Les deux principales raisons pour lesquelles la torture est pratiquée sont d’une part la conviction qu’ont les gouvernements d’en tirer profit, et d’autre part la persistance d’une culture de l’impunité (le fait que les responsables de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire ne soient pas traduits en justice).
Dans beaucoup de pays, la torture est utilisée non seulement pour faire souffrir la personne qui en est victime, mais aussi pour terroriser les autres – qu’il s’agisse de suspects de droit commun, d’opposants politiques ou de personnes perçues comme des ennemis – afin de les dissuader de commettre des actes que le gouvernement juge contraire à ses intérêts. La torture est souvent utilisée comme un moyen plus rapide d’arracher des « aveux » – la victime étant généralement prête à signer n’importe quoi pour que le supplice s’arrête. Avec la coopération des tribunaux qui ferment les yeux sur cette pratique, la police peut ainsi obtenir rapidement et facilement une inculpation, même si le véritable criminel est encore dans la nature. La torture peut aussi faire partie des habitudes policières destinées à humilier les victimes et à leur extorquer de l’argent.
Dans de nombreuses parties du monde, il est rare que les gouvernements considèrent la torture comme un crime grave aux termes du droit pénal et, à ce titre, mènent des enquêtes, engagent des poursuites et jugent et punissent les responsables. Lorsque des enquêtes sont effectivement ouvertes, elles piétinent généralement du fait de la passivité, de l’inefficacité ou de la complicité des autorités en charge de l’instruction. Les tortionnaires ont rarement à rendre des comptes.
De multiples facteurs font obstacle à la prévention, à l’obligation de rendre des comptes et à la justice. Ainsi, les détenus sont souvent coupés du monde extérieur et ne peuvent pas, en particulier, accéder dans les meilleurs délais aux services d’un avocat ni à des tribunaux indépendants. Le ministère public manque de détermination dans la conduite des enquêtes.
Les victimes craignent les représailles et l’attitude réprobatrice de la société, par exemple en cas de viol. Les rares agents de la force publique qui sont reconnus coupables ne sont condamnés qu’à des peines légères. Il n’existe pas de systèmes indépendants et dotés de moyens suffisants pour le traitement des plaintes et les enquêtes sur les violations présumées.
Les agents de l’État font preuve d’un esprit de corps injustifié et couvrent les actes commis par leurs collègues. Des tortionnaires sont amnistiés ou graciés. Et il n’existe pas de volonté politique de faire changer les choses.
Les personnes privées de liberté sont menacées de torture en l’absence de garanties strictes ou lorsque les garanties sont insuffisantes ou inappliquées.
La torture est très courante en garde à vue et en détention provisoire. Elle peut commencer juste après l’arrestation, voire au moment de l’interpellation – c’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place des garanties dès le départ et de les respecter. Cependant, elle peut survenir à toutes les étapes du séjour de la personne entre les mains des services de police ou de sécurité – depuis son arrestation jusqu’à la fin de sa peine d’emprisonnement.
Le risque de torture est encore plus grand en cas de disparition forcée – pratique qui est elle-même presque toujours une forme de torture pour la personne disparue et de mauvais traitement pour sa famille. Comme la torture, la disparition forcée est interdite en toutes circonstances par le droit international.
Des informations continuent de faire état de personnes détenues dans des lieux non révélés ou dans des centres de détention secrets. Or, toute détention secrète équivaut à une disparition forcée.
La détention sans lien avec le monde extérieur, appelée détention au secret, favorise également la torture et s’apparente à un traitement cruel, inhumain et dégradant, voire à un acte de torture.
En ce qui concerne les violences commises par des personnes privées, les gouvernements ont l’obligation, en vertu du droit international et des normes internationales, de garantir à chacun sans aucune distinction le droit de ne pas subir de torture ni d’autres mauvais traitements. Ils doivent donc protéger toute personne contre les actes de même nature et de même gravité que la torture commis par des acteurs privés, qu’il s’agisse d’individus, de groupes ou d’institutions. Un gouvernement peut donc manquer à ses obligations internationales relatives à la torture et aux mauvais traitements s’il n’agit pas avec la diligence requise pour empêcher, poursuivre et punir des actes tels que la violence domestique ou les agressions racistes.
Obliger les États à rendre compte de leur passivité face aux violences commises par des personnes privées est
indispensable pour défendre les droits des personnes confrontées à la discrimination, comme les femmes, les enfants, les minorités, et les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexuées. Dans un contexte de discriminationinstitutionnelle, les victimes ont d’autant moins de chance de recevoir aide et protection de la part des autorités. Par exemple, dans de nombreux pays, certaines formes de violences contre les femmes ne sont même pas reconnues comme des infractions et, quand elles le sont, elles font rarement l’objet de poursuites déterminées.
Dans un certain nombre de pays, des acteurs non gouvernementaux, tels que des membres de partis politiques ou de groupes armés, commettent des actes de torture.