« Le reportage montre avant tout que les décisions concernant les exportations d’armes peuvent avoir des conséquences dramatiques, en particulier lorsque les populations civiles sont victimes de ces armes, explique François Graas, coordinateur des campagnes et du plaidoyer de la section belge francophone d’Amnesty International.
L’enquête menée par le magazine #Investigation témoigne également du peu de contrôle dont font l’objet les pratiques du gouvernement wallon concernant les transferts d’armes.
« Les propos du député wallon Nicolas Tzanetatos, président de la sous-commission de contrôle des licences d’armes, qui estime que les député·es membres de la sous-commission arrivent comme les "carabiniers d’Offenbach", car après que les licences ont été délivrées, illustrent très clairement cette réalité », déplore François Graas.
En ce qui concerne la commission d’avis relative aux licences d’exportation d’armes, qui est chargée d’éclairer les autorités dans leur prise de décision, de sérieuses questions semblent se poser concernant son indépendance vis-à-vis des intérêts économiques et politiques. De telles interférences ne semblent pas à même de garantir que les avis émis par la commission à destination du ministre-président soient exempts de tout soupçon de partialité.
Amnesty International insiste également sur l’opacité extrêmement problématique dont font preuve les acteurs les plus directement impliqués dans les transferts d’armes. D’après ce qui est donné à voir dans le reportage, les entreprises interrogées n’ont pas répondu aux questions qui leur étaient posées ou ont limité leurs réponses au strict minimum, en évitant d’aborder le fond du sujet. Quant au gouvernement wallon, il s’est refusé à tout commentaire.
« L’enquête se penche sur des exportations d’armes qui semblent par nature présenter un risque important : Afghanistan, Serbie, Israël et Arabie saoudite. Au vu du risque que les armes concernées soient utilisées pour commettre des violations des droits humains, et compte tenu du fait que le gouvernement wallon est légalement tenu de ne pas exporter d’armes lorsqu’un tel risque existe, il est nécessaire que le gouvernement wallon s’exprime sur la manière dont les risques ont été évalués dans le cas des exportations citées dans le reportage », insiste François Graas.
De manière générale, le gouvernement wallon assure une communication minimaliste sur le commerce des armes. Le dernier rapport publié par le gouvernement sur les licences d’exportation d’armes qu’il a octroyées couvre l’année 2022. Aucune information postérieure au 31 décembre 2022 n’a donc été publiée sur les exportations d’armes par les autorités wallonnes. Or, rien ne semble pouvoir justifier un tel retard.
« Au terme de cette enquête, on ne peut s’empêcher de repenser aux propos du ministre wallon de l’Économie, Pierre-Yves Jeholet, qui regrette un comportement “frileux” ou des “états d’âmes” nuisant aux intérêts de l’industrie de l’armement. De tels propos apparaissent totalement déplacés, sinon révoltants. Plus que jamais, nous réitérons le message que nous ne cessons d’envoyer aux autorités wallonnes : stop aux transferts d’armes irresponsables, oui au respect du décret wallon ; stop à l’opacité, oui à une transparence qui permette au parlement et à la société civile de mener sa mission de contrôle. Ce n’est que de cette façon que la Wallonie pourra redorer son blason en matière d’exportation d’armes », conclut François Graas.