L’Europe face aux failles de l’accord avec la Turquie

La délégation de hauts responsables européens qui va se rendre en Turquie samedi 23 avril 2016 ne doit pas passer sous silence les multiples atteintes aux droits humains dont sont victimes les réfugiés dans ce pays, mais au contraire aborder clairement la question, a déclaré Amnesty International vendredi 22 avril 2016.

La chancelière allemande Angela Merkel, le président du Conseil européen Donald Tusk et le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans sont attendus le 23 avril à Gaziantep, dans le sud de la Turquie.

Depuis la signature, il y a quelques semaines, de l’accord entre l’Union européenne (UE) et la Turquie sur la question des migrants, Amnesty International et d’autres organisations ont recueilli des informations indiquant que des réfugiés s’étaient vu refuser l’entrée en Turquie à la frontière syrienne, avaient essuyé des coups de feu de la part des forces de sécurité et avaient été renvoyés de force dans leur pays d’origine.

« Aucune opération de relations publiques ne pourra cacher les profondes failles de l’accord UE-Turquie. Ce qu’Angela Merkel doit ramener de Turquie, ce ne sont pas des photos de personnalités tout sourire, mais des engagements solides garantissant que les autorités turques vont cesser de renvoyer des réfugiés dans leur pays d’origine et vont appliquer efficacement leurs lois en matière d’asile », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Des renvois illégaux de réfugiés syriens par la Turquie

Des témoignages recueillis par Amnesty International montrent que les autorités turques arrêtent des réfugiés qui fuient la guerre en Syrie, dont des femmes enceintes et des enfants, et les renvoient par centaines dans leur pays – en violation du droit turc et du droit international.

Des réfugiés d’autres pays ont aussi connu un sort similaire. Ainsi, la Turquie a expulsé de force 30 ressortissants afghans seulement quelques heures après la signature de l’accord UE-Turquie, bien que ceux-ci aient averti avec insistance qu’ils seraient attaqués par les Talibans si on les renvoyait dans leur pays.

Depuis quelques mois, les autorités turques ont fermé leurs frontières à tous les réfugiés syriens, sauf à ceux qui sont grièvement blessés. Les témoignages faisant état de coups de feu – parfois mortels – tirés sur des réfugiés qui tentaient de franchir illégalement la frontière se sont multipliés ces dernières semaines.

Le suivi de la situation des réfugiés rendu impossible par les autorités turques

Les autorités turques empêchent toujours le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les organisations non gouvernementales d’accéder aux sites où sont détenus des réfugiés, y compris ceux qui ont été renvoyés de Grèce en vertu de l’accord UE-Turquie.

Or, le fait d’interdire l’accès à des organismes indépendants accroît le risque d’atteintes aux droits humains dans les centres de détention turcs.

Amnesty International avait déjà, précédemment, eu connaissance de cas de réfugiés détenus au secret en Turquie sans pouvoir bénéficier d’aucune forme d’aide ou de représentation juridique ni communiquer avec le monde extérieur. Une surveillance indépendante est indispensable pour garantir le respect total des droits humains des réfugiés renvoyés de Grèce en Turquie ou arrivant de Syrie.

« Les dirigeants de l’Union européenne doivent regarder la réalité en face : la Turquie n’est pas un pays suffisamment sûr pour y renvoyer des réfugiés. Les responsables européens doivent cesser de se dérober à leur obligation d’accueillir les réfugiés qui ne peuvent pas trouver protection ailleurs. Ils doivent suspendre les renvois de demandeurs d’asile en Turquie tant que les conditions nécessaires ne seront pas réunies dans ce pays. Ce que les pays de l’UE peuvent et doivent faire, c’est mettre en place un programme ambitieux de réinstallation, offrant aux réfugiés qui se trouvent en Turquie des itinéraires sûrs et légaux pour gagner l’Europe », a déclaré John Dalhuisen.

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