« Je n’ai rien à cacher ». En êtes-vous sûr ?

Sept raisons pour lesquelles « Je n’ai rien à cacher » n’est pas la bonne réponse face à la surveillance de masse

Lorsque nous avons lancé #UnfollowMe, notre campagne visant à interdire la surveillance de masse mise en place par les gouvernements, les comptes Facebook et Twitter d’Amnesty International ont été submergés. Beaucoup de commentaires disaient : « Si tu n’as rien à cacher, tu n’as rien à craindre. »

Le raisonnement étant que, si l’on n’a rien à se reprocher, ce n’est pas un problème que les gouvernements collectent toutes nos données, courriels, appels téléphoniques, images de webcam et recherches Internet, puisqu’ils ne trouveront rien d’intéressant. C’est un argument tentant, mais il est erroné – et voici pourquoi.

Cette question a fait couler beaucoup d’encre ; pour y répondre, nous avons choisi de parcourir les commentaires des sympathisants d’Amnesty sur Facebook et de nous en servir pour expliquer pourquoi le « rien à cacher » n’est pas la bonne manière de réagir face à la surveillance de masse qu’utilisent les gouvernements.

1. « La vie privée doit être un droit, à moins qu’un acte n’éveille des soupçons légitimes. »
Karine Davison

Généralement, les gouvernements effectuent une surveillance ciblée, c’est-à-dire qu’ils surveillent une personne ou un groupe pour des raisons précises et légitimes. Pour cela, ils ont besoin d’obtenir la permission d’un juge, par exemple pour surveiller l’utilisation d’Internet d’une personne soupçonnée d’activités criminelles. Si la surveillance est effectuée sans discrimination, nos communications sont passées au crible sans que nous ne soyons raisonnablement soupçonnés de faire quelque chose de louche. Les gouvernements nous traitent tous comme des suspects, et traitent chaque détail de notre vie personnelle comme suspicieux. Or, les lois sont peu nombreuses pour contrôler leurs actions.

2. « Alors, pas de problème si une webcam est placée dans votre salle de bains ou dans votre chambre ? »
Ulf Carsson

Peut-être ne pensez-vous pas attacher trop d’importance à votre vie privée. Pourtant il est fort probable que ce soit en fait le cas. Chaque jour, nous faisons des choses dans notre espace privé que nous ne ferions pas en public. Ce n’est pas parce que nous avons quelque chose à cacher, mais simplement parce qu’il y a des facettes de notre vie que nous préférons garder privées. John Oliver, animateur de l’émission télévisée américaine Last Week Tonight, a demandé à des passants à New York quelle serait leur réaction s’ils apprenaient que les gouvernements ont accès à leurs photos privées d’ordre sexuel (il a formulé sa question en des termes plus crus). De manière prévisible, les personnes interrogées se sentent mal à l’aise à l’idée que des agents du gouvernement pourraient passer en revue leurs photos les plus confidentielles.

3. « Vouloir préserver ma vie privée NE VEUT PAS dire que j’ai quelque chose à cacher. »
James Earl Walsh

La surveillance de masse est une intrusion sans précèdent dans la vie privée des gens ordinaires. À aucun moment dans l’histoire nous n’avons accepté que les gouvernements surveillent tous nos faits et gestes pour assurer notre sécurité. Imaginez s’ils nous disaient qu’ils veulent installer des caméras dans nos salons, ou des micros sous les tables des cafés, pour être sûrs d’attraper les criminels. C’est l’équivalent dans le monde réel de la surveillance de masse effectuée sur Internet. Le gouvernement outrepasse son pouvoir, et nous y consentons chaque fois que nous disons que nous n’avons « rien à cacher ». En fait, nous devrions dire aux gouvernements : « Je n’ai rien à cacher et ma vie privée ne vous regarde pas. »

4. « Les Juifs n’avaient rien à cacher ni à craindre lorsque leur religion a été notée dans des registres officiels – jusqu’à l’arrivée des nazis. »
Sandro Haupt

Tout comme le droit de manifester, notre droit à la vie privée est quelque chose dont on prend d’autant plus conscience qu’il nous est retiré. Au cours de l’histoire, des informations apparemment anodines sur les citoyens ont été utilisées pour les persécuter en période de crise. Peut-être faites-vous confiance à votre gouvernement actuel dont le but est de rechercher des criminels et non d’utiliser vos données de manière malhonnête. Mais s’il change et bascule radicalement à gauche ou à droite ? Les autorités pourraient alors recueillir des données afin de retrouver des groupes avec qui elles sont en désaccord et de sévir. Elles pourraient utiliser ces informations pour cibler des journalistes, persécuter des militants et pratiquer la discrimination envers des minorités.

5. « On part de l’hypothèse que les personnes derrière les caméras de surveillance ne penseront qu’au bien des citoyens. »
Roland van der Sluijs

Peut-être pensez-vous que vous n’avez rien à vous reprocher, mais cela revient à accorder une confiance aveugle aux personnes chargées d’examiner vos données et à supposer qu’elles penseront de même. Comme l’a affirmé Edward Snowden, le lanceur d’alertes de la NSA (l’agence de sécurité américaine) : « Ces personnes recherchent des criminels. Vous pouvez être la personne la plus innocente du monde, si un agent programmé pour repérer des modèles de criminalité examine vos données, il ne va pas vous trouver vous, il va trouver un criminel. »

6. « Souhaitez-vous réellement vivre une vie de répétition abrutissante, et obéir à tout ? »
Jia Hengjian

Des éléments de preuve indiquent que le fait de savoir que l’on est surveillé influe sur notre comportement. Lorsque nous sommes conscients que des algorithmes informatiques et des bases de données sont utilisés pour prévoir les activités criminelles, nous devenons plus méfiants par rapport à ce que nous faisons et disons en ligne. Nous commencerons par éviter tout propos ou tout comportement susceptible d’être sujet à controverse, au cas où ce serait mal interprété. Ainsi, les sociétés deviendront très conformistes, plus aucun citoyen n’étant prêt à remettre en cause le statu quo.

7. « Si nous n’avons rien à cacher, pourquoi sommes-nous placés sous surveillance ? »
Jake Lawler

En quelques mots, la meilleure réponse à l’argument « Je n’ai rien à cacher » sera toujours : « Si je n’ai rien à me reprocher, pourquoi viole-t-on mon droit à la vie privée ? »

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Le 18 mars, Amnesty International a donné le coup d’envoi de sa campagne mondiale, #UnfollowMe, demandant aux gouvernements d’interdire la surveillance de masse.

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