Voitures électriques polluées par le travail d’enfants ?

Les grands constructeurs de voitures électriques doivent dire la vérité à leurs clients sur les mesures qu’ils prennent pour ne pas recourir au travail des enfants via leurs chaînes d’approvisionnement, et dénoncer ouvertement tous les abus qu’ils constatent, a déclaré Amnesty International le 30 septembre, la veille de l’ouverture du Mondial de l’automobile de Paris, où seront exposés de nouveaux modèles de voitures électriques.

Les grands constructeurs General Motors (GM), Renault-Nissan et Tesla n’ont pas révélé les mesures qu’ils prennent afin de ne pas utiliser pour leurs batteries le cobalt extrait des mines de la République démocratique du Congo (RDC) par des enfants n’ayant parfois pas plus de sept ans.

« Les voitures électriques ne sont probablement pas aussi "propres" que vous le pensez. Les clients doivent savoir que ces voitures vertes sont peut-être polluées par les souffrances des enfants qui travaillent en RDC. Les clients du Mondial de l’automobile à Paris achèteraient-ils une voiture s’ils savaient qu’elle a été construite au prix d’une enfance sacrifiée ?, a déclaré Mark Dummett, chargé de recherches sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains à Amnesty International.

« Les recherches menées par Amnesty International montrent qu’il est fort probable que le cobalt extrait de mines par des enfants soit utilisé dans les batteries de voitures électriques. »

« Les recherches menées par Amnesty International montrent qu’il est fort probable que le cobalt extrait de mines par des enfants soit utilisé dans les batteries de voitures électriques. Comme ces véhicules sont présentés comme étant un choix éthique pour les conducteurs sensibilisés aux questions environnementales et sociales, les constructeurs doivent dire la vérité et prouver qu’ils ont agi avec diligence en ce qui concerne l’approvisionnement de leurs usines.  »

Plus de la moitié du cobalt extrait à travers le monde – le cobalt est un composant essentiel des batteries lithium-ion qui alimentent les véhicules électriques – provient de la RDC, et 20 % sont extraits des mines manuellement. Les recherches menées par Amnesty International pour le rapport « Voilà pourquoi on meurt » rendu public en janvier 2016, ont permis de montrer que des adultes et des enfants n’ayant parfois pas plus de sept ans travaillent dans des conditions épouvantables dans des exploitations minières artisanales. Ces mineurs sont à la merci d’accidents mortels et de graves maladies pulmonaires, et ne gagnent pas plus qu’un dollar par jour.

Les chaînes d’approvisionnement des voitures électriques sous surveillance

Les résultats de nouvelles recherches, rendues publiques par Amnesty International la veille du Mondial de l’automobile 2016 de Paris, ont permis de pointer du doigt cinq constructeurs. Selon de nouvelles sources et des communiqués de presse des entreprises, le fabricant de batteries sud-coréen LG Chem fournit des batteries pour :

  • La Chevrolet Volt de GM,
  • Les Twizy et ZOE de Renault-Nissan,
  • des versions améliorées de la Tesla Roadster.

Samsung SDI, une entreprise sud-coréenne également, fournit BMW (pour les i3 EV et i8 PHEV) et Fiat-Chrysler (pour la 500E EV), ainsi que l’ont reconnu les deux constructeurs dans des lettres adressées à Amnesty.

Dans son rapport de janvier 2016, Amnesty International a révélé que d’autres constructeurs tels que Daimler, VW et le géant chinois du véhicule électrique BYD, utilisent probablement du cobalt provenant de mines de la RDC où des enfants et des adultes travaillent dans des conditions dangereuses.

Amnesty International a utilisé des documents d’investisseurs pour monter que le cobalt extrait de mines de la RDC est acheté par une entreprise chinoise, Zhejiang Huayou Cobalt (Huayou Cobalt), qui le fournit ensuite à des fabricants de composants pour batteries en Chine et en Corée du Sud. Ces fabricants de composants vendent à leur tour leurs produits à des fabricants de batteries, notamment à LG Chem et à Samsung SDI, chez qui se fournissent un grand nombre des plus grands constructeurs mondiaux d’automobiles.

Daimler a déclaré qu’il ne se fournit pas directement en RDC ni auprès de fournisseurs en RDC. De même, VW a nié tout lien avec Huayou Cobalt. Les deux constructeurs disent qu’ils prennent des mesures supplémentaires pour détecter les risques en matière de droits humains dans leurs chaînes d’approvisionnement en cobalt, sans toutefois fournir de preuve. Par exemple, ils n’expliquent ni l’un ni l’autre comment ils vérifient les informations que leur donnent leurs fournisseurs. Ils n’ont pas révélé l’identité des affineurs ni l’existence d’une évaluation de leurs pratiques. BYD n’a pas répondu aux demandes d’informations d’Amnesty International.

BMW et Fiat Chrysler, pourtant très sensibles aux politiques de respect des droits humains, ne respectent toujours pas les normes internationales

General Motors (GM) et Tesla n’ont pas répondu à la demande que leur a adressée Amnesty International afin qu’ils fournissent la preuve de leur méthode d’identification et d’élimination des abus en matière de droits humains dans leur chaîne d’approvisionnement en cobalt, en particulier en ce qui concerne le travail des enfants. L’entreprise Renault a déclaré qu’elle répondrait à Amnesty International « le plus tôt possible », mais n’a pas fourni plus d’informations.

Par contre, BMW et Fiat-Chrysler ont tous deux répondu de façon détaillée, mais en ne fournissant pas de preuve suffisante de leur respect des normes internationales applicables concernant les chaînes d’approvisionnement en minerais :

— BMW dit vérifier sa chaîne d’approvisionnement en cobalt depuis 2013 et collaborer avec ses fournisseurs pour identifier ses affineurs, dont il a refusé de révéler le nom. BMW a ajouté que Huayou Cobalt ne faisait pas partie de ses fournisseurs, et que son fournisseur de batteries, Samsung SDI, lui avait garanti que Huayou Cobalt ne faisait pas partie de sa chaîne d’approvisionnement. Or, BMW n’a pas fourni la preuve d’éventuelles mesures indépendantes qu’il aurait prises pour vérifier les affirmations de Samsung.

— Fiat Chrysler, un autre client de Samsung SDI, a également indiqué que Huayou Cobalt ne faisait pas partie de sa chaîne d’approvisionnement. Elle prend elle aussi manifestement pour argent comptant les affirmations de Samsung. Fiat Chrysler a admis qu’actuellement elle n’a pas de « programme axé spécifiquement sur l’identification des fondeurs et affineurs de cobalt ». Cela signifie que Fiat Chrysler n’a pas mis en place de système permettant de remonter la trace du cobalt qu’il utilise jusqu’au « point de départ », et qu’elle n’est pas en mesure de déterminer si le cobalt extrait de mines de la RDC par des enfants est intégré dans sa chaîne d’approvisionnement.

Pour en savoir plus sur les réponses de ces entreprises, cliquez ici

La version intégrale des réponses des entreprises est disponible ici

Manque de transparence du secteur de l’automobile électrique

Aux termes des lignes directrices internationales fixés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les entreprises qui utilisent du cobalt provenant d’exploitations minières très dangereuses doivent indiquer l’identité de leurs fonderies et raffineries, et révéler leur propre évaluation du respect par la fonderie des pratiques conformes à la diligence requise concernant l’identification et l’élimination des risques et des abus en matière de droits humains.

Aucune des entreprises mentionnées plus haut n’a pu prouver qu’elle a respecté cette norme pour le cobalt.

Amnesty International demande à toutes les entreprises multinationales utilisant des batteries lithium-ion de prouver qu’elles respectent leurs politiques et de faire preuve de transparence au sujet des résultats de leurs investigations. Il est essentiel qu’elles révèlent des informations suffisantes concernant tous les abus ou risques d’abus en matière de droits humains qu’elles découvrent.

Les démarches volontaires des entreprises ne suffisent pas. Amnesty International demande également aux gouvernements d’adopter des lois obligeant les entreprises à mener des vérifications et à révéler publiquement les informations sur le lieu d’origine des minerais et leurs fournisseurs. Il n’existe à l’heure actuelle aucun système de régulation du marché du cobalt. Le cobalt n’est pas concerné par les règles relatives aux « minerais de la guerre » actuellement en vigueur aux États-Unis, qui portent sur l’or, le coltan/tantale, l’étain et le tungstène provenant de mines de la RDC.

En France, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à obliger les grandes entreprises françaises, telles que Renault, à empêcher les atteintes aux droits humains dans leurs chaînes d’approvisionnement. Ce texte sera examiné par le Sénat en octobre.

« Cette proposition de loi et un excellent exemple d’initiative prise pour les pouvoirs publics pour veiller à ce que les entreprises prennent au sérieux les droits humains et assument leurs responsabilités. S’il est adopté, des entreprises pourront être sanctionnées pour ne pas avoir agi avec la diligence requise, a déclaré Mark Dummett.

« En l’absence de lois rendant obligatoire la diligence requise en matière de droits humains, les entreprises continueront d’esquiver cette question et de tirer profit du travail des enfants et d’autres abus. »

Complément d’information

Pour obtenir davantage d’informations sur le rapport de janvier 2016 d’Amnesty International et d’AfreWatch intitulé « Voilà pourquoi on meurt » Les atteintes aux droits humains en République Démocratique du Congo alimentent le commerce mondial du cobalt.

Les principales conclusions de ce rapport sont les suivantes :

  • Les mineurs sont exposés au risque de troubles de santé à long terme et d’accidents mortels.
  • La grande majorité des mineurs travaillent chaque jour de longues heures avec du cobalt sans aucun équipement de protection de base tel que des gants, des vêtements de travail et des masques pour protéger les poumons et la peau.
  • Au moins 80 mineurs travaillant dans des mines artisanales sont morts sous terre dans le sud de la RDC entre septembre 2014 et décembre 2015.
  • Des enfants ont dit à Amnesty International avoir travaillé jusqu’à 12 heures par jour dans ces mines, en transportant de lourdes charges pour gagner entre un et deux dollars par jour. En 2014, environ 40 000 enfants ont travaillé dans des mines du sud de la RDC, dont un grand nombre dans des mines de cobalt, selon l’UNICEF.
  • Paul, un orphelin de 14 ans qui a commencé à travailler dans des mines à l’âge de 12 ans, a dit aux chercheurs qu’à force de travailler sous terre pendant de longues périodes, il était tout le temps malade : « Je pouvais rester 24 heures dans les tunnels. J’arrivais le matin et en ressortais le lendemain matin [...] Je devais me soulager dans les tunnels […] Ma mère adoptive a voulu m’envoyer à l’école, mais mon père adoptif était contre, il m’exploitait en m’envoyant travailler dans les mines. »
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