Plus qu’une question de chiffres, la finance climat est une question de droits humains et de justice. Il faut de l’argent pour atténuer, pour s’adapter, pour la transition et enfin pour les pertes irrémédiables engendrées par le changement climatique.

Qui va payer pour la disparition de villages entiers suite à la montée du niveau de la mer au Sénégal ? Qui doit payer pour s’assurer que les métaux nécessaires à la création des batteries soient extraits de manière juste sans expulser des habitant·es en République démocratique du Congo ? Qui doit payer pour que le Pakistan s’adapte aux canicules et vagues de chaleur de plus en plus fréquentes ? Où trouver cet argent ?

Le montant des dégâts causés par les événements climatiques extrêmes se chiffrent en milliards de dollars, les besoins pour la transition vers une économie sans énergies fossiles aussi. Qui doit payer ? Les pays pauvres, historiquement les moins responsables de la crise climatique ? Ou les pays riches, émetteurs historiques mais aussi les moins affectés pour le moment ?

Pour en savoir plus, inscrivez-vous à l’agor@nesty sur la finance climat le mercredi 6 novembre à 18h

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L’atténuation ou comment prévenir le pire

L’atténuation ("mitigation" en anglais) c’est tout ce qui concerne les choses à mettre en place pour atténuer les effets du changement climatique. Cela consiste à diminuer les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pour le moment, c’est là que va la majorité des fonds destinés au financement climatique international. L’argent sert à payer la transition vers les énergies renouvelables, le reforestation, le développement d’une mobilité bas carbone, etc. L’atténuation se concentre sur la prévention, en essayant de limiter l’ampleur du réchauffement global et de rester sous 1,5° d’augmentation de température.

Tous les pays, et en particulier les plus grands émetteurs de CO2, doivent pouvoir financer les mesures d’atténuation et de réduction des émissions comme l’isolation des bâtiments, le développement du transport public, la transformation de l’agriculture, etc.

Certains États ont été condamnés pour ne pas avoir pris assez de mesures pour l’atténuation du changement climatique

Marta Schaaf, directrice du programme climat à Amnesty International :

"Les grandes disparités économiques dans la région de l’Asie du Sud n’ont fait qu’amplifier les souffrances des populations les plus vulnérables et marginalisées, avec un nombre de décès et de déplacements considérable d’année en année. Ces communautés qui n’ont pratiquement pas contribué aux émissions de gaz à effet de serre paient cependant le prix fort pour l’inaction des gouvernements en matière de climat, en perdant leurs moyens de subsistance et, trop souvent, la vie. Il ne peut y avoir de solution sans feuille de route pour la justice climatique et il n’y a pas de justice climatique sans droits humains."

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L’adaptation ou comment réduire les vulnérabilités

L’adaptation c’est ce qui est mis en place pour s’adapter aux conséquences du changement climatique et aux phénomènes météorologiques extrêmes. C’est la gestion et la réaction face aux impacts de la crise climatique en cours ou prévus sur les systèmes naturels et humains.

Par exemple, c’est la construction de barrages et de digues pour protéger les zones côtières de la montée des eaux. C’est le développement de cultures résistantes à la sécheresse ou la construction de bâtiments résilients face aux chaleurs extrêmes et aux inondations.

Il y a un besoin urgent de combler le fossé pour l’adaptation. Quand on sait que les pays les plus touchés par les catastrophes climatiques sont les plus vulnérables et les moins responsables de la crise climatique, ce n’est que justice qu’ils reçoivent le financement pour s’adapter.

Une tempête ne fait pas les mêmes dégâts en Inde qu’en Belgique. Des inondations massives ont récemment touché des millions de personnes en Inde, au Népal et au Bangladesh, où des pluies torrentielles ont provoqué des inondations soudaines et des glissements de terrain, le débordement de cours d’eau et mis en péril de grands barrages. En Inde, plus de 80 personnes sont mortes dans l’État d’Assam, dans le nord-est du pays, depuis la mi-mai, 2,4 millions de personnes étaient touchées et 2 580 villages se trouvaient encore sous l’eau. Historiquement, l’Inde a contribué à hauteur de 4,8% (Global Carbon Project) à l’augmentation de la température globale. Ce n’est donc pas à ce pays de payer les dégâts provoqués par d’autres.

Le besoin pour l’adaptation pour les pays du Sud est estimé entre 100 et 300 milliards de dollars par an d’ici 2030.

En Asie du Sud, les inondations sont un nouveau rappel de l’urgence d’une action pour le climat respectueuse des droits humains

Les pertes et dommages ou quand il est trop tard pour s’adapter

Quand il n’est plus possible d’atténuer les effets ou de s’adapter et que les dégâts provoqués par la crise climatique sont irréversibles, on parle de pertes et préjudices. Les pertes incluent des pertes physiques telles que des vies humaines, la destruction d’écosystèmes, la dégradation de terres agricoles, etc. On peut aussi voir des pertes et préjudices culturelles, sociaux et économiques.

Au Mexique, El Bosque est devenu inhabitable, le village a disparu sous les eaux de la mer. Il n’y a plus d’eau potable car les puits sont inondés, l’école a été détruite par une tempête. Depuis 2019, la mer grignote petit à petit les habitations et les infrastructures. Aujourd’hui, la communauté n’a plus d’habitations ni de moyens de subsistance et elle doit demander l’aide du gouvernement pour trouver un lieu de vie ailleurs.

Le Mexique a une responsabilité historique limitée dans la crise climatique. Ses émissions cumulées représentent moins de 1% des émissions mondiales depuis 1850, ce qui n’est rien comparé aux États-Unis (plus de 25%) ou de l’Union européenne (22%). Les habitant·es d’El Bosque devraient pouvoir bénéficier de fonds et de subsides pour compenser la perte de leur village, engendrée par une crise dont ils et elles ne sont pas responsables.

Vue aérienne d’une mine de cobalt en République démocratique du Congo

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Une transition juste ou en accord avec les droits humains

Pour Amnesty International, la notion de transition juste fait référence à un passage vers une économie respectueuse de l’environnement et à faible émission de carbone, tout en garantissant que les droits humains sont protégés, et que les impacts sociaux et économiques de cette transition sont équitablement partagés. Cela signifie que les travailleurs, les communautés, et particulièrement les populations les plus vulnérables, ne sont pas laissés pour compte lors de ce processus.

Les principes clés de la transition juste sont les suivants :

1. Protection des droits humains : les droits humains doivent être au cœur de toute politique climatique et environnementale, en garantissant que la transition vers une économie verte n’exacerbe pas les inégalités ou les violations des droits fondamentaux.

2. Emploi et conditions de travail décentes : la transition doit inclure la création de nouveaux emplois verts et durables, tout en assurant des conditions de travail dignes et en soutenant les travailleur·euses affecté·es par la disparition des industries polluantes.

3. Inclusion des communautés vulnérables : les populations les plus vulnérables, y compris celles qui vivent dans les pays en développement, doivent être soutenues et incluses dans les décisions liées à la transition pour s’assurer qu’elles bénéficient équitablement des changements.

4. Justice sociale et environnementale : Amnesty plaide pour un modèle de transition qui intègre non seulement les impératifs écologiques mais aussi la justice sociale, en réduisant les inégalités et en garantissant l’accès aux ressources pour tous et toutes.

En résumé, pour Amnesty International, une transition juste est un processus qui associe la lutte contre le changement climatique à la justice sociale, en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte, et en assurant une répartition équitable des bénéfices et des impacts de cette transition.

Amnesty International a publié plusieurs rapports qui dénoncent l’absence de transition juste dans le secteur des minerais nécessaires aux batteries électriques.

En République démocratique du Congo, les exploitations de cobalt et de cuivre nécessaires à la production des batteries entraîne de nombreuses violations des droits humains comme la démolition de logements, des agressions sexuelles et des destructions de cultures. Plus d’infos ici

Il faut pouvoir financer la transition juste car la demande en minerais ne va faire qu’augmenter. Plus de 13 kg de cobalt sont nécessaires pour produire la batterie d’un véhicule électrique moyen et environ sept grammes sont nécessaires à celle d’un téléphone portable. La demande de cobalt, qui a triplé depuis 2010, devrait atteindre 222 000 tonnes d’ici 2025.

En 2024, nous avons également établi un classement des constructeurs de voitures électriques pour voir à quel point ceux-ci s’engagent à respecter les droits humains.

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La finance climatique en quelques chiffres

4 500 Milliards de $
C’est ce qu’il faudrait investir par an d’ici 2030 pour atteindre un objectif de zéro émission en 2050. Aujourd’hui ce sont 775 milliards de dollars qui sont investis par an, largement insuffisant. C’est l’équivalent du PIB du Japon ou de l’Allemagne
7 000 milliards de $
C’est la somme des subventions publiques et allégements fiscaux dont bénéficient l’industrie des combustibles fossiles
1 000 milliards de $ par an
C’est la somme demandée par la société civile pour le NCQG (nouvel objectif collectif). Cette somme devrait être fournie chaque année aux pays à bas revenus sous la forme de subsides par les pays émetteurs historiques
4 000 milliards de $
C’est ce que peut coûter l’inaction climatique en termes de pertes économiques mondiales d’après le FMI
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OÙ TROUVER L’ARGENT ?

Il est primordial de s’assurer d’où vient l’argent dédié au financement climatique international comme par exemple, sous forme de subventions et non de dettes pour s’assurer que les instruments financiers ne posent pas de charge supplémentaire lourde pour les pays les moins responsables de la crise climatique. Il faut aussi s’assurer que les financements sont des nouveaux financements et pas des transferts d’autres fonds comme celui du développement.

Tous les États en mesure de le faire doivent augmenter massivement le financement climatique basé sur les besoins, en particulier pour l’adaptation et les pertes et dommages, sous forme de subventions et non de prêts, les plus responsables des émissions contribuant le plus.

Ci-dessous, quelques exemples qui montrent que l’argent existe mais qu’il ne se trouve pas au bon endroit.

Dépenses militaires mondiales : En 2022, selon le SIPRI, les dépenses militaires mondiales ont atteint un montant record de 2 240 milliards de dollars par an. En d’autres termes, le financement climatique promis de 100 milliards de dollars représente à peine 4,5 % des dépenses militaires globales. Cela montre qu’un financement beaucoup plus important pour le climat est atteignable si les priorités mondiales étaient ajustées.

Dépenses en publicité : À l’échelle mondiale, les dépenses en publicité numérique ont dépassé 600 milliards de dollars en 2022. Ce chiffre, bien qu’il ne soit pas directement lié à l’économie de l’énergie ou du climat, montre que des secteurs entiers sont capables de mobiliser des sommes considérables pour des activités commerciales.

Régulation bancaire post-crise financière : Après la crise financière de 2008, les gouvernements des pays développés ont injecté des milliers de milliards de dollars pour sauver les banques et stimuler l’économie mondiale. Cela montre que lorsque la volonté politique est présente, des montants colossaux peuvent être mobilisés en peu de temps pour faire face à une urgence.

Justice fiscale : On estime que près de 500 milliards d’USD sont perdus chaque année en raison d’abus fiscaux, dont 45 milliards d’USD au détriment des pays à faible revenu. Les pays à revenu moyen supérieur et les pays à revenu élevé autorisent 98 % des abus fiscaux mondiaux.

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LES PRINCIPALES DEMANDES D’AMNESTY INTERNATIONAL POUR UNE FINANCE CLIMATIQUE JUSTE

À la COP29, qui a lieu à Bakou en Azerbaïdjan du 11 au 22 novembre 2024,

les États doivent s’engager à :

° Augmenter massivement le financement pour l’adaptation
° S’assurer d’un financement adéquat pour le Fonds des Pertes et Dommages
° Prévoir un financement pour la transition juste
° S’assurer de la qualité du financement en traitant la crise de la dette
° Le financement doit se faire sous forme de subsides et non de prêts qui alourdirait la charge de la dette
° Réformer la coopération fiscale mondiale

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