Belgique : « Anniversaire noir » devant l’ambassade de Turquie

  • À Bruxelles, un « anniversaire noir » devant l’ambassade de Turquie
  • Des manifestations à travers le monde commémorent ce « jalon honteux » pour les #Istanbul10
  • Les militants encourent 15 ans de prison sur la base d’accusations de terrorisme forgées de toutes pièces

Ce jeudi 12 octobre, à l’occasion de l’anniversaire d’Idil Eser (le 14 octobre), la directrice de la section turque d’Amnesty International, et du 100e jour qu’elle passe derrière les barreaux, une centaine de militants d’Amnesty International, vêtus et maquillés de noir, ont installé un décor de fête d’anniversaire entièrement noir devant l’ambassade de Turquie, à laquelle ils ont remis une pétition signée par quelque 17 000 personnes en Belgique.

« Bien qu’elle n’a commis aucun crime, Idil passera son anniversaire dans une prison turque extrêmement sécurisée. Tout comme neuf autres défenseurs des droits humains et le président de la section turque d’Amnesty International, Taner Kiliç, également incarcérés. Leur seul tort est de s’être engagés en faveur des droits humains et, pour cela, ils paient le prix fort », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

« Partout dans le monde, nous “fêtons” l’anniversaire d’Idil, mais sans elle, malheureusement. À cette occasion, nous voulons lui offrir le plus beau cadeau qui soit : sa liberté. Pour cela, nous continuerons à nous mobiliser tant qu’il le faudra ».

İdil Eser, la directrice d’Amnesty Turquie, et neuf autres militants ont été arrêtés le 5 juillet, tandis que le président d’Amnesty International Turquie, Taner Kılıç, a été arrêté un mois plus tôt. Le 4 octobre, le parquet a déposé un acte d’inculpation réclamant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement pour les 11 défenseurs des droits humains sur la base d’accusations de terrorisme absurdes et forgées de toutes pièces.

« Il y a cent jours, nos collègues ont été emprisonnés pour avoir défendu les droits humains. Chaque jour qui passe révèle un peu plus la portée énorme de la répression qui sévit depuis la tentative de coup d’état, ainsi que les graves failles du système judiciaire en Turquie », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe d’Amnesty International.

«  Cet acte d’accusation est un mélange toxique de sous-entendus et de mensonges qui ne résiste pas au moindre examen. Il répète des allégations ridicules et contradictoires qui n’ont pas leur place au sein de tout tribunal qui se respecte.  »

Trois mois plus tard, et de manière tout à fait prévisible, l’enquête n’est pas parvenue à fournir le moindre élément de preuve à charge qui permettrait de corroborer les accusations fantasques du parquet. De même, elle n’a pas démontré que la soi-disant réunion secrète de Buyukada avait un quelconque lien avec le terrorisme.

Les militants sont accusés d’avoir aidé diverses « organisations terroristes armées » aux idéologies diamétralement opposées et ils encourent jusqu’à 15 ans de prison. Parmi les accusations qui pèsent contre eux, des allégations étranges affirment que des activités de défense des droits humains classiques, comme le fait de demander la fin de la vente de gaz lacrymogène, de déposer une demande de subvention, ou de faire campagne pour la libération de professeurs en grève de la faim, auraient été menées à la demande d’organisations terroristes.

Certaines des accusations pesant contre İdil sont basées sur des documents et des communications publiques d’Amnesty International qui datent d’avant sa nomination au sein de l’organisation.

Dans les prochains jours, des militants d’Amnesty International dans plus de 25 pays vont organiser plus de 200 fêtes et manifestations pour marquer l’anniversaire d’İdil. Ces événements iront de la fête d’anniversaire au Parlement européen à une conférence de presse dans une reconstitution de prison à Madrid. Des silhouettes en papier d’Idil à taille réelle seront présentes lors de ces événements afin de souligner son absence.

« L’interpellation des défenseurs des droits humains avait clairement pour but d’envoyer un message, pour signifier que la contestation ne saurait être tolérée. Mais le courage d’İdil Eser et de ses collègues, ainsi que le soutien qu’ils ont reçu à travers le monde ont envoyé un bien meilleur message : les voix critiques ne peuvent pas être réduites au silence », a déclaré John Dalhuisen.

« Les autorités turques doivent libérer immédiatement et inconditionnellement les défenseurs emprisonnés, et mettre fin à la répression brutale qui ravage le pays depuis la tentative de coup d’état. »

Complément d’information

Les 10 d’Istanbul participaient à un atelier sur le bien-être et la sécurité informatique le 5 juillet, lorsque la police a fait irruption dans le bâtiment et les a tous arrêtés. Ils ont été maintenus en détention au quartier général de la police d’Istanbul jusqu’au 18 juillet, lorsqu’ils ont été présentés à un juge suite à la demande du parquet, qui souhaitait qu’ils soient envoyés en prison dans l’attente de leur procès.

Les huit défenseurs des droits humains en détention sont İdil Eser, d’Amnesty International, Günal Kurşun, avocat à la Human Rights Agenda Association, Özlem Dalkıran, de Citizens’ Assembly, Veli Acu, de la Human Rights Agenda Association, Ali Gharavi, un consultant en stratégie informatique, Peter Steudtner, un formateur en bien-être et en non-violence, İlknur Üstün, de la Women’s Coalition, et Nalan Erkem, avocate à Citizens Assembly. Deux autres défenseurs des droits humains arrêtés en même temps ont été libérés sous caution. Il s’agit de Şeyhmus Özbekli (Rights Initiative) et de Nejat Taştan (Association for Monitoring Equal Rights).

Taner Kılıç, le président d’Amnesty International Turquie, a été arrêté le 6 juin et accusé d’être un membre de l’« organisation terroriste Fethullah Gülen », sur la base de l’allégation sans aucun fondement qu’il aurait téléchargé Bylock, une application de messagerie mobile sécurisée.

Témoignages

« J’ai fait le choix de travailler sur les droits humains ; je suis prête à en payer le prix et je n’ai pas peur Mon séjour en prison a encore renforcé ma détermination à défendre mes valeurs. Je ne les sacrifierai pas » Idil Eser (8/19/17)

« Nous voulons que les femmes sortent de la pauvreté et de la misère. Nous voulons qu’elles aient accès à l’éducation et qu’elles ne soient pas victimes de violences ni de viols. Si c’est un crime, alors nous sommes coupables, mais c’est un crime que nous continuerons à commettre. » İlknur Üstün (août 2017).

« J’apprécie la mobilisation nationale et internationale en notre faveur ; elle nous redonne le moral, à nous qui sommes en détention et aux autres défenseurs des droits humains. Je ne me suis jamais autant sentie appartenir à une famille qu’aujourd’hui. Je suis si heureuse que vous existiez, que nous existions tous. » Özlem Dalkıran (octobre 2017)

« Il est important pour moi que la Turquie en tant que pays et la population turque ne soient pas tenues responsables de notre situation politique et juridique. Engageons-nous donc ensemble sur la voie non violente des droits humains ! » Peter Steudtner (septembre 2017)

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