Les jeunes condamnés à la peine de mort

Des mineurs condamnés à mort

« Il est assez difficile pour un gouvernement de justifier une vengeance légale ou un châtiment infligé à des criminels adultes ; quand il s’agit d’enfants, cela semble dépasser l’entendement... »
(Extrait du rapport 1983 de la Commission des affaires pénales de l’Association américaine des Avocats)

Les conventions qui protègent les mineurs d’âge

Les traités internationaux relatifs aux droits humains interdisent d’appliquer la peine capitale à toute personne qui était âgée de moins de dix-huit ans au moment des faits qui lui sont reprochés.

Cette interdiction est inscrite dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), la Convention américaine relative aux droits de l’homme (1969) qui stipule dans son article 4, alinéa 5 : « La peine de mort ne peut être infligée aux personnes qui, au moment où le crime a été commis, étaient âgées de moins de dix-huit ans ou de plus de soixante-dix ans ; de même elle ne peut être appliquée aux femmes enceintes. » La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) qui a été ratifiée par tous les pays du monde, sauf les États-Unis, stipule dans son article 37 : « Ni la peine capitale, ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération, ne doivent être prononcés pour des infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans ».

En 2005, la Cour Suprême fédérale des États-Unis a déclaré l’exécution de mineurs d’âge (au moment des faits qui leur sont reprochés) contraire à la Constitution. Cependant, des mineurs continuent à être condamnés à l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération, ce qui est contraire à cette Convention internationale des droits de l’enfant, que les États-Unis ont signée en 1995, mais n’ont pas ratifiée.

N.B. : La signature d’un traité affiche l’intention d’un État d’examiner le traité au niveau national et d’envisager de le ratifier. Bien que cette signature ne soit pas une promesse de ratification, elle engage l’État à ne pas commettre d’actes contraires aux objectifs ou à la raison d’être du traité.

Pourquoi cette exclusion des mineurs d’âge ?

« Le recours à la peine de mort est cruel, inhumain et dégradant dans tous les cas, mais il est particulièrement choquant lorsqu’il vient punir un crime commis par une personne qui était mineure au moment des faits, et que cette sentence est prononcée à l’issue d’une procédure qui vide de son sens la justice pour mineurs », a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International (2015).

L’idée que la peine de mort ne doit pas être infligée aux mineurs découle de la reconnaissance du fait qu’ils ne sont pas tout à fait mûrs — donc pas entièrement responsables — et qu’ils sont encore susceptibles de se corriger. Cette idée a fait lentement son chemin et les pays qui exécutent encore des mineurs d’âge (au moment des faits) nient parfois le fait que ces jeunes seraient des mineurs (ex. dans des pays où la date de la naissance n’est pas toujours connue ou enregistrée, comme au Pakistan).

Interdictions dans la loi… et réalité des faits

La majorité des États qui maintiennent la peine capitale pour un certain nombre d’infractions interdisent expressément l’exécution de mineurs délinquants dans leur législation, ou doivent exclure ce type d’exécution puisqu’ils sont parties à l’un ou l’autre de ces traités. Un petit nombre de pays continuent toutefois d’exécuter des mineurs délinquants.

PAKISTAN

Selon l’ONG britannique REPRIEVE, il y aurait plusieurs centaines de mineurs condamnés à mort dans les prisons du Pakistan.
Le Pakistan a procédé à l’exécution d’un mineur en août 2015.
Shafqat Hussain, qui avait été condamné à mort pour enlèvement et homicide involontaire en 2004, a été pendu le 4 août 2015. Il avait été déclaré coupable aux termes de la Loi antiterroriste du Pakistan en dépit du fait qu’aucun lien n’avait été établi entre lui et une quelconque organisation terroriste.
« Un homme dont l’âge reste contesté et dont la déclaration de culpabilité repose sur la torture a payé de sa vie un crime pour lequel la peine de mort ne peut, par ailleurs, pas être prononcée aux termes du droit international. » a déclaré David Griffiths, directeur des recherches pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

IRAN

L’Iran exécute plus de mineurs délinquants que n’importe quel autre pays. Entre 2005 et 2015, Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles au moins 75 personnes mineures au moment des faits qui leur étaient reprochés avaient été exécutées, dont au moins trois en cette année 2015. Plus de 160 mineurs délinquants seraient actuellement sous le coup d’une condamnation à mort à travers le pays.
L’adoption d’un nouveau Code pénal islamique en mai 2013 avait pourtant alimenté l’espoir que la situation s’améliore, mais ce n’est pas le cas. L’article 91 du Code permet aux juges de remplacer la peine capitale par une autre peine s’ils estiment qu’une personne mineure au moment des faits pour lesquels elle est poursuivie n’avait pas conscience de la nature de son crime ou de ses conséquences, ou s’il existe des doutes quant à « son développement et sa maturité psychologiques » au moment des faits.
— Saman Naseem, un jeune homme arrêté à l’âge de 17 ans et torturé pendant une longue garde à vue, a été condamné à mort en 2013. La veille de son exécution en février 2015, il a été transféré dans un lieu non divulgué, une prison (à Zanjan), où il aurait été incarcéré pendant 5 mois, période au cours de laquelle sa famille et ses avocats n’ont reçu aucune information concrète sur le sort qui lui avait été réservé. Au cours de l’été, la Cour suprême a fait droit à la requête de Saman Naseem concernant une révision judiciaire, ce qui signifie que sa déclaration de culpabilité et sa peine sont annulées et qu’il a le droit d’être pleinement rejugé.
Amnesty International a déclaré : « Les autorités iraniennes doivent garantir que Saman Naseem sera rejugé dans le cadre d’un procès équitable, qui ne repose pas sur des preuves arrachées sous la torture et ne se solde pas par une condamnation à la peine capitale. »
— Fatemeh Salbehi a été pendue le 13 octobre 2015.
Le procès et la procédure d’appel de la jeune femme ont présenté de graves failles. Elle avait été condamnée à mort en mai 2010 pour le meurtre de son mari, Hamed Sadeghi, âgé de 30 ans, qu’elle avait été forcée à épouser à l’âge de 16 ans.
Dans un autre cas, Samad Zahabi, lui aussi un mineur au moment des faits concernés, a été pendu en secret quelques jours avant Fatemeh Salbehi, pour avoir tué un camarade berger alors qu’ils se disputaient pour savoir qui devait faire paître leurs moutons.

ARABIE SAOUDITE

L’Arabie saoudite a condamné à mort trois jeunes gens : Ali Mohammed Baqir al-Nimr, Dawood Hussein al-Marhoon et Abdullah Hasan al-Zaher, membres de la minorité chiite, pour avoir participé à des manifestations contre le gouvernement. Ils ont tous les trois été arrêtés en 2012, alors qu’ils n’avaient pas atteint l’âge de 18 ans et ont été condamnés à mort en 2014.
Ali al Nimr a été arrêté le 14 février 2012, alors qu’il avait 17 ans. Le Tribunal pénal spécial de Djedda l’a condamné après l’avoir déclaré coupable de 12 infractions, notamment de participation à des manifestations contre le gouvernement.
Amnesty International a demandé aux autorités d’annuler la condamnation à mort d’Ali al Nimr, prononcée à l’issue d’un procès manifestement inique et fondée sur des « aveux » qui, selon Ali al Nimr, lui ont été extorqués sous la torture.

Une avancée positive ? Au mois d’avril 2020, un arrêté royal a prononcé l’interdiction de la peine de mort en Arabie Saoudite pour les individus dits coupables pour des crimes commis alors qu’ils n’étaient que mineurs. Néanmoins, une exception a été posée pour les crimes liés au « terrorisme », un motif parfois vague et abusivement utilisé par les autorités.

A ce jour, Ali, Dawood et Abdullah sont ainsi toujours sous le coup d’une condamnation à la peine capitale.

Autres pays

Le rapport annuel d’Amnesty International sur la peine de mort en 2019 rapporte également le cas d’une exécution d’un mineur au Soudan du Sud. Précédemment, le Yemen avait procédé à l’exécution d’un mineur, Fuad Ahmed Ali Abdulla, en janvier 2012.

Au nord du Nigéria, Wasilat Tasi’u, une jeune fille de 14 ans, analphabète, qui était accusée d’avoir empoisonné son mari, de 20 ans son aîné, un homme qu’elle avait été forcée à épouser, encourait la peine de mort en novembre 2014. Cependant, le Nigéria n’aurait plus exécuté de mineurs d’âge depuis 1997.

STATISTIQUES SUR LES EXÉCUTIONS DE PERSONNES QUI ÉTAIENT MINEURES AU MOMENT DES FAITS ENTRE 1990 ET 2021

Dans le document joint ci-dessous, le premier tableau donne des statistiques sur les exécutions de personnes mineures au moment des faits, qui ont été recensées par Amnesty International depuis 1990. Le deuxième tableau donne des détails sur les cas.

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