Conférence ministérielle africaine sur le logement et le développement urbain : pas d’urbanisation durable au mépris des droits humains

DÉCLARATION PUBLIQUE

ÉFAI

19 novembre 2010

Index AI : AFR 01/008/2010

Amnesty International appelle les participants à la Conférence ministérielle africaine sur le logement et le développement urbain à déterminer des actions concrètes visant à garantir une sécurité d’occupation à toutes les personnes vivant dans les bidonvilles et les quartiers informels d’Afrique et à les protéger des expulsions forcées.

Selon ONU-Habitat, 60 % des nombreuses villes africaines sont composées de bidonvilles, fondés pour la plupart sur des arrangements fonciers informels. Comme les habitants de ces quartiers ne jouissent d’aucune sécurité d’occupation, ils sont susceptibles d’être expulsés de force et de subir d’autres types de violations des droits humains.

À travers l’Afrique, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vivant dans des bidonvilles et des quartiers informels peuvent être expulsés à tout moment sans notification suffisante ni consultation préalable et sans se voir proposer une solution de relogement.
Amnesty International a récemment attiré l’attention sur le fait que plus de 200 000 Nigérians risquaient d’être expulsés de force et de se retrouver sans abri car les autorités envisageaient de démolir toutes les zones situées sur le front de mer de Port Harcourt. Le gouvernement n’a pas prévu de solution de relogement pour les centaines de milliers de personnes qui n’auront plus d’habitation. Beaucoup d’entre elles vont perdre leurs moyens de subsistance et sombrer encore davantage dans la pauvreté.
De même, environ 10 000 personnes risquent d’être expulsées de force d’Ambatta, un quartier de N’Djamena, la capitale du Tchad. Les autorités ne leur ont pas proposé de nouveau logement ni d’indemnisation. Certaines personnes vivent à Ambatta depuis plus de 20 ans. La plupart des habitants ont des emplois faiblement rémunérés, notamment dans l’enseignement ou le domaine associatif, et n’auront pas d’autre endroit où s’installer si leur maison est détruite.

La population de Nairobi occupe majoritairement des logements précaires dans des quartiers informels et des bidonvilles. Comme ces zones n’ont jamais été intégrées aux plans ni aux budgets d’urbanisme, les personnes qui y vivent disposent d’un accès extrêmement limité à l’eau salubre, aux installations sanitaires, aux soins médicaux, à l’éducation et aux autres services publics essentiels. Les autorités ne contraignent pas les propriétaires – normalement tenus de prévoir des installations sanitaires – à respecter leurs obligations légales et, selon les informations recueillies par Amnesty International, les femmes et les filles en sont les principales victimes. En effet, lorsque les toilettes et les salles de bain sont précaires ou difficiles d’accès, ces personnes sont encore plus exposées au risque de subir un viol ou d’autres formes de violences liées au genre. À cela s’ajoutent l’insécurité et l’absence généralisée de dispositifs efficaces de maintien de l’ordre.

Il ne peut y avoir d’urbanisation durable si un grand nombre de personnes vivant au sein des villes ne jouissent d’aucune sécurité d’occupation, peuvent être expulsées de force à tout moment, habitent dans des logements extrêmement précaires et ne disposent, tout au plus, que d’un accès limité aux services publics.

Amnesty International se félicite du fait que l’aide-mémoire de la Conférence est axé sur la sécurité d’occupation, considérée comme un élément crucial de la durabilité de l’habitat humain. L’organisation se réjouit aussi du fait que le genre et les droits fonciers, ainsi que la nécessité d’une gestion foncière novatrice en vue de proposer des logements abordables, sont au cœur des préoccupations. Les mesures essentielles pour réaliser ces objectifs correspondent en grande partie à celles que les gouvernements sont déjà tenus de prendre afin de concrétiser le droit à un logement décent, conformément aux traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains.
Amnesty International exhorte donc la troisième Conférence ministérielle africaine sur le logement et le développement urbain (AMCHUD) à appeler tous les gouvernements d’Afrique à promouvoir l’urbanisation durable en respectant, protégeant et concrétisant le droit à un logement décent. En particulier, l’organisation lui demande d’inviter les États à :

• prendre des mesures immédiates afin de garantir un degré minimum de sécurité d’occupation à toutes les personnes qui ne bénéficient pas d’une telle protection, en consultant véritablement les populations concernées ;

• faire cesser les expulsions forcées et adopter des directives relatives aux expulsions qui soient conformes au droit international en matière de droits humains et qui reposent sur les Principes de base et directives des Nations unies sur les expulsions forcées et les déplacements liés au développement ;

• veiller à ce que les habitants des bidonvilles aient accès, au même titre que le reste de la population, à l’eau, aux installations sanitaires, aux soins médicaux, au logement, à l’éducation, et à ce que le maintien de l’ordre dans ces quartiers s’effectue dans le respect des droits humains ;

• garantir la participation active des personnes vivant dans des bidonvilles aux processus de revalorisation, de planification et de budgétisation qui ont un impact sur leur vie ;

• lutter contre la discrimination dont sont victimes les femmes quant à l’accès au logement et aux terrains.

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