Rapport annuel 2016

TURQUIE

République de Turquie
Chef de l’État : Recep Tayyip Erdo ?an
Chef du gouvernement : Ahmet Davuto ?lu

La situation des droits humains s’est fortement dégradée après les élections législatives de juin et la flambée de violence, en juillet, entre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et les forces armées turques. Les médias ont subi une pression sans précédent de la part du gouvernement, qui a sérieusement mis à mal la libre expression en ligne et hors ligne. Le droit à la liberté de réunion pacifique a continué d’être bafoué. Les cas de recours excessif à la force par la police et de mauvais traitements en détention ont augmenté. L’impunité a persisté pour les atteintes aux droits humains.

L’indépendance du pouvoir judiciaire a été encore davantage ébranlée. Divers attentats- suicides attribués au groupe armé État islamique (EI) et ciblant des militants et manifestants de gauche et pro-kurdes ont fait 139 morts. On estime que 2,75 millions de réfugiés et demandeurs d’asile ont été accueillis en Turquie, mais ces personnes étaient de plus en plus souvent détenues de façon arbitraire et expulsées tandis que le gouvernement négociait un accord sur la migration avec l’Union européenne (UE).

CONTEXTE
Les nominations et mutations de juges et procureurs pour des raisons politiques se sont poursuivies tout au long de l’année, avec des effets dévastateurs sur un pouvoir judiciaire qui manquait déjà d’indépendance et d’impartialité. Le gouvernement a exercé un contrôle accru sur les tribunaux de paix pénaux, qui avaient compétence sur le déroulement des enquêtes pénales et qui pouvaient notamment prendre des décisions en matière de garde à vue et de détention provisoire, de saisies de biens et de recours contre ces décisions.

En avril, des commémorations ont été organisées à l’occasion du 100e anniversaire des massacres d’Arméniens commis en 1915 dans la Turquie de l’époque ottomane, avec des manifestations pacifiques dans tout le pays. Aucune avancée n’a été constatée concernant la pleine reconnaissance des crimes commis.

Lors des élections législatives de juin, le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, n’a pas obtenu la majorité parlementaire absolue, mais il l’a regagnée à l’issue d’un nouveau scrutin en novembre, avec près de 50 % des voix.

Le fragile processus de paix en cours depuis 2013 entre le PKK et l’État s’est délité en juillet. Les forces gouvernementales ont lancé des attaques contre des bases du PKK en Turquie et dans le nord de l’Irak, et le PKK a mené des attentats meurtriers contre des cibles policières et militaires. Les affrontements armés dans les centres urbains entre l’YDG-H, la branche jeunesse du PKK, et la police et l’armée ont fait un très grand nombre de morts parmi les citadins. Du fait du déploiement massif des forces de sécurité dans les provinces du sud-est, au milieu du mois de décembre, les affrontements se sont intensifiés et, d’après des juristes et des militants locaux, de très nombreux habitants sans armes ont été tués. Le ministre de l’Intérieur a déclaré que plus de 3 000 « terroristes » avaient été tués depuis la fin du cessez-le-feu.

Après les attentats meurtriers du PKK en septembre, une vague d’attaques menées par des foules nationalistes a déferlé sur la Turquie. Les cibles visées étaient principalement les Kurdes et leurs biens, ainsi que les bureaux du Parti démocratique des peuples (HDP), une formation kurde de gauche. Le ministère de l’Intérieur a fait état de deux morts et de 51 blessés parmi les civils, ainsi que de dégâts dans 69 bâtiments de partis politiques et 30 habitations et locaux d’entreprises. Selon le HDP, plus de 400 attaques ont eu lieu, dont 126 contre les bureaux du parti.

Des procès collectifs se sont poursuivis ou ont été engagés au titre de lois antiterroristes générales et vagues. En mars, les 236 militaires accusés dans l’affaire Balyoz (« marteau de forge ») d’avoir fomenté le complot visant à renverser le gouvernement de l’AKP, ont tous été acquittés à l’issue d’un nouveau procès. L’affaire Ergenekon, dans laquelle des civils étaient accusés de complot en vue de renverser le gouvernement, s’est poursuivie en appel. Les poursuites engagées contre des militants politiques kurdes en raison de leur appartenance présumée à l’Union des communautés du Kurdistan, proche du PKK, étaient toujours en instance après l’abolition, en 2014, des tribunaux chargés de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, qui étaient dotés de pouvoirs spéciaux. Des vagues d’arrestations ont eu lieu après la flambée de violence entre le PKK et les forces gouvernementales en juillet. Fin août, plus de 2 000 personnes, selon les estimations, avaient été détenues en raison de liens présumés avec le PKK et plus de 260 d’entre elles avaient été placées en détention provisoire. Des poursuites ont été engagées contre des personnes accusées d’appartenance à l’« organisation terroriste de Fethullah Gülen », notamment contre Fethullah Gülen lui-même, un religieux et ancien allié de l’AKP vivant désormais aux États-Unis.

LIBERTÉ D’EXPRESSION
Le respect de la liberté d’expression s’est dégradé. D’innombrables poursuites pénales, menées notamment en vertu de lois relatives à la diffamation et à la lutte contre le terrorisme, ont été engagées de manière inique contre des militants politiques, desjournalistes et d’autres personnes critiques à l’égard des représentants publics ou de la politique du gouvernement. Il est arrivé à maintes reprises que de simples citoyens soient déférés à la justice pour des publications sur les réseaux sociaux.

Le gouvernement a exercé une très lourde pression sur les médias, prenant pour cibles des sociétés de ce secteur et des réseaux de diffusion numérique. Il s’en est pris en particulier à des journalistes qui exprimaient un point de vue critique et qui ont été menacés et attaqués physiquement par des agresseurs souvent non identifiés. Des journalistes des médias traditionnels ont été renvoyés pour avoir critiqué le gouvernement. Des sites Internet d’actualités, en particulier des pans entiers de la presse kurde, ont été bloqués pour des motifs vagues au moyen d’ordonnances administratives et avec l’aide d’un pouvoir judiciaire complaisant. Des journalistes ont été harcelés et agressés par la police alors qu’ils faisaient des reportages dans le sud-est du pays, à majorité kurde.

En mars, Mehmet Baransu, journaliste au quotidien Taraf, a été placé en détention provisoire et inculpé pour s’être procuré des documents classés secret d’État sur lesquels il s’était exprimé par écrit, en 2010, avant de les transmettre au parquet – ce qui avait déclenché les poursuites dans l’affaire « marteau de forge ». À la fin de l’année, il était toujours détenu dans l’attente de son procès.

Pendant une période de six mois qui s’est achevée en mars, le ministre de la Justice a autorisé 105 poursuites pénales pour offense au président Erdo ?an, au titre de l’article 299 du Code pénal. Huit personnes ont été placées en détention provisoire. D’autres procédures engagées en application de cette disposition, qui prévoit des peines pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison, se sont poursuivies tout au long de l’année. En septembre, un étudiant de 17 ans a été déclaré coupable d’offense au chef de l’État pour avoir dit du président qu’il était le « propriétaire corrompu du palais illégal ». Il s’est vu infliger une peine de 11 mois et20 jours de prison avec sursis par un tribunal pour enfants, à Konya, une ville d’Anatolie centrale.

En novembre a eu lieu la première audience du procès de Canan Co ?kun, une journaliste du quotidien Cumhuriyet qui était accusée d’avoir insulté 10 représentants du ministère public car elle avait affirmé qu’ils avaient bénéficié de tarifs préférentiels sur des biens en raison de leur statut de procureur. Elle encourait jusqu’à 23 ans et quatre mois d’emprisonnement. En novembre également, le rédacteur en chef du journal, Can Dündar, et son représentant à Ankara, Erdem Gül, ont été inculpés d’espionnage, de divulgation de secrets d’État et d’aide à une organisation terroriste. Ces inculpations faisaient suite à la publication d’un article dans le journal selon lequel les services de renseignement auraient transféré des armes à un groupe armé en Syrie en 2014. Recep Tayyip Erdo ?an, qui était Premier ministre à l’époque, avait affirmé que les camions fournissaient une aide humanitaire. Les deux hommes ont été placés en détention provisoire et ils s’y trouvaient toujours à la fin de l’année. S’ils sont déclarés coupables, ils encourent la réclusion à perpétuité.

La journaliste néerlandaise Frederike Geerdink, basée à Diyarbak ?r, a été acquittée en avril de l’accusation de « propagande pour le PKK » dont elle faisait l’objet. Elle a cependant été arrêtée puis expulsée du pays après avoir fait un reportage en septembre dans le département de Yüksekova, dans le sud-est. En août, trois journalistes de VICE News ont été interrogés par la police après avoir couvert des affrontements entre le PKK et les forces de sécurité, puis inculpés d’« aide à une organisation terroriste » et placés en détention provisoire. Les Britanniques Jake Hanrahan et Philip Pendlebury ont été libérés et expulsés au bout de huit jours ; Mohammed Rasool, un journaliste Kurde irakien, était maintenu en détention provisoire à la fin de l’année.

Des mesures sans précédent ont été prises pour réduire les médias au silence en ce qui concerne l’enquête sur l’« organisationterroriste de Fethullah Gülen ». En octobre, Digiturk, une plateforme numérique privée, a retiré sept chaînes de son service. Quatre jours avant l’élection du 1er novembre, la police a accompagné un mandataire du gouvernement commis d’office pour pénétrer de force au siège du groupe de médias Koza ?pek, couper la diffusion en direct de deux chaînes d’actualités, Bugün et Kanaltürk, et bloquer l’impression des journaux Millet et Bugün. Quand ces médias farouchement opposés au pouvoir ont repris leurs activités, ils étaient devenus d’ardents défenseurs du gouvernement. En novembre, l’opérateur satellite public turc, Türksat, a supprimé 13 chaînes de télévision et de radio détenues par le groupe de diffusion Salmanyolu.

Hidayet Karaca, le dirigeant de ce groupe, a été maintenu en détention provisoire toute l’année.

En novembre, Tahir Elçi, bâtonnier du barreau de Diyarbak ?r et défenseur renommé des droits humains, a été abattu alors qu’il venait de tenir une conférence de presse à Diyarbak ?r. L’auteur des faits n’avait toujours pas été identifié à la fin de l’année, et des inquiétudes se sont fait sentir quant à l’impartialité et à l’efficacité de l’enquête.

Tahir Elçi avait reçu des menaces de mort après avoir été inculpé le mois précédent de « propagande pour une organisation terroriste » parce qu’il avait dit à la télévision nationale en direct que le PKK n’était « pas une organisation terroriste, mais un mouvement politique armé disposant d’un soutien considérable ». Il encourait plus de sept ans de prison. La chaîne d’information CNN Türk a également été condamnée à une amende de 700 000 livres turques (230 000 euros) pour avoir diffusé ces déclarations.

LIBERTÉ DE RÉUNION
Le droit de réunion pacifique était toujours limité en droit et refusé en pratique, en fonction des motifs derrière les mouvements de protestation et des profils des participants. En mars, la législation régissant le plan de sécurité nationale a été modifiée de manièreà apporter des fondements juridiques à la pratique des détentions arbitraires lors des rassemblements : elle a donné à la police le pouvoir de placer des personnes en détention sans le contrôle d’une autorité judiciaire. Des manifestants pacifiques ont encore été poursuivis et inculpés.

Pour la troisième année consécutive, les traditionnelles manifestations du Premier Mai sur la place Taksim d’Istanbul n’ont pas été autorisées. Les autorités ont avancé les mêmes motifs vagues de menace pour la sécurité et de perturbation de la circulation et du tourisme, proposant à la place des sites éloignés du centre-ville. Des dizaines de milliers de policiers ont bouclé tout le quartier de la place Taksim et alentour, en interdisant l’accès aux manifestants comme aux véhicules et aux touristes.

Pour la première fois depuis 12 ans de pouvoir, les autorités ont violemment dispersé la marche des fiertés annuelle organisée à Istanbul en juin, invoquant l’absence de notification formelle et d’informations sur les contre-manifestants. Les discussions qui s’étaient tenues avant l’événement entre les représentants de la marche et les autorités n’avaient aucunement laissé présager qu’elle serait interdite. La police a eu recours à une force excessive, notamment à des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des projectiles à billes poivre, contre les manifestants pendant la journée et contre les participants à la fête des fiertés le soir. En novembre, le gouverneur d’Istanbul a refusé de donner son accord pour l’ouverture d’une enquête judiciaire sur le comportement de la police lors de la marche des fiertés.

Les poursuites engagées sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces contre les manifestants du parc Gezi ont suivi leur cours. En avril, un tribunal d’Istanbul a relaxé des membres de Taksim Solidarité, une coalition opposée à la reconversion de la place Taksim et du parc Gezi. Cinq d’entre eux avaient été accusés de « création d’une organisation criminelle ». La plupart des procès se sont conclus par des relaxes mais, lors du procès de 255 personnes à Istanbul,244 ont été déclarées coupables de diverses infractions, notamment au titre de la Loi sur les rassemblements et les manifestations.

Deux médecins ont été déclarés coupables d’« offense à un lieu de culte » après avoir apporté les premiers secours à des manifestants blessés dans une mosquée. Une autre procédure a été engagée en septembre à Izmir à l’encontre de 94 personnes pour leur participation aux manifestations du parc Gezi.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Les allégations de recours excessif à la force lors de manifestations ont considérablement augmenté. Les forces de sécurité ont fait usage d’une force meurtrière lors d’opérations antiterroristes, qui étaient souvent des affrontements armés avec l’YDG-H. Dans de nombreux cas, les faits n’ont pas pu être établis en raison de témoignages contradictoires et de l’absence d’enquêtes efficaces. Les modifications législatives apportées en mars au plan de sécurité nationale étaient contraires aux normes internationales relatives au recours à la force.

En janvier, un garçon de 12 ans, Nihat Kazanhan, a été abattu par un agent de police à Cizre, dans le sud-est du pays. Les autorités ont d’abord nié toute implication de la police, mais des éléments de preuve vidéo ont ensuite fait surface. On pouvait y voir Nihat Kazanhan et d’autres enfants jeter des pierres sur des policiers ou encore, dans une autre vidéo, un policier en train de tirer en direction des enfants. Nihat Kazanhan a été tué d’une seule balle dans la tête. Le procès de cinq policiers se poursuivait à la fin de l’année.

Au cours d’opérations policières visant l’YDG-H, les autorités locales ont imposé des couvre-feux 24 heures sur 24 pendant de longues périodes dans certaines villes du sud-est. Durant ces couvre-feux, les résidents avaient l’interdiction absolue de quitter leur domicile. L’eau, l’électricité et les communications étaient coupées et les observateurs extérieurs n’avaient pas le droit d’entrer. Les couvre-feux instaurés le11 décembre dans le quartier de Sur, à Diyarbak ?r, et le 14 décembre dans les villes de Cizre et Silopi étaient toujours en vigueur à la fin de l’année.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
De plus en plus de cas de mauvais traitements en détention et d’autres traitements inhumains ou dégradants dans le cadre d’opérations policières ou militaires contre le PKK ont été signalés.

Quatre hommes accusés d’avoir tué deux policiers à Ceylanp ?nar, une ville du sud-est de la Turquie, ont affirmé avoir été violemment battus par la police lors de leur détention en juillet et août, d’abord au cours de leur transfert à la prison n° 1 de type T d’Osmaniye, dans le département d’Adane, puis durant leur détention. À la fin de l’année, ils étaient toujours détenus dans l’attente d’un procès.

Des images qui ont circulé sur Internet, apparemment prises par des policiers des forces spéciales, montraient ce qui semblait être le corps nu et mutilé d’une femme membre du PKK, Kevser Eltürk (Ekin Wan), exhibé dans les rues de Varto, dans le département de Mu ?, à l’est du pays, après des affrontements avec les forces de l’État en août. Sur une autre photo, on voyait le corps de Hac ? Lokman Birlik traîné par un véhicule blindé de la police dans le département de ??rnak, dans le sud-est, en octobre. Selon l’autopsie, il avait reçu 28 balles. Les autorités ont affirmé que des enquêtes sur ces deux affaires étaient en cours.

IMPUNITÉ
L’impunité est restée de mise pour les atteintes aux droits humains commises par des agents de l’État. Des enquêtes ont été entravées par la police, qui dissimulait des éléments cruciaux tels que les listes des agents en service et des séquences de vidéosurveillance, ainsi que par les magistrats du parquet, qui faisaient preuve de passivité face à ces obstructions à la justice. En l’absence de commission indépendantechargée des plaintes contre la police, pourtant promise de longue date, les perspectives d’amélioration étaient faibles. Lorsqu’elles avaient lieu, les poursuites pénales étaient souvent entachées d’irrégularités.

Les tentatives visant à obtenir que des comptes soient rendus pour les violations commises par la police lors des manifestations de 2013 au parc Gezi ont débouché sur un échec retentissant. En janvier, des policiers et des civils ont été déclarés coupables d’avoir participé au tabassage à mort, à Eski ?ehir, du manifestant Ali Ismail Korkmaz. En juin, un tribunal d’Istanbul a déclaré coupable un policier qui avait pulvérisé du gaz poivre sur une manifestante pacifique, appelée « la femme en rouge ». Le procès d’un agent de police accusé du meurtre du manifestant Abdullah Cömert, ainsi que le nouveau procès pour le meurtre d’Ethem Sar ?sülük, un autre manifestant, ont suivi leur cours.

Aucune poursuite n’a été engagée pour la mort de Berkin Elvan, un adolescent de 14 ans, ni pour les centaines d’autres cas où des personnes ont été blessées par la police, dont Hakan Yaman. Celui-ci a été filmé alors qu’il était frappé, brûlé et laissé pour mort par des policiers à Istanbul. Il a perdu un œil, mais a survécu à ses blessures. Deux ans et demi plus tard, les policiers apparaissant dans la vidéo n’avaient toujours pas été identifiés.

Deux actions pénales ont été intentées à la suite des manifestations survenues dans le sud-est du pays en octobre 2014 en réaction aux événements de Kobané (Syrie), manifestations au cours desquelles plus de 40 personnes ont trouvé la mort. La première a été engagée en mars à l’encontre de jeunes soupçonnés d’être favorables au PKK pour le meurtre de quatre personnes à Diyarbak ?r.

L’autre a été intentée en juin à l’encontre de 10 agents de sécurité privés et proches du maire, membre de l’AKP, pour la fusillade qui a tué trois manifestants à Kurtalan, dans le département de Siirt. Dans de nombreuses autres affaires, cependant, les enquêtes n’ontpas avancé, même lorsqu’il y avait lieu de penser que des personnes avaient été abattues par des policiers ayant utilisé une force excessive lors d’opérations policières, dans le sud-est. Faute de rapports balistiques, d’enquêtes sur les lieux et de recueil de dépositions de témoins par le ministère public, il était peu probable que les circonstances de ces morts soient éclaircies.

En novembre, dans l’affaire emblématique de la disparition et du meurtre de 21 personnes à Cizre entre 1993 et 1995, les huit accusés, dont l’ancien commandant de la gendarmerie du district, Cemal Temizöz, ont tous été acquittés à l’issue d’un procès entaché de graves irrégularités.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS
Trois attentats-suicides attribués à l’EI ont fait un grand nombre de victimes. En juin, quatre personnes sont mortes dans des explosions visant un meeting du HDP, quelques jours avant les élections de juin. En juillet, une bombe a tué 33 jeunes militants à Suruç, dans le sud-est du pays, alors qu’ils s’exprimaient devant la presse au sujet de leur mission de fourniture d’aide humanitaire dans la ville voisine syrienne de Kobané, à majorité kurde. En octobre, deux explosions dans la capitale, Ankara, contre un rassemblement pour la paix organisé par des syndicats, des organisations de la société civile et des partis de gauche ont fait 102 morts. En mars, le procureur d’Istanbul, Mehmet Selim Kiraz, a été tué après avoir été retenu en otage par le groupe armé Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C). Lors de l’opération policière qui s’est déroulée dans le tribunal, les deux preneurs d’otage ont également été tués.

Les attaques du PKK ont fait des morts parmi les civils, dont un médecin, Abdullah Biro ?ul, qui a été tué lorsqu’on a tiré sur sa voiture dans le département de Diyarbak ?r, dans le sud-est.

RÉFUGIÉS ET DEMANDEURS D’ASILE
La Turquie a accueilli quelque 2,3 millions de réfugiés syriens enregistrés et 250 000 réfugiés et demandeurs d’asile venus d’autres pays, notamment d’Afghanistan et d’Irak. Environ 260 000 réfugiés syriens ont été installés dans des camps bien équipés et gérés par les pouvoirs publics. Toutefois, la majorité des réfugiés et demandeurs d’asile qui ne vivaient pas dans ces camps ne bénéficiaient d’aucune aide, ou presque, et n’avaient pas le droit de travailler. Souvent, ils luttaient pour leur survie et s’en sortaient grâce à un travail clandestin sous-payé et relevant de l’exploitation, et grâce à l’aide de voisins. Les demandes d’asile pour les ressortissants non syriens étaient en pratique rarement traitées. Le gouvernement a signé un accord avec l’UE en octobre afin d’empêcher la migration irrégulière de la Turquie vers l’UE.

En septembre, au moins 200 réfugiés pour la plupart syriens – qui tentaient de se rendre de manière irrégulière en Grèce ont été détenus sans aucun contact avec le monde extérieur, ou même dans des lieux tenus secrets, dans divers sites de Turquie. Nombre d’entre eux ont fait l’objet de pressions afin qu’ils acceptent de retourner « volontairement » en Syrie ou en Irak, et ont donc été victimes de violations flagrantes du droit international.

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