BOSNIE-HERZÉGOVINE

Bosnie-Herzégovine
CAPITALE : Sarajevo
SUPERFICIE : 51 130 km²
POPULATION : 3,9 millions
CHEFS DE L’ÉTAT : une présidence tripartite est exercée par Sulejman Tihi ?, Borislav Paravac et Dragan ?ovi ?, ce dernier destitué et remplacé par Ivo Miro Jovi ? le 29 mars
CHEF DU GOUVERNEMENT : Adnan Terzi ?
PEINE DE MORT : abolie
COUR PÉNALE INTERNATIONALE : Statut de Rome ratifié
CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifiée
PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION SUR LES FEMMES : ratifié

Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis pendant le conflit de 1992-1995 restaient pour la plupart impunis. Les victimes et leurs proches se heurtaient à un déni de justice et des milliers de « disparitions » n’ont toujours pas été élucidées. Le manque de coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le Tribunal), en particulier de la part de la Republika Srpska (RS, République serbe), continuait de faire obstruction au cours de la justice. Les efforts déployés par les juridictions nationales pour venir à bout de l’impunité restaient très insuffisants, mais un certain nombre de procès pour crimes de guerre ont eu lieu. Ainsi, des tribunaux de la RS ont, pour la première fois cette année, déclaré des Serbes de Bosnie coupables de crimes de guerre. Un million de réfugiés et de personnes déplacées étaient rentrés chez eux depuis la fin des hostilités, mais beaucoup continuaient de subir des discriminations.

Contexte

La Bosnie-Herzégovine restait divisée en deux entités plus ou moins autonomes : la RS et la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Le district de Br ?ko jouissait d’un statut spécial.
La communauté internationale exerçait toujours une influence considérable sur la vie politique du pays, par l’intermédiaire, notamment, d’un haut représentant disposant de pouvoirs exécutifs et nommé par le Conseil de mise en œuvre de la paix, organisme intergouvernemental chargé de veiller à l’application des accords de paix de Dayton. Quelque 6 500 soldats de la Force de l’Union européenne (EUFOR) pour le maintien de la paix et 400 membres de la Mission de police de l’Union européenne en Bosnie (MPUE) étaient toujours déployés sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Des négociations en vue d’un accord de stabilisation et de partenariat entre l’Union européenne et la Bosnie-Herzégovine se sont ouvertes en novembre.

Poursuites pour crimes de guerre au niveau international

Le Tribunal continuait à juger les auteurs présumés d’atteintes graves au droit international humanitaire. Il a condamné au mois de janvier deux anciens officiers de l’Armée serbe de Bosnie, Vidoje Blagojevi ? et Dragan Joki ? à dix-huit et neuf ans d’emprisonnement, respectivement, pour leur participation au massacre de plusieurs milliers d’hommes et d’adolescents musulmans, peu après la chute de Srebrenica, au mois de juillet 1995.
L’ancien chef d’état-major de l’Armée de la République de Bosnie-Herzégovine, Sefer Halilovi ? a été acquitté en novembre. Il avait été accusé pour le meurtre, constitutif de crime de guerre, de plusieurs non-Musulmans habitant les villages de Grabovica et Uzdol. Le Tribunal a considéré qu’il ne pouvait pas établir de façon suffisamment certaine que l’accusé exerçait un contrôle effectif sur ses troupes au moment des faits.
En décembre, Miroslav Bralo, ancien membre du Conseil croate de défense - l’armée des Croates de Bosnie - a été condamné à vingt années d’emprisonnement pour des crimes commis en 1993 sur des Musulmans dans les villages de Nadioci et Ahmi ?i, ainsi que dans les environs. Miroslav Bralo avait plaidé coupable pour huit chefs d’accusation de crimes de guerre et crimes contre l’humanité (meurtre, torture et traitements inhumains, atteintes à la dignité de la personne, y compris le viol, et détention illégale, entre autres).
Le procès de Slobodan Miloševi ? était toujours en cours. L’ancien président de la République fédérale de Yougoslavie était accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, pour sa responsabilité présumée dans les conflits de Bosnie-Herzégovine, de Croatie et du Kosovo. Il était également accusé de complicité de génocide dans le cas de la Bosnie-Herzégovine.
La coopération entre les autorités de la RS et le Tribunal laissait toujours à désirer. Fin 2005, aucun des suspects mis en accusation par cette juridiction n’avait été arrêté par la police de la RS. La politique de « reddition volontaire » mise en place par les autorités locales a certes permis le transfert d’un certain nombre d’accusés, parfois avec l’assistance des pouvoirs publics, mais elle était contraire à l’obligation qu’avait la RS de pleinement collaborer avec le Tribunal, notamment en arrêtant et en livrant les accusés. Six suspects ainsi visés par une mise en accusation publique étaient toujours en liberté, et certains d’entre eux se trouvaient vraisemblablement en RS ou en Serbie-et-Monténégro.
En application de la « stratégie d’achèvement » décidée par le Conseil de sécurité des Nations unies, le Tribunal devait avoir mené à terme toutes les affaires de son ressort, procédures d’appel comprises, d’ici 2010. Les dernières accusations avant la fermeture du Tribunal ont été confirmées et révélées entre février et avril 2005.
En février, trois anciens officiers de l’Armée serbe de Bosnie, Zdravko Tolimir, Radivoje Mileti ? et Milan Gvero, ont été accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité visant la population musulmane des enclaves de Srebrenica et de Žepa. Radivoje Mileti ? et Milan Gvero se sont rendus, mais Zdravko Tolimir était toujours en liberté à la fin de l’année 2005. Toujours au mois de février, le Tribunal a accusé Rasim Deli ?, ancien commandant de l’état-major de l’Armée de la République de Bosnie-Herzégovine, de meurtre, traitements cruels et viol, pour des faits commis en 1993 et 1995 contre la population non musulmane. Rasim Deli ? s’est livré à la justice après avoir appris sa mise en accusation.
Parmi les autres accusés ayant accepté de se rendre figurait Mom ?ilo Periši ?, ancien chef d’état-major de l’Armée fédérale yougoslave, qui s’est constitué prisonnier en mars. Il avait été accusé en février de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés en Bosnie-Herzégovine et en Croatie, notamment contre la population civile lors du siège de Sarajevo et contre la population non serbe de Srebrenica, après la chute de la ville. L’ancien ministre de l’Intérieur de la RS, Mi ?o Staniši ?, a vu son accusation confirmée en février. Il lui était reproché d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans le cadre d’une entreprise criminelle commune ayant pour but de chasser définitivement les non-Serbes du territoire tenu par les Serbes de Bosnie. Il s’est lui aussi livré volontairement au Tribunal.
En mai, le Tribunal a décidé de confier à la justice bosniaque l’un des procès instruits par ses soins. C’était la première fois que cette cour internationale transmettait ainsi une affaire à une instance nationale. À la demande de la procureure, la chambre des crimes de guerre de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine a été chargée de juger un ancien membre des forces serbes de Bosnie, Radovan Stankovi ?, accusé d’avoir réduit en esclavage et violé des femmes non serbes maintenues en détention à Fo ?a (voir plus loin). Le Tribunal a ensuite transmis sept autres affaires à la justice bosniaque.
En août, Milan Luki ? a été arrêté en Argentine par la police locale. Cet ancien membre d’un groupe paramilitaire bosno-serbe était accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et notamment d’actes d’extermination, de persécutions, de meurtre et d’actes inhumains, contre la population non serbe de la région de Višegrad. Il se trouvait toujours en Argentine fin 2005. Toujours au mois d’août, Dragan Zelenovi ?, ancien commandant adjoint de la police militaire de la RS et ancien chef d’un groupe paramilitaire de Fo ?a, a été arrêté en Russie, où il demeurait détenu fin 2005. Il faisait l’objet d’une mise en accusation pour des actes de torture, et notamment des viols, perpétrés par les forces bosno-serbes contre des femmes non serbes maintenues en captivité à Fo ?a.

Poursuites pour crimes de guerre au plan national

Amenée à juger les affaires particulièrement sensibles ainsi que celles transmises par le Tribunal, une chambre spéciale chargée des crimes de guerre a été créée au sein de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine et est entrée en fonction en mars. Un premier procès s’est ouvert au mois de septembre. En décembre, le ministère public de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine a confirmé les actes d’accusation de 11 Serbes de Bosnie soupçonnés d’être impliqués dans le massacre de Srebrenica, en 1995. Les mécanismes censés permettre la communication des éléments de preuve du Tribunal à cette chambre et de garantir le respect de ses principes suscitaient toujours certaines préoccupations. Du fait de la compétence très spécifique de cette chambre, qui ne traitait que les affaires transmises par le Tribunal et les affaires très délicates, un grand nombre de procès restaient à la charge des tribunaux de la RS et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
De manière générale, les poursuites n’étaient pas menées de façon très active. Les victimes, les témoins et les juges - en particulier dans les affaires examinées par les tribunaux de la RS et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine - n’étaient pas suffisamment protégés contre les manœuvres de harcèlement, les actes d’intimidation et les menaces. Quelques procès pour crimes de guerre ont toutefois commencé ou se sont poursuivis devant la justice nationale.
En janvier, le tribunal cantonal de Sarajevo a condamné Veselin ?an ?ar à quatre ans et demi d’emprisonnement pour des crimes commis contre des civils détenus à Fo ?a par les forces bosno-serbes. Un ancien membre de la police de la RS, Boban Simši ?, soupçonné de crimes de guerre sur la personne de civils de la région de Višegrad, s’est rendu à des soldats de l’EUFOR en janvier. La chambre des crimes de guerre a décidé qu’il serait jugé par la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine. La procédure judiciaire a débuté en septembre.
En février, 11 anciens policiers de la RS ont été acquittés par le tribunal du district de Banja Luka. Ils étaient accusés d’avoir maintenu illégalement en détention un prêtre catholique, Tomislav Matanovi ?, ainsi que ses parents, en 1995. Les corps de ces trois personnes ont été retrouvés en 2001, près de Prijedor. Elles avaient apparemment été tuées par des balles tirées à faible distance. L’enquête sur ces homicides était, semble-t-il, toujours en cours.
En juin, Tomo Mihajlovi ?, un autre ancien membre de la police de la RS, a été condamné à quatre ans d’emprisonnement par le tribunal cantonal de Zenica. Il avait été reconnu coupable de crimes commis en 1992 contre la population non serbe de la région de Tesli ?. Toujours au mois de juin, un ancien paramilitaire bosno-serbe, Goran Vasi ?, a été condamné à six ans d’emprisonnement par le tribunal cantonal de Sarajevo. Il était accusé d’avoir soumis à des traitements cruels et inhumains des prisonniers de guerre détenus à Nedžari ?i (banlieue de Sarajevo), en 1992.
Au mois de juillet, Abduladhim Maktouf, citoyen bosniaque d’origine irakienne, a été condamné par la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine à cinq années d’emprisonnement pour sa participation à l’enlèvement de civils non musulmans. Ces civils avaient été internés dans un camp situé à Orašac, où ils avaient été roués de coups et soumis à divers autres mauvais traitements. L’un d’eux avait été décapité. La sentence a été annulée en appel en novembre et l’accusé devait être rejugé.
En octobre, le tribunal de première instance de Br ?ko a reconnu Konstantin Simonovi ? coupable de crimes de guerre, et notamment de torture, contre des personnes non serbes détenues dans un camp situé à Luka, non loin de Br ?ko. Cet homme a été condamné à six ans d’emprisonnement.
En novembre, pour la première fois depuis la fin de la guerre, un tribunal de la RS a déclaré des Serbes de Bosnie coupables de crimes de guerre. Le tribunal de district de Banja Luka a en effet prononcé à l’encontre de trois anciens policiers de la RS, Drago Radakovi ?, Draško Krndija et Radoslav Kneževi ?, des peines de quinze à vingt ans d’emprisonnement pour le meurtre de six civils musulmans commis à Prijedor en 1994. En décembre, ce même tribunal a condamné un ancien membre de l’Armée serbe de Bosnie, Nikola Dereta, à treize ans d’emprisonnement pour le meurtre d’un Musulman et une tentative de meurtre contre le père de ce dernier. Les faits s’étaient produits dans le village de Strbine.

« Disparitions » non élucidées
Selon les estimations de la Commission internationale des personnes disparues dans l’ex-Yougoslavie, on était toujours sans nouvelles de 15 000 à 20 000 personnes dont on avait perdu la trace pendant le conflit. Nombre d’entre elles étaient victimes de « disparitions », dont les auteurs continuaient de jouir d’une totale impunité. Un Institut national des personnes disparues a été créé en août, sous l’égide du Conseil des ministres de Bosnie-Herzégovine et de la Commission internationale des personnes disparues dans l’ex-Yougoslavie.
À l’occasion d’une cérémonie organisée au mois de juillet pour marquer le dixième anniversaire du massacre de Srebrenica, les restes de 610 victimes ont été inhumés au mémorial de Poto ?ari. À la fin 2005, les dépouilles de quelque 5 000 personnes avaient été retrouvées ; plus de 2 800 d’entre elles avaient été identifiées.
En janvier, en application d’une directive du haut représentant de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine, la RS a nommé un groupe de travail chargé d’examiner les résultats des travaux de la Commission de Srebrenica, elle-même créée par les autorités de la RS afin d’enquêter sur le massacre commis dans cette ville. Le nouveau groupe de travail avait pour mission de dresser la liste des personnes impliquées. Dans un premier rapport daté du mois de mars, il donnait les noms de 892 suspects, apparemment toujours en poste dans les services publics de la RS ou de Bosnie-Herzégovine. Le haut représentant a déploré que les ministères de l’Intérieur et de la Défense de la RS n’aient toujours pas fourni de renseignements précis concernant les personnes envoyées à Srebrenica en juillet 1995. Il a instamment prié ces deux institutions de fournir toutes les informations nécessaires à l’établissement d’une liste complète, afin que celle-ci puisse être transmise au Tribunal et au parquet de Bosnie-Herzégovine. Un nouveau rapport, assorti d’une nouvelle liste, a été soumis en septembre par le groupe de travail. Le haut représentant a estimé que ce document satisfaisait aux obligations de la RS.

Droit au retour en toute sécurité et dans la dignité

On estimait que plus d’un million de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays étaient rentrés chez eux depuis la fin de la guerre, sur un total approximatif de 2,2 millions d’individus. Selon la mission du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en Bosnie-Herzégovine, quelque 6 400 personnes (réfugiées ou déplacées) ont regagné leur domicile d’avant-guerre entre janvier et décembre. Cinq mille huit cents d’entre elles environ étaient répertoriées comme appartenant à des minorités.
Les difficultés d’accès au marché du travail constituaient toujours un argument de poids lorsqu’il s’agissait de décider de ne pas revenir ou de ne pas rester dans le village ou la ville d’avant la guerre. De façon générale, les emplois étaient rares pour tous, en raison d’une conjoncture peu dynamique et des difficultés inhérentes à la transition économique et à la reconstruction du pays. Lorsqu’ils recherchaient du travail, les candidats au retour se heurtaient en outre à des discriminations liées à l’appartenance ethnique, voire à des actes de harcèlement ou à des violences.

Visites d’Amnesty International

Un délégué d’Amnesty International s’est rendu en Bosnie-Herzégovine au mois de février.

Autres documents d’Amnesty International

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, July - December 2004 : Bosnia-Herzegovina (EUR 01/002/2005).

 Europe and Central Asia : Summary of Amnesty International’s concerns in the region, January - June 2005 : Bosnia-Herzegovina (EUR 01/012/2005).

 Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Préoccupations d’Amnesty International sur la mise en œuvre de la « stratégie d’achèvement des travaux » du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (EUR 05/001/2005).

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