Zimbabwe. Il est urgent de réformer le secteur de la sécurité pour mettre fin aux atteintes aux droits humains

Déclaration publique

Index AI : AFR 46/002/2011-
ÉFAI-
11 février 2011

À l’occasion du deuxième anniversaire du gouvernement d’union nationale, Amnesty International exhorte cette coalition qui dirige le Zimbabwe à prendre des mesures à l’égard des atteintes persistantes aux droits humains et à engager des réformes dans le secteur de la sécurité et les médias.

Deux ans après la création du gouvernement d’union nationale au Zimbabwe, l’organisation est préoccupée par le manque de progression de la mise en œuvre de réformes capitales pour faire face aux atteintes aux droits humains passées et actuelles.

L’espoir d’assister à la fin d’une décennie d’atteintes aux droits humains, suscité par la formation de ce gouvernement il y a deux ans, s’amenuise rapidement et a été remplacé par la peur et l’instabilité tandis que l’on parle d’une nouvelle élection en 2011.

Ces dernières semaines à Harare, des sympathisants de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), parti du président Robert Mugabe, se sont livrés à des actes de violence à l’encontre de partisans supposés de la branche du Mouvement pour le changement démocratique dirigée par le Premier ministre Morgan Tsvangirai (MDC-T), avec l’approbation tacite de la police.

Le 21 janvier 2011, des délégués d’Amnesty International ont ainsi vu des sympathisants de la ZANU-PF qui manifestaient à l’hôtel de ville de Harare frapper des personnes en présence de policiers antiémeutes. Un lycéen a été roué de coups par la foule pour avoir pris une photo, tandis qu’une jeune femme portant un tee-shirt du MDC-T a été battue et déshabillée. Les policiers antiémeutes qui surveillaient la « manifestation » ne sont pas intervenus pour aider les victimes. Ces deux personnes ont été gravement blessées et ont dû recevoir des soins médicaux.

Il est de notoriété publique que les sympathisants de la ZANU-PF qui ont recours à la violence contre de simples citoyens ou des personnes qu’ils supposent être leurs opposants politiques sont à l’abri de la justice. La police continue d’appliquer la loi de manière sélective, en fermant les yeux sur les atteintes aux droits humains commises par les partisans de la ZANU-PF tout en limitant les activités des organisations de défense des droits humains et des autres partis politiques.

Amnesty International a reçu des informations provenant de Mbare, une banlieue de Harare densément peuplée, où des sympathisants du MDC-T ont été attaqués et, pour certains, expulsés de force de leur domicile par des partisans de la ZANU-PF. La police n’a pas protégé les personnes agressées et a même arrêté les victimes qui sont venues signaler les faits.

Dans les zones rurales, des milliers d’habitants vivent dans la peur de la violence tandis qu’il se dit que le pays pourrait organiser une nouvelle élection cette année. Des réformes concrètes doivent être engagées de toute urgence dans le secteur de la sécurité, avant que la prochaine élection n’ait lieu. Les services de sécurité qui sont à l’origine des violences politiques de 2008 restent intacts.

Amnesty International est inquiète de la poursuite des arrestations arbitraires et des détentions illégales de militants des droits humains qui mènent leurs activités légitimes, protégées par le droit international relatif aux droits humains. Mercredi 9 février, le directeur du Forum des ONG de défense des droits humains du Zimbabwe et deux membres de son personnel ont été arrêtés par l’unité de la police nationale chargée du maintien de l’ordre et placés en détention au commissariat central de Harare pour avoir réalisé une étude sur la justice de transition.

Il faut réformer le secteur de la sécurité au Zimbabwe pour en finir avec le maintien de l’ordre partisan et les abus de pouvoir à des fins politiques.

Bien que la stabilisation de l’économie ait progressé depuis la création du gouvernement d’union nationale, la persistance des violations des droits civils et politiques compromet la capacité du pays à poursuivre ces avancées.

Amnesty International déplore également que, deux ans après la formation de ce gouvernement, aucune autorisation de radiodiffusion n’ait été délivrée par les autorités malgré les promesses de garantir une plus grande liberté d’expression. Les professionnels des médias continuent d’être la cible d’arrestations et de violences. Le 7 février, dans le quartier d’affaires du centre de Harare, des sympathisants présumés de la ZANU-PF ont passé à tabac des vendeurs du journal indépendant Newsday.

Amnesty International a exhorté les trois principaux responsables du gouvernement d’union, en particulier le président Robert Mugabe, dont le parti, la ZANU-PF, dirige de fait les forces de sécurité (y compris la police), à agir contre les violations des droits humains commises par des agents de ces services et à engager des réformes pour faire face à l’impunité de longue date, en mettant en place un organisme indépendant chargé d’enquêter sur ces violations et en amenant leurs auteurs présumés à rendre compte de leurs actes.

Le gouvernement doit en outre appliquer pleinement l’article 12-1(b) de l’Accord politique global, qui prévoit des programmes et des ateliers de formation destinés aux policiers et aux autres agents des forces de l’ordre.

Une partie des problèmes que rencontre actuellement le Zimbabwe en matière de droits humains est directement liée à la faiblesse du mécanisme de surveillance mis en place par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine (UA), garants de l’accord qui a abouti à la création du gouvernement d’union. Malgré les nombreuses visites à Harare de membres de l’équipe de médiation dirigée par le président sud-africain Jacob Zuma, aucun progrès notable n’a été réalisé dans la mise en œuvre de réformes essentielles visant à assurer la paix et la sécurité dans le pays.

La SADC et l’UA manquent chaque occasion de mettre un terme aux atteintes aux droits humains au Zimbabwe. Le mécanisme de surveillance se révèle insuffisant car il n’empêche pas les querelles politiques de se poursuivre, au détriment des réformes qui auraient entraîné un plus grand respect des droits humains et permis que la prochaine élection au Zimbabwe se déroule sans violence.

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