Azerbaïdjan. Poursuite sans relâche des persécutions contre un journal d’opposition

DÉCLARATION PUBLIQUE

EUR 55/004/2008

Amnesty International est profondément préoccupée par la politique persistante d’agressions, de harcèlement et d’actions en justice contestables intentées contre le journal d’opposition Azadl ?q (Liberté), son personnel et ses associés. Malgré les assurances contraires données par les représentants de l’État, les agressions et procès de journalistes ne diminuent pas en Azerbaïdjan. Par ailleurs, il n’y a pas eu de poursuites en justice après les agressions graves dont ont victimes en 2006 et 2007 des journalistes (notamment des correspondants d’Azadliq). Ces atteintes aux droits humains et le climat d’impunité qui les encourage jette un doute sur l’engagement des autorités azerbaïdjanaises à garantir la liberté d’expression pendant la période précédant l’élection présidentielle en octobre de cette année.

Un journaliste d’Azadliq poignardé

Amnesty International est très inquiète après l’agression dont a été victime Agil Xilalov, correspondant d’Azadl ?q, poignardé au moment où il quittait les locaux du journal le 13 mars en fin d’après-midi. Accosté par quatre inconnus, il a été poignardé au thorax. Ses blessures seraient graves mais sa vie ne serait pas en danger. Agil Xilalov pense avoir été pris pour cible en raison du journalisme d’investigation qu’il pratique et des articles dans lesquels il dénonce l’implication présumée de fonctionnaires dans des transactions immobilières illégales. Agil Xilalov avait déjà été agressé moins d’un mois auparavant, le 22 février, alors qu’il filmait un abattage d’arbres signalé comme illégal, dans un parc de la capitale Bakou. Des habitants du quartier venus à l’aide d’Agil Xilalov ont déclaré avoir reconnu dans ses agresseurs des fonctionnaires locaux. Bien que l’affaire ait été signalée à la police, aucun dossier n’avait encore été ouvert au pénal à la date du 20 mars.

Amnesty International appelle les autorités azerbaïdjanaises à agir fermement pour lutter contre le climat d’impunité dont bénéficient les auteurs d’agressions envers des journalistes et à mener dans les meilleurs délais une enquête impartiale et indépendante sur les deux agressions dont a été victime Agil Xilalov.

Un rédacteur en chef emprisonné
Le 7 mars, Qanimat Zahid, rédacteur en chef du journal Azadl ?q, a été condamné à quatre années d’emprisonnement pour “hooliganisme aggravé” et “coups et blessures”. Selon Amnesty International, les épisodes précédents de harcèlement dont a été victime Qanimat Zahid, la conduite de son procès et sa condamnation font penser à une tentative concertée de la part des autorités azerbaïdjanaises de réduire au silence une voix critique de l’opposition.

Qanimat Zahid a été arrêté le 10 novembre 2007 pour hooliganisme et violences. Il aurait insulté une passante devant les locaux de sa rédaction. Après une altercation avec cette femme, identifiée par la suite comme étant Sevgilade Quliyeva, il aurait blessé légèrement l’homme qui était avec elle, dont l’identité a ensuite été révélée comme étant celle de Vüsal Hasanov. Qanimat Zahid nie toutes les accusations contre lui.

Amnesty International s’inquiète des informations qui lui sont parvenues, selon lesquelles le procès de Qanimat Zahid n’aurait pas été mené conformément aux normes internationales d’équité des procès. L’avocat de Qanimat Zahid, Elçin Sadigov, a expliqué à Amnesty International que toutes ses demandes de preuve avaient été refusées, y compris sa demande de radios étayant les affirmations de fractures dont aurait eu à souffrir Vüsal Hasanov et le relevé des communications par téléphones portables qu’auraient échangées Vüsal Hasanov et Sevgilade Quliyeva le jour de l’affaire. Elçin Sadigov a également indiqué que le témoignage de témoins clés pour la défense, remettant en question les affirmations de l’accusation, n’avait pas été autorisé par le juge. Vüsal Hasanov a été condamné à dix-huit mois d’emprisonnement pour hooliganisme ; Amnesty International n’a pas pu vérifier les affirmations selon lesquelles Vüsal Hasanov serait policier ou ancien policier. La peine a été prononcée le 7 mars, lors d’une audience non annoncée, dont ni les proches de Qanimat Zahid ni ses avocats n’avaient été informés.

Selon Qanimat Zahid, son arrestation a été décidée en représailles aux articles qu’il avait publiés, dans lesquels il dénonçait la corruption pratiquée par des membres de la famille du président Ilham Aliyev. Le frère de Qanimat Zahid, Sakit Zahidov, journaliste satirique à Azadl ?q, purge actuellement une peine de trois années d’emprisonnement pour usage de stupéfiants, ce qui n’a pas été prouvé de façon certaine à son procès.

Les procès des deux frères contribuent à accroître l’inquiétude face à ce qui apparaît comme une volonté des autorités azerbaïdjanaises de passer d’accusations de diffamation, largement critiquées par les organisations gouvernementales internationales et de défense des droits humains à un type d’accusations plus graves visant à faire taire les journalistes critiques. Le terrorisme, l’incitation à la haine interethnique et l’acceptation de pots-de-vin font partie des accusations lancées contre des journalistes d’opposition au cours de l’année passée et qui sont passibles de peines plus longues que les accusations de diffamation.


Azadl ?q – une politique de persécution

Le journal Azadl ?q a été sanctionné à plusieurs reprises, après avoir été accusé de diffamation par des représentants de l’État pour des articles, publiés par le journal, faisant état de corruption et autres malversations officielles. En mars 2006, Fikret Hüseynli, correspondant d’Azadl ?q, a été enlevé par des inconnus, battu et laissé pour mort dans la banlieue de Bakou. Il souffrait de fractures et avait été poignardé au niveau du cou. En octobre 2006, Azadl ?q et plusieurs médias indépendants ont été expulsés de leurs locaux dans la capitale Bakou après une plainte non corroborée déposée par le Comité pour la propriété d’État. En décembre 2006, Nicat Hüseynov, correspondant d’Azadl ?q, a été agressé devant chez lui à Bakou par des inconnus qui l’ont jeté à terre, battu et poignardé.

Amnesty International a reçu de nouvelles informations selon lesquelles la maison d’édition dans laquelle sont imprimés le journal Azadl ?q et plusieurs autres médias indépendants critiques du gouvernement en place avait fait l’objet d’un contrôle fiscal inopiné en janvier 2008. Dans un contexte dans lequel les inspections menées par différents organismes d’État ont été utilisées pour faire taire les médias d’opposition, comme ce fut le cas de journaux disparus aujourd’hui tels que Realny Azerbaydzhan (L’Azerbaïdjan réel) et Gündelik Azerbaycan (Le Quotidien d’Azerbaïdjan) Amnesty International craint que de telles inspections ne visent à intimider les médias d’opposition.

Pour plus d’informations, voir Azerbaijan : Mixed messages on freedom of expression (index AI : EUR 55/002/2008).

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