Qiq. Les autorités israéliennes doivent l’autoriser immédiatement à consulter des médecins indépendants de son choix et à recevoir régulièrement des visites privées de ses proches.

Le 30 juillet 2015, la Knesset (Parlement israélien) a adopté une loi prévoyant l’alimentation ou le traitement de force de détenus grévistes de la faim, même en l’absence de consentement de ceux-ci, si cette mesure est entérinée par un juge de tribunal de district et que la gravité de l’état de santé de l’individu est attestée dans un rapport médical. Pour prendre sa décision, le juge est autorisé au regard de cette loi à prendre en considération les « menaces à la sûreté de l’État » et les éléments qui n’ont pas été communiqués au détenu et à ses avocats. Les propos tenus par les responsables politiques israéliens chargés de sa promotion donnent à penser que le principal objectif de ce texte est que les autorités israéliennes n’aient pas à faire de concessions – libérer des détenus administratifs, par exemple – et non de protéger la vie ou la santé de grévistes de la faim. Il n’a pas encore été mis en œuvre et fait l’objet d’un recours devant la Cour suprême israélienne. Les médecins exerçant à l’hôpital HaEmek refusent pour le moment de nourrir de force Muhammed al Qiq.

En règle générale, les grévistes de la faim ne doivent pas être nourris de force. Toute décision d’alimentation non consentie ne peut être prise que par des professionnels de santé compétents et si cela est nécessaire sur le plan médical.

Les autorités ne doivent jamais exiger de professionnels de la santé qu’ils agissent d’une manière qui soit contraire à leur jugement professionnel ou à la déontologie médicale, qui interdit l’alimentation forcée de grévistes de la faim en possession de toutes leurs facultés mentales. Amnesty International estime que la loi israélienne ne contient pas suffisamment de garanties pour que ces conditions soient respectées.

L’application de ce texte risque d’entraîner des violations du droit à la santé ainsi que de l’interdiction de la torture et des autres mauvais traitements.
Depuis le début du mois d’octobre 2015, les violences en Israël et dans les territoires palestiniens occupés se sont considérablement intensifiées. Des Palestiniens s’attaquent aux forces de sécurité et aux civils israéliens au moyen de couteaux, d’armes à feu et de heurts violents de véhicule. Les forces israéliennes ont quant à elles recours à une force meurtrière dans des situations où ce n’est pas justifié, tuant illégalement des assaillants palestiniens ou des personnes, dont des enfants, qu’elles soupçonnent de perpétrer des attaques.

D’après les recherches menées par Amnesty International sur certains de ces homicides, les forces israéliennes ont selon toute apparence procédé à des exécutions extrajudiciaires. De nombreux autres Palestiniens ont été abattus ou blessés pendant des manifestations, alors que l’usage d’une telle force était injustifiée ou excessive étant donné l’absence de danger imminent de mort. Beaucoup de ces homicides semblent, de fait, illégaux.

Tout comme durant d’autres périodes de regain de tension dans les territoires palestiniens occupés, les autorités israéliennes se sont livrées à des arrestations massives et ont multiplié les placements en détention administrative. Selon des chiffres communiqués par les autorités israéliennes à l’organisation israélienne de défense des droits humains B’Tselem, on comptait plus de 580 Palestiniens en détention administrative fin 2015, soit plus que les autres années depuis 2008.

C’est une pratique qu’Israël ne saurait justifier et à laquelle elle doit mettre fin : il faut libérer toutes les personnes placées en détention administrative, à moins qu’elles ne soient rapidement inculpées d’infractions dûment reconnues par le droit international et jugées dans le respect des normes internationales d’équité.

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