L’histoire de la peine de mort en Belgique
C’est une assez longue histoire. La Belgique, comme chacun sait, est une jeune nation puisqu’elle n’a connu l’indépendance qu’en 1830. Elle a hérité de la législation d’un de ses derniers occupants, les Français. Celle-ci prévoyait la peine de mort par décapitation et la guillotine a fait son travail durant 33 ans, de 1830 à 1863 ; chaque fois sur la place publique comme l’exigeait le Code pénal. Il existe encore aujourd’hui, au Palais de Justice de Bruxelles, un Musée du Crime, qui possède une collection de vingt-quatre têtes de décapités, moulées dans le plâtre. Vingt-quatre sur les cinquante-quatre suppliciés de la Belgique indépendante. En 1863, cependant, il s’est produit quelque chose de très semblable à une erreur judiciaire. Après l’exécution de deux hommes, il s’est révélé qu’ils étaient sans doute innocents. Et des voix nombreuses se sont élevées dans le pays pour réclamer la suspension des mises à mort. Ce qui a été fait. Dès lors, tout condamné à mort était automatiquement gracié et sa peine commuée en prison à perpétuité.
Une très lente mobilisation contre la peine de mort en Belgique
À deux reprises cependant, la Belgique a procédé encore à des exécutions. D’abord en 1918, lorsqu’un soldat coupable du meurtre de sa maîtresse a été condamné à mort. Le roi Albert lui a refusé sa grâce, considérant qu’étant donné l’état de guerre, il aurait eu la vie sauve, alors que ses camarades risquaient la leur sur le front. Ce ne fut pas une petite affaire car, la guillotine belge étant hors d’usage, il a fallu en faire venir une de Douai et amener de Paris, le célèbre bourreau Deibler.
Ensuite, après la seconde guerre mondiale, entre 1944 et 1950, 242 personnes dont quatre femmes ont été exécutées par fusillade pour collaboration avec l’ennemi. Le Code pénal prévoyait, en effet, la fusillade pour tous les crimes commis en temps de guerre. La dernière exécution, en août 1950, a été celle d’un Allemand, commandant du camp de concentration de Breendonck.
Et depuis lors ? Les sentences de mort ont continué à tomber régulièrement pendant des années, une fois par mois en moyenne, régulièrement suivies d’une commutation. Mais depuis longtemps des tentatives étaient faites pour arriver à abolir ce châtiment. De nombreux avant-projets de loi ont été présentés au Conseil des ministres. Chaque fois sans succès, souvent par manque de consensus. Les deux sections d’Amnesty Belgique (francophone et néerlandophone) ont mené le combat.
En 1991, premier pas en avant et que l’on a cru décisif. Le Conseil des ministres a approuvé un projet abolissant la peine de mort pour les crimes commis en temps de paix, mais la maintenant pour crimes graves commis en temps de guerre. Toutefois en octobre de cette année-là, le gouvernement est tombé et tout était donc à recommencer. Le projet repris lors de la législation suivante a fait l’objet d’âpres discussions. En effet, certains membres de la Commission de Justice de la Chambre tenaient à lier l’abolition à l’établissement de certaines peines plus sévères que celles infligées jusque là, des peines dites « incompressibles ». Ce fut un nouvel échec.
À plusieurs reprises, Amnesty a exercé des pressions pour que le projet ne soit pas enterré. En mai 1995, un consensus parlementaire s’est enfin dessiné. Il a abouti en novembre à l’approbation d’un avant-projet abolissant cette fois totalement la peine de mort, y compris pour les infractions militaires et celles commises en temps de guerre. Les motifs principaux qui ont amené la Belgique à prendre cette décision sont de nature diverse. Pour le Ministre de la Justice de l’époque, Stefaan De Clerck, la peine de mort est un acte de vengeance et son abolition doit être considérée comme un premier maillon dans la rénovation de la politique pénale de la Belgique. D’autre part, puisque ce châtiment n’était plus appliqué, il était devenu inutile. Enfin, il était devenu la cause de difficultés judiciaires avec d’autres pays à qui l’on réclamait l’extradition de criminels.
Et le 13 juin 1996 est devenu pour tous les Amnestiens une date historique. Les députés votèrent l’abolition à une large majorité des voix (120 oui contre 13 non). Il n’y a eu que deux partis s’y opposant. Un autre a exprimé cependant des réserves car il estimait nécessaire l’instauration de peines de « sûreté ».
Qu’en est-il à présent ? La peine perpétuelle signifie 30 ans d’enfermement. Mais il existe une disposition spéciale valable d’ailleurs pour tous les condamnés, la loi Lejeune, qui prévoit des possibilités de libération conditionnelle au terme d’un certain nombre d’années de détention, et selon certains critères.