Histoire de la mise en place du traité sur le commerce des armes
Le mardi 2 avril 2013, les États membres des Nations unies ont adopté à une forte majorité un Traité sur le commerce des armes (TCA). Quelques jours seulement après la décision cynique de la Corée du Nord, de l’Iran et de la Syrie de bloquer l’adoption par consensus de ce traité, 154 États ont voté en sa faveur dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies.
Le TCA interdit aux États de transférer des armes classiques dans d’autres pays lorsqu’ils sauront que ces armes serviront à commettre ou à faciliter des génocides, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre. Le TCA constitue la plus grande avancée du droit international en faveur de la protection des populations civiles depuis la création de la Cour Pénale Internationale en 1998. La communauté internationale a fait pression pour que soit adopté le traité le plus ambitieux possible.
Le TCA est entré en vigueur le 24 décembre 2014, lorsque la barre des 50 ratifications a été franchie.
Pour voir la liste des États qui ont signé et ratifié le TCA, cliquez ici.
Pourquoi un traité sur le commerce des armes ?
Chaque année, des milliers de personnes sont tuées, blessées ou contraintes à fuir de chez elles à cause des violences et des conflits armés.
Conflits
La majorité des victimes des conflits armés sont des civils. Des armes telles que des missiles détruisent des hôpitaux, des logements, des marchés et des systèmes de transports, précipitant les rescapés des attaques dans la pauvreté. Des vies sont détruites. En République démocratique du Congo (RDC), par exemple, on estime que plus de cinq millions de personnes sont mortes de causes indirectes liées au conflit armé depuis 1998.
Et pour chaque personne tuée dans le cadre des conflits et de la violence armée, beaucoup d’autres sont blessées, torturées, maltraitées ou enlevées sous la menace d’une arme à feu.
Dans la rue
Les armes ne finissent pas uniquement sur les champs de bataille, elles terminent souvent leur course dans la rue et alimentent la violence au sein de la société. Les trois quarts des décès imputables à la violence armée se produisent en dehors des situations de conflit armé. Dans certaines zones, comme par exemple l’Amérique centrale, les violences domestiques et les meurtres de femmes sont souvent commis au moyen d’armes légères achetées sur le marché noir.
« Les personnes pauvres et défavorisées les plus innocentes - femmes, enfants, hommes âgés - sont toujours perdantes. J’ai été témoin de la misère et des souffrances prolongées de ces gens en RDC et c’est absolument déchirant. » Mujahid Alam, général de brigade pakistanais à la retraite, qui a participé à des missions de maintien de la paix des Nations unies en RDC et au Kosovo.
Répression d’État
Les armes sont par ailleurs un outil de la répression d’État. Dans trop de pays du monde, les forces de sécurité utilisent des armes à feu contre des manifestants non violents qui ne sont pas armés, ou pour commettre d’autres violations des droits humains.
Traité sur le commerce des armes : un processus de près de quinze ans
1997 : Des lauréats du prix Nobel de la Paix réclament un Code de conduite sur les transferts internationaux d’armes.
Octobre 2003 : Lancement de la campagne « Control Arms », dans plus de 70 pays.
Décembre 2006 : Une écrasante majorité d’États membres de l’ONU (153) vote pour la première fois en faveur d’un processus onusien d’élaboration d’un Traité sur le Commerce des Armes (TCA).
Décembre 2009 : Le principe du TCA (Traité sur le commerce des armes) est définitivement validé par 151 Etats dont les États-Unis jusqu’alors opposés au processus. Une vingtaine d’États (dont la Russie, la Chine, l’Egypte ou encore l’Inde) se sont systématiquement abstenus.
Juillet 2012 : Conférence de négociation finale du TCA aux Nations unies à New York.
Avril 2013 : Adoption du TCA par les Etats-membres de l’ONU
Décembre 2014 : Entrée en vigueur du TCA avec la 50e ratification
Objectif de notre campagne pour la mise en route d’un traité pour le commerce des armes.
L’objectif de la campagne mondiale pour un traité sur le commerce des armes était de mobiliser l’opinion politique internationale afin de faire pression sur les gouvernements et de les convaincre d’adopter un TCA contenant des règles et des définitions communes qui contribueront à protéger les droits humains.
La revendication centrale d’Amnesty International était la présence dans le TCA d’une « règle d’or » interdisant tout transfert d’armes dès lors qu’il existe un risque substantiel que ce matériel serve à commettre ou à faciliter de graves violations du droit international relatif aux droits humains, des crimes de guerre ou toute autre forme de violence armée illégale.
Ampleur du soutien
La plupart des pays de l’Union européenne et d’Amérique latine soutenaient un TCA avec un large champ d’application et des critères de transfert basés sur le droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Nous avions aussi le soutien d’une grande majorité d’États d’Afrique et des Caraïbes, ainsi que de quelques pays d’Asie et du Pacifique, tels que l’Australie, le Japon et la Nouvelle-Zélande. La « règle d’or » d’Amnesty International figurait dans le document proposé par le président des Nations unies en juillet 2012.
Un Traité sur le commerce des armes, et après ? L’action d’Amnesty
L’entrée en vigueur du Traité sur le commerce des armes (TCA), le 24 décembre 2014, constitue une avancée majeure pour les droits humains après deux décennies de travail de campagne mené par Amnesty International et d’autres ONG à travers le monde. Pour la première fois, un traité intègre explicitement les répercussions en termes de droits humains de chaque vente d’armes dans tous les transferts.
Cependant, nous sommes encore loin d’un monde où tous les transferts d’armes seraient contrôlés. Amnesty International continue de faire pression pour que tous les États adoptent le TCA et commencent à appliquer strictement ses dispositions qui peuvent sauver des vies. Les points principaux sur lesquels Amnesty International insiste sont :
- mettre en place des mécanismes pour veiller à ce que les États respectent leurs obligations liées au traité en empêchant les transferts d’armes à quiconque risque de les utiliser pour commettre des violations graves du droit international, notamment des crimes de guerre et d’autres graves violations des droits humains. Les sympathisants de l’organisation appellent les États-Unis, la Chine et d’autres pays dans toutes les régions du monde à ratifier le TCA.
- la transparence dans tous les aspects du TCA, y compris la présentation d’informations exhaustives par les États sur le volume et la gamme de leurs importations et exportations d’armes. La transparence est l’un des principaux objectifs du TCA, sachant que le commerce des armes au niveau international a jusqu’à présent été entouré de secret. Elle joue également un rôle essentiel pour montrer que les États appliquent le Traité, et permettra de mesurer la mise en œuvre du TCA dans la pratique ;
- s’assurer que les ONG sont autorisées à participer de façon significative à tous les processus et réunions relatifs au traité ;
De plus, Amnesty International continue à mettre en évidence des transferts irresponsables d’armes et à démontrer qu’ils contribuent à de graves atteintes aux droits humains. Il s’agit par exemple de cas suivants dont certains sont anciens et d’autres plus actuel :
- les livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite par la région wallonne en Belgique alors même qu’un décret wallon sur les commerces des armes régule et interdit toute exportation vers des pays responsables de crimes de guerre
- des livraisons d’armes prévues depuis les États-Unis vers l’Irak, où l’organisation a relevé de graves atteintes aux droits humains commises au cours des derniers mois
- une importante livraison chinoise d’armes et de munitions au Soudan du Sud, pays en proie au conflit où Amnesty International a constaté des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité
- et une série de pays fournissant des armes légères et de petit calibre au Honduras, État qui, selon les statistiques de l’ONU, présente le plus fort taux d’homicides au monde.