Rapport annuel 2016

SÉNÉGAL

République du Sénégal
Chef de l’État : Macky Sall
Chef du gouvernement : Mohammed Dionne

Les autorités ont continué de restreindre la liberté de réunion pacifique et d’utiliser la force de manière excessive contre des manifestants. Des hommes et des femmes ont été arrêtés en raison de leur orientation sexuelle, réelle ou supposée. Le Sénégal a été placé sous le regard de la communauté internationale à l’occasion du procès de Karim Wade, qui n’a pas été conforme aux normes d’équité. Le conflit en Casamance s’est poursuivi, à un niveau de faible intensité. L’impunité prévalait pour les membres des forces de sécurité responsables de violations des droits humains. Le procès de l’ancien président tchadien Hissène Habré s’est ouvert en juillet devant les Chambres africaines extraordinaires à Dakar, la capitale sénégalaise.

CONTEXTE
En avril, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a examiné la situation des droits humains au Sénégal. La Commission a exprimé des préoccupations, notamment sur les manquements des autorités en matière de liberté d’expression et sur les arrestations et détentions arbitraires1.

Les forces de sécurité ont arrêté au moins sept personnes, dont deux imams et deux femmes, pour des chefs liés au terrorisme.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Cette année encore, les forces de sécurité ont utilisé la force de manière excessive.

En juillet, Matar Ndiaye a succombé à une blessure par balle à la jambe à la suite d’une opération de police menée à Dakar. Un policier aurait fait feu sans sommation en direction d’un groupe d’hommes qu’il poursuivait et Matar Ndiaye a été pris dans la ligne de tir. La Division des investigations criminelles (DIC) de la police nationale a été chargée de l’enquête, ce qui laissait craindre que celle-ci ne soit pas véritablement indépendante ni impartiale.

LIBERTÉ DE RÉUNION
Les autorités ont continué d’interdire des manifestations organisées par des partis politiques et des défenseurs des droits humains, et de poursuivre en justice des manifestants pacifiques.

En septembre, le tribunal régional de Kolda a condamné 12 hommes à 21 jours d’emprisonnement pour participation à un rassemblement non autorisé. Une centaine de personnes avaient manifesté pacifiquement le 27 août dans la commune de Diana Malary pour demander aux autorités de leur fournir de l’électricité. Les forces de sécurité avaient utilisé du gaz lacrymogène et tiré en l’air pour les disperser, ce qui avait entraîné des affrontements entre manifestants et gendarmes.

PROCÈS INÉQUITABLES
En mars, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a condamné Karim Wade, ancien ministre et fils de l’ex- président de la République Abdoulaye Wade, à six ans d’emprisonnement et une amende de 138 239 086 396 francs CFA (environ 210 744 000 euros) pour enrichissement illicite. Sept coprévenus ont été déclarés coupables de complicité. Les décisions rendues par la CREI ne sont pas susceptibles d’appel sur le fond, ce qui est contraire aux normes régionales et internationales. En avril, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé que la détention provisoire de Karim Wade était arbitraire, notamment en raison du retard accumulé pendant la procédure et de la différence de traitement observée par rapport aux autres prévenus. Saisie d’un point de droit, la Cour suprême a confirmé le jugement de la CREI en août.

En février, la cour d’assises de Dakar a condamné deux hommes à 20 ans de travaux forcés pour la mort de Fodé Ndiaye, un jeune auxiliaire de police. Leurs déclarations avaient pourtant été obtenues sous la torture.

CONFLIT ARMÉ INTERNE
En avril, des échanges de tirs entre l’armée et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) ont eu lieu dans le département d’Oussouye. Selon les médias, ces affrontements ont fait des victimes dans les deux camps. En juillet, un groupe armé non identifié a enlevé 12 hommes dans la région de Sédhiou et les a relâchés quatre jours plus tard contre rançon.

Les civils subissaient toujours les effets du conflit. Un homme au moins a été tué par une mine terrestre dans le parc national de la Basse-Casamance.

IMPUNITÉ
Les autorités assuraient qu’elles menaient des enquêtes sur les homicides perpétrés par des agents des forces de sécurité dans le contexte de manifestations, ainsi que sur les actes de torture et les autres mauvais traitements, mais ces investigations étaient rarement menées à leur terme et rares étaient les auteurs présumés à comparaître devant la justice. Ainsi, sur les 27 cas de torture pour lesquels Amnesty International a recueilli des informations depuis 2007, seuls six ont donné lieu à des poursuites aboutissant à une condamnation – avec une peine clémente dans tous les cas. Aucun des sept homicides commis par les forces de l’ordre pendant des manifestations depuis 2011 n’a fait l’objet de poursuites débouchant sur une condamnation.

En janvier, le tribunal régional de Kolda a déclaré deux policiers coupables de violences et voies de fait à l’encontre de Dominique Lopy, mort en garde à vue en 2007. Il les a condamnés à six mois d’emprisonnement et leur a ordonné de verser 100 000 francs CFA (152 euros) de dommages et intérêts à la famille de la victime.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES
Au moins 22 personnes, dont trois femmes, ont été arrêtées en raison de leur orientation sexuelle présumée. En août, le tribunal de Dakar a déclaré sept hommes coupables

d’« actes contre nature » et les a condamnés à une peine de deux ans d’emprisonnement, dont 18 mois avec sursis. En juillet, la police avait effectué une descente sans autorisation dans un appartement et procédé à leur arrestation. Plusieurs journaux ont révélé l’identité de ces hommes et publié des commentaires homophobes et diffamatoires. Six de ces personnes ont été transférées dans une prison de Diourbel, loin de leur famille et des réseaux de soutien susceptibles de leur fournir nourriture et médicaments.

Dans le cadre d’une autre affaire, un homme a été condamné en juillet à six mois d’emprisonnement en vertu du même texte de loi. Trois femmes ont par ailleurs été arrêtées à Grand Yoff le 25 novembre.

Onze hommes ont été arrêtés par la police à Kaolack le 24 décembre. Maintenus en détention pendant cinq jours, ils ont été soumis à de mauvais traitements – coups et injures notamment – avant d’être remis en liberté.

JUSTICE INTERNATIONALE
Le procès d’Hissène Habré s’est ouvert en juillet. L’ancien chef de l’État tchadien était renvoyé devant la justice pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture commis sous sa présidence, entre 1982 et 1990. C’est la première fois qu’un tribunal siégeant dans un État africain jugeait un ancien dirigeant d’un autre État (voir Tchad).

Sénégal. Des promesses non tenues. Recommandations à l’occasion de l’examen du Sénégal par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (AFR 49/1464/2015)

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