Belgique : Cinq ans après son adoption, le décret wallon sur les armes échoue à garantir le respect des droits humains

Le 21 juin 2012, le gouvernement wallon adoptait un décret relatif à l’importation, au transit et au transfert d’armes civiles et de produits liés à la défense. Cinq ans plus tard, Amnesty International s’inquiète du fait que les critères garantissant le respect des droits humains dans ce cadre ne sont pas respectés et regrette le manque de lisibilité, de transparence, de publicité et de périodicité accompagnant les décisions de délivrance de licences.

« La mise en oeuvre de ce décret par la Région wallonne est très décevante. Des critères l’obligeant à refuser les exportations vers les pays qui violent les droits humains et le droit humanitaire existent, mais force est de constater qu’ils se réduisent à des déclarations d’intention. La Région wallonne exporte ainsi sans états d’âme des armes vers l’Arabie saoudite ou les Émirats Arabes Unis », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International.

En plus du non-respect des critères de délivrance de licences, l’organisation de défense des droits humains s’inquiète de l’opacité entretenue par le gouvernement wallon, qui ne suit pas l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 19 décembre 2013. À l’instar d’Amnesty International, il demande que les licences soient prévues comme des actes administratifs, ce qui implique qu’elles peuvent être obtenues par les citoyens belges qui en feront la demande auprès des autorités régionales, pour peu qu’un intérêt légitime soit justifié, sauf exceptions.

L’article 24 du décret contribue lui aussi au manque de transparence en ce qui concerne les délivrances de licences. Organisant la production de rapports en la matière, cet article ne donne aucune précision spécifique quant à la nature des données à fournir ; par conséquent, il ne figure dans les rapports que des données concernant le nombre de licences individuelles et générales accordées — lesquelles ne correspondent pas en pratique au nombre d’armes effectivement exportées. Les rapports ne font par ailleurs pas état des avis émis par les entités chargées d’analyser les demandes de licences vers des destinations “sensibles”. La faible périodicité de la publication de ces rapports est du reste regrettable : elle n’est que semestrielle en Wallonie (par ailleurs, seul un rapport sur les deux qui sont publiés chaque année est public), alors des rapports sont produits mensuellement en Flandre.

L’organisation de défense des droits humains regrette également le manque d’implication du Parlement, qui échoue à contrebalancer le pouvoir discrétionnaire du gouvernement, uniquement guidé par une commission d’avis dont il règle lui-même le fonctionnement en vertu de l’article 19 du même décret. En 2016, la sous-commission « armes » du Parlement wallon ne s’est réunie que deux fois et toujours à huis clos.

« Nous demandons à la Wallonie, l’un des principaux exportateurs européens d’armes, de respecter ses obligations et de garantir un régime de contrôle “efficace et transparent”, tel que requis par le Traité sur le commerce des armes. Nous demandons également qu’elle cesse de livrer des armes aux États qui violent gravement les droits fondamentaux, comme l’Arabie saoudite  », insiste Philippe Hensmans.

Complément d’information

Le décret relatif à l’importation, au transit et au transfert d’armes civiles et de produits liés à la défense reprend les critères de délivrance de licences compris dans la position commune européenne de 2008, parmi lesquels figurent le respect des droits humains dans le pays de destination finale et le respect du droit humanitaire international par ce pays. En ce sens, il s’inscrit également dans la continuité du Traité sur le commerce des armes, signé et ratifié par la Belgique en 2014, qui vise à « réduire la souffrance humaine » au moyen de nouvelles règles mondiales et qui reprend des critères similaires.

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