Colombie. Les responsables d’atteintes aux droits humains ne doivent pas être protégés contre la justice

ÉFAI-11 juin 2010

Le gouvernement colombien ne doit pas protéger les membres de l’armée contre des poursuites pour violations des droits humains, a déclaré Amnesty International vendredi 11 juin.

Le 10 juin, le président colombien Álvaro Uribe et le haut commandement militaire ont demandé que les membres des forces armées ne puissent pas être poursuivis devant des juridictions civiles. Cet appel est intervenu après qu’une juge civile a condamné, mercredi 9 juin, le colonel à la retraite Alfonso Plazas Vega pour la disparition de 11 personnes au cours du siège du Palais de justice de Bogotá, en 1985, qui a fait plus de 100 morts.

« Le fait de protéger les forces de sécurité contre les poursuites rendrait dérisoires les déclarations du gouvernement affirmant qu’il souhaite véritablement combattre l’impunité et respecter l’obligation internationale qu’il a de traduire en justice tous les responsables présumés de violation des droits humains », a déclaré Marcelo Pollack, chargé des recherches sur la Colombie au sein d’Amnesty International.

Le colonel à la retraite Luis Alfonso Plazas Vega a été condamné à 30 ans de prison pour son rôle dans des disparitions qui ont eu lieu en novembre 1985, après la prise d’assaut par l’armée du Palais de justice de Bogotá, où des membres du Mouvement du 19 avril (M-19), un groupe de guérilleros, avaient pris en otages les personnes qui se trouvaient à l’intérieur.

Défendant cet officier supérieur de l’armée, le président Álvaro Uribe aurait déclaré jeudi 10 juin que le colonel « essayait simplement de faire son devoir » et aurait suggéré que le système judiciaire militaire devrait être renforcé pour éviter de telles condamnations à l’avenir.

Malgré les recommandations répétées de la part d’organismes internationaux de défense des droits humains pour que de telles affaires fassent l’objet d’une procédure civile, et bien que la Cour constitutionnelle se soit prononcée en ce sens en 1997, les tribunaux militaires tentent toujours de se saisir de certaines affaires liées aux droits humains, protégeant ainsi les membres des forces de sécurité contre les poursuites.

« Plusieurs militaires haut gradés ont fait l’objet, au cours des dernières années, d’enquêtes dirigées par des tribunaux civils malgré les réticences de l’armée face à ces juridictions » a indiqué Marcelo Pollack.

« Mais les quelques progrès réalisés jusqu’ici risquent désormais vraiment d’être fragilisés par le gouvernement. »

« Les critiques excessives sur la décision de condamner le colonel à la retraite Alfonso Plazas Vega, exprimées par le gouvernement et le haut commandement de l’armée auprès d’un large public, ne sont que la tentative la plus récente, parmi tant d’autres, de la part des autorités pour discréditer la magistrature et faire échouer une information judiciaire essentielle en matière de droits humains. »

« Les attaques répétées portant sur l’intégrité des magistrats de la Cour suprême, en particulier, menacent l’indépendance du pouvoir judiciaire et l’état de droit. »

« Des juges tels que María Stella Jara Gutiérrez, qui a condamné Alfonso Plazas Vega, et les magistrats de la Cour suprême, qui ont dirigé l’enquête sur les liens entre des membres du Congrès et des groupes paramilitaires, œuvrent sans relâche pour abattre le mur de l’impunité » a déclaré Marcelo Pollack.

Certaines des personnes impliquées dans des enquêtes emblématiques sur des violations des droits humains commises par des membres des forces de sécurité, telles que des témoins, des victimes et leur famille, des avocats, des défenseurs des droits humains, des juges ou des procureurs, sont souvent harcelées, menacées, voire tuées.

« Le combat contre l’impunité en Colombie est une activité dangereuse. Les menaces de mort à répétition contre María Stella Jara Gutiérrez et les menaces contre plusieurs magistrats de la Cour suprême ainsi que les informations indiquant qu’ils ont été illégalement surveillés et mis sur écoute sont particulièrement préoccupantes et devraient être condamnées sans équivoque, » a affirmé Marcelo Pollack.

La Commission interaméricaine des droits de l’homme a réclamé que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour protéger María Stella Jara Gutiérrez et son fils. Par le passé, la Commission avait émis une requête similaire pour plusieurs magistrats de la Cour suprême.

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