Communiqué de presse

Mali. Les responsables présumés d’homicides illégaux, de disparitions forcées et d’actes de torture sont toujours en liberté

La réticence des autorités maliennes à amener les responsables présumés d’homicides illégaux, de disparitions forcées et d’actes de torture à rendre des comptes alimente l’insécurité au Mali, a déclaré Amnesty International à l’occasion d’une visite de son secrétaire général dans le pays.

À quelques jours des élections législatives maliennes, Amnesty International publie un Agenda pour les droits humains lors d’une conférence de presse à Bamako, la capitale. Salil Shetty, le secrétaire général du mouvement, sera présent.

Ce programme préconise des enquêtes approfondies et indépendantes sur les graves violations des droits humains commises ces deux dernières années par l’ensemble des parties au conflit.

En particulier, Amnesty International demande des informations sur l’exécution extrajudiciaire d’au moins 40 civils, et sur ce qui est advenu de 32 personnes ayant « disparu » après avoir été arrêtées par les forces de sécurité.

« Depuis deux ans, le Mali affronte la crise la plus grave de son histoire, a souligné Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International. Rares sont les suspects qui ont été amenés à rendre des comptes, et rien ne semble actuellement annoncer de changement sur ce plan. »

« Les élections sont une étape importante dans l’établissement de l’état de droit au Mali, mais si les autorités ont réellement l’intention d’agir, elles doivent mener des enquêtes sur les responsables présumés d’homicides illégaux, de disparitions forcées et d’actes de torture, et ouvrir des poursuites le cas échéant. »

La justice malienne a engagé une procédure contre trois membres des forces de sécurité pour leur rôle présumé dans des disparitions forcées en octobre 2013. Le général Sanogo, cerveau du coup militaire d’avril 2012, a été convoqué devant la justice le 21 novembre. Il a refusé de comparaître, invoquant son statut d’ancien chef d’État.

En décembre 2012, le Conseil de sécurité des Nations unies a déployé des troupes de maintien de la paix dirigées par des États africains. Certains éléments de cette mission (désormais connue comme la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, MINUSMA) font l’objet d’allégations de « mauvaise conduite » pour des faits remontant à septembre 2013, parmi lesquels des abus sexuels.

Amnesty International se félicite que les Nations unies aient agi immédiatement pour faire toute la lumière sur ces affaires. Elle demande que les auteurs présumés de ces violations soient traduits en justice, que les victimes reçoivent des réparations et que les conclusions de l’enquête soient rendues publiques.

Exécutions extrajudiciaires

Les forces maliennes de sécurité auraient exécuté de manière extrajudiciaire au moins 40 civils accusés d’être proches de groupes armés. Des délégués d’Amnesty International ont parlé à un homme ayant vu des soldats jeter des corps dans un puits à Sévaré en janvier 2013. La puanteur émanant du puits était suffocante.

Le procureur de Sévaré a affirmé qu’il avait ordonné l’ouverture d’une enquête sur ces homicides, mais Amnesty International n’a à ce jour reçu aucune information sur les résultats des investigations.

Depuis le début de cette crise, Amnesty International a recensé 14 homicides illégaux attribués à des groupes armés dans le nord du pays, ainsi que d’autres effroyables atteintes aux droits humains. Parmi celles-ci figurent le cas d’un couple lapidé pour avoir eu des relations sexuelles en-dehors du mariage en juillet 2012, et celui de six personnes amputées de la main et du pied droits devant une foule à Gao en septembre 2012. Les membres sectionnés ont plus tard été exposés au poste de police.

Deux journalistes de Radio France International ont été enlevés et tués à Kidal, dans le nord du Mali, le 2 novembre.

« Le meurtre absurde de deux journalistes français ce mois-ci n’est qu’un des exemples les plus saillants de l’insécurité persistante dans ce pays, a déclaré Salil Shetty. Les failles en matière de défense des droits humains contribuent à cette insécurité. »

Disparitions forcées

Depuis le début de la crise en janvier 2012, 32 personnes ont été arrêtées par les forces maliennes de sécurité et ont « disparu ». Il s’agit notamment de soldats accusés d’être restés loyaux au président Amadou Toumani Touré, chassé du pouvoir, ainsi que de civils soupçonnés d’avoir soutenu les groupes armés.

Amnesty International demande aux autorités maliennes de faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de déterminer ce qui est advenu des « disparus », et de mener des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales dans les meilleurs délais.

L’Agenda pour les droits humains décrit en détail les actes de torture infligés à des soldats et des policiers accusés d’avoir soutenu le président déchu et d’avoir participé au contre coup d’État en avril 2012.

Des prisonniers ont déclaré à Amnesty International qu’ils avaient été forcés à se sodomiser les uns les autres, et avaient reçu des décharges électriques sur le pénis et des brûlures de cigarette.

Recours aux enfants soldats et violences sexuelles sur des jeunes filles

À l’occasion de visites régulières au Mali, les délégués d’Amnesty International ont rencontré des enfants soldats dont certains n’avaient pas plus de 13 ans, qui leur ont expliqué comment ils avaient été recrutés par des groupes armés. Certains devaient porter des armes, d’autres étaient stationnés aux postes de contrôle, tandis que d’autres encore étaient chargés de cuisiner. Des mineurs ont également été envoyés sur la ligne de front.

Amnesty International a par ailleurs recueilli des informations sur des viols et des abus sexuels infligés à des femmes et des jeunes filles par des groupes armés, parmi lesquels le Mouvement national de libération de l’Azawad.

Une jeune fille de 16 ans a déclaré aux chercheurs d’Amnesty International qu’elle avait été violée à de nombreuses reprises pendant deux jours par des membres d’un groupe armé qui l’avaient capturée à Gao, la ville où elle vivait. L’organisation demande une enquête sur les allégations d’abus sexuels, l’ouverture de poursuites contre les auteurs présumés de ces faits et la mise en place de programmes d’aide afin que les victimes bénéficient d’une assistance médicale et psychologique.

«  La population malienne est profondément traumatisée par les événements de ces deux dernières années, a déclaré Salil Shetty. Veiller à ce que l’ensemble des responsables présumés de violations des droits humains soient déférés à la justice est indispensable à la construction d’une paix durable. C’est la seule manière d’aider le pays à tourner cette page douloureuse de son histoire. »

La Cour pénale internationale a annoncé en janvier 2013 qu’elle ouvrirait une enquête sur les crimes de guerre commis au cours de la dernière année du conflit. Amnesty International accueille cette décision avec satisfaction mais exhorte le procureur à s’intéresser à l’ensemble des allégations de crimes dans le pays, notamment aux violations imputées aux forces maliennes de sécurité.

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