L’accord de gouvernement suscite de fortes inquiétudes en Belgique

À la suite de la publication de l’accord de coalition fédérale par le nouveau gouvernement, Amnesty International exprime à l’égard de plusieurs points de différents chapitres de profondes inquiétudes.

Affaires étrangères

Amnesty International salue l’importance réaffirmée de l’attachement de la Belgique au droit international, aux droits humains et à la lutte contre l’impunité. L’organisation appelle à une mise en oeuvre concrète et cohérente de ces principes dans l’ensemble de la politique étrangère de la Belgique, notamment pour éviter tout « deux poids, deux mesures ».

« Si la Belgique veut demeurer crédible à ce sujet, le nouveau gouvernement devra faire preuve du même niveau d’ambition à l’encontre de toutes les autorités et de tous les individus suspectés de s’être rendus coupables de violations du droit international pour que des comptes soient rendus. Le soutien bienvenu à l’enquête de la Cour pénale internationale concernant les crimes commis par la Russie dans le cadre de sa guerre d’agression contre l’Ukraine devrait trouver ainsi son équivalent dans les efforts déployés pour atteindre les mêmes objectifs en ce qui concerne les violations du droit international commises ailleurs, comme en Israël et dans le territoire occupé de Palestine », explique Carine Thibaut, directrice de la section belge francophone d’Amnesty International.

Asile et migration

En ce qui concerne l’asile et la migration, Amnesty International s’inquiète vivement de voir le nouveau gouvernement opter pour une approche privilégiant une régression dramatique des droits des personnes en quête de protection internationale.

« Nous sommes catastrophé·es par l’accent mis par le nouveau gouvernement sur la nécessité de réduire “structurellement” le nombre d’arrivées sur le territoire. Cette volonté risque d’affaiblir le principe fondamental voulant que toute personne est en droit de demander l’asile, quelle que soit la façon dont elle est entrée sur le territoire. Il est par ailleurs dangereux d’envisager la fermeture de voies d’accès sûres et légales à la protection internationale, telles que la réinstallation et le regroupement familial », indique Carine Thibaut.

Amnesty International est également stupéfaite de ne voir figurer dans l’accord de coalition fédérale aucune trace de solution pour régler la crise de l’accueil des personnes demandeuses d’asile. Depuis plus de trois ans, les autorités belges font en effet le choix de ne pas donner à ces personnes les abris et les services de base auxquels ces personnes ont droit, les contraignant à survivre dans des situations qui portent gravement atteinte à leur dignité et à leurs droits humains.

« Alors que la priorité devrait être la proposition d’une réelle solution à cette crise des droits humains qui dure depuis bien trop longtemps, le nouveau gouvernement vise complètement à côté de la cible en pensant déjà à réduire le nombre de places disponibles, misant sur une réduction du nombre de demandeur·euses d’asile. C’est à la fois insensé et irresponsable compte tenu de la gravité de la situation actuelle, mais également au regard des défis que pose l’état de plusieurs régions du monde déchirées par des conflits ou de profondes crises des droits humains », dénonce Carine Thibaut.

Autre motif d’inquiétude pour l’organisation, la volonté marquée de recourir à des moyens de transférer le traitement des demandes d’asile vers des pays extérieurs à l’Union européenne. « Une tendance incompatible avec le droit européen et international, mais que l’on voit se développer à l’échelle européenne, à l’instar du protocole signé entre l’Italie et l’Albanie », précise Carine Thibaut.

« Plutôt que de concentrer ses efforts sur les moyens d’éviter que des personnes en quête de protection arrivent dans notre pays et de s’attaquer aux droits de celles qui y sont déjà, le gouvernement devrait se montrer à la hauteur de sa phrase indiquant que “le droit à l’asile et à la protection est fondamental” en adoptant une politique respectant réellement le droit international. Cela passerait notamment par l’établissement de voies sûres et légales pour venir en Europe et en Belgique et par la recherche de réelles solutions pour régler la crise qui contraint notamment plus de 2 200 personnes en quête de protection internationale à vivre dans la rue par tous les temps. »

Droit à l’avortement

Concernant le droit à l’avortement, Amnesty International prend acte du fait que « le débat sociétal [se poursuivra] sur la base du rapport du comité d’experts », mais rappelle que le statu quo dans l’attente d’une modification de la législation – qui ne pourrait être que au minimum conforme aux recommandations dudit rapport – nuit à toutes les personnes qui souhaitent avorter en Belgique.

« Ce statu quo est par ailleurs incompréhensible. Le rapport du comité d’experts est paru il y a près de deux ans. Il n’est plus question de débattre, mais d’avancer de manière décisive et au plus vite », insiste Carine Thibaut.

Amnesty International, tout comme ses partenaires de la plateforme nationale d’organisations actives pour la défense du droit à l’avortement « Abortion Right », continue de militer pour un changement de loi dépénalisant totalement l’avortement, et supprimant toutes les entraves et discriminations qui persistent pour accéder à ce droit.

Lutte contre les discriminations et les violences sexuelles

L’organisation considère comme conforme à ses recommandations la volonté de poursuivre le « déploiement dans tout le pays des centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles », tout comme celle d’assurer le financement des centres « existants et à venir ».

« Ces mesures devront être accompagnées d’une formation obligatoire et continue des forces de police nécessaire pour lutter contre l’impunité persistante des violences basées sur le genre », précise Carine Thibaut.

L’organisation est également satisfaite de lire que le nouveau gouvernement entend lutter contre l’âgisme et s’engager en faveur d’une convention des Nations unies sur les droits des personnes âgées.

Amnesty International voit en outre d’un bon œil l’ambition du nouveau gouvernement d’élaborer un « plan d’action interfédéral ambitieux contre le racisme, la discrimination, la xénophobie, l’antisémitisme, l’islamophobie et l’intolérance ». Il est essentiel que ce plan prenne réellement à bras le corps la lutte contre le racisme institutionnel et structurel, comporte des points d’action spécifiques et mesurables, soit assorti d’un calendrier précis et dispose de budgets suffisants. Amnesty International demande également qu’il soit élaboré en collaboration avec les parties prenantes concernées à chaque étape du processus.

« Au vu des plans budgétaires du nouveau gouvernement, nous insistons pour que les institutions de promotion de l’égalité en Belgique disposent de ressources suffisantes pour remplir leur mission », complète Carine Thibaut.

Droit de protester et reconnaissance faciale

Projet abandonné il y a un an à la suite de la mobilisation des syndicats et associations de la société civile, l’interdiction judiciaire de manifester se retrouve dans l’accord de coalition fédérale, ce qui constitue un grave motif d’inquiétude pour Amnesty International.

« Il s’agit là d’un clair et intolérable retour en arrière. Ce retour de l’interdiction judiciaire de manifester constitue une menace pour le droit à la liberté d’expression et le droit de protester, pourtant identifiés comme des “piliers fondamentaux” dans l’accord de coalition », s’insurge Carine Thibaut.

Dans le même chapitre consacré à la « sécurité », Amnesty International fait part de sérieuses craintes quant au « déploiement de la technologie de reconnaissance faciale » évoquée dans l’accord de coalition.

« Comme l’ont démontré plusieurs recherches menées par Amnesty International dans d’autres pays, le recours à ces technologies dans ce cadre pose de graves problèmes en ce sens qu’elles conduisent à l’étouffement du droit de protester et au harcèlement des groupes minoritaires. Ces systèmes de surveillance violent les droits à la vie privée et menacent les droits à la liberté de réunion pacifique, d’expression, à l’égalité et à la non-discrimination. Aussi appelons-nous à leur interdiction », explique Carine Thibaut.

Le gouvernement doit placer les droits humains au centre de son action

Alors que le vote de confiance au gouvernement aura lieu ce jeudi à la Chambre des représentants, Amnesty International appelle le nouveau gouvernement à placer les droits humains au cœur de toutes ses politiques et de toutes ses mesures.

« Face à des menaces existentielles pesant sur le système international des droits humains dans le monde et à un délitement de ces mêmes droits en Belgique, particulièrement dans le cadre de la crise de l’accueil des demandeur·euses d’asile, nous appelons le gouvernement à faire preuve de détermination et d’ambition en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux. Nous ne tolérerons de sa part aucune volonté de se soustraire à ses obligations et, comme toujours, quel que soit le gouvernement en place, nous veillerons à ce que les droits humains de toutes et tous soient garantis », conclut Carine Thibaut.

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