– Principe 1 - Impunité et justice internationale
1. Par "impunité", on entend l’omission d’enquêter, de poursuivre et de juger les personnes physiques et morales responsables de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire. Aux fins des présents principes, on entend par « graves violations des droits humains et du droit international humanitaire », notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, la torture, les exécutions extra-judiciaires et les disparitions forcées (ci-après : « les crimes graves »).
2. La portée des crimes graves s’étend au-delà des territoires où ils ont été commis. Ils constituent un défi lancé à la conscience publique et conduisent à considérer leurs auteurs comme des ennemis de l’humanité (hostes humani generis). Dans un tel contexte, la lutte contre l’impunité fait partie du combat pour la justice internationale et est une responsabilité de l’ensemble de la communauté internationale.
3. L’obligation de réprimer les crimes graves est une règle impérative (jus cogens) du droit international.
– Principe 2 - Droits des victimes
1. Lutter contre l’impunité et pour la justice internationale implique des stratégies associant les victimes (directes et indirectes) aux fins de défendre leurs droits. Ces droits comprennent :
(a) celui de connaître la vérité sur les crimes graves ;
(b) celui d’obtenir justice, notamment, le droit
– d’obtenir la poursuite et le jugement par une juridiction pénale des auteurs présumés des crimes graves ;
– d’obtenir une réparation adéquate des dommages subis ;
– d’avoir accès, si nécessaire, à des instances administratives.
2. Ces droits ne peuvent jamais donner lieu à compromis.
3. Tout jugement définitif doit être exécuté.
– Principe 3 - Juridictions concernées
Les présents principes s’appliquent à toute juridiction, internationale ou nationale, de droit écrit ou de droit coutumier.
– Principe 4 - Coopération et complémentarité entre juridictions
1. La lutte contre l’impunité et la défense des droits des victimes s’appuient sur la coopération et sur l’action indissociable et complémentaire :
des juridictions des pays où les crimes ont été commis ;
des juridictions des Etats tiers, y compris lorsqu’elles exercent, si nécessaire, la compétence universelle ;
des juridictions internationales.
2. Les membres de la communauté internationale, individuellement et collectivement, doivent veiller, conformément au droit international, à ce que l’Etat du for exécute les jugements définitifs rendus par ses juridictions à propos des crimes graves.
3. Les Etats tiers doivent prendre toute mesure nécessaire pour que les décisions civiles ou les décisions sur les aspects civils des décisions pénales relatives aux crimes graves rendues dans l’Etat du for soient reconnues et exécutées dans ces Etats.
4. Dans le cas où l’auteur d’un crime grave se retrouverait sur le territoire d’un Etat qui s’abstiendrait de l’extrader vers l’Etat où il a été condamné pour ce crime, l’Etat du lieu où il se trouve devrait se donner compétence pour exécuter la sanction pénale, prononcée dans le respect d’un procès équitable par l’Etat du for et qui y est exécutoire.
– Principe 5 - Sources des droits et obligations des Etats
1. Les règles régissant l’incrimination et la répression des crimes graves se trouvent dans un certain nombre de traités internationaux à caractère général et dans le droit coutumier international général tel qu’il résulte de ces traités, des actes d’organisations internationales (ONU, institutions spécialisées, organisations régionales), de la pratique des Etats, de la jurisprudence internationale et nationale, ainsi que des publicistes les plus qualifiés (notamment les travaux de la Commission du Droit international).
2. Les Etats devraient devenir Parties aux traités qui consacrent le respect des droits et libertés fondamentaux et du droit international humanitaire, en particulier les traités qui prévoient l’incrimination et la répression des crimes graves.
3. Les Etats ne devraient pas émettre de réserves ou devraient, le cas échéant, lever les réserves existantes, lorsque celles-ci limitent la portée des traités visés au paragraphe précédent.