18 recommendations pour le 18 mai

Amnesty a présenté ses propositions au prochain gouvernement : 18 propositions pour améliorer les droits humains.

INTRODUCTION

Amnesty International estime que les droits humains sont une condition nécessaire pour la paix et la prospérité. Ils constituent les fondations d’Etats forts et responsables, sans lesquels il ne peut pas y avoir ni stabilité politique ni progrès économique et social. Une sécurité effective n’est obtenue qu’à travers un Etat de droit fort dans lequel les mesures de sécurité n’affaiblissent pas le respect des droits humains.

Au fur et à mesure que la « guerre contre le terrorisme » a commencé à dominer de plus en plus l’actualité internationale, les gouvernements ont progressivement fait la distinction entre sécurité et droits humains. Qui plus est, beaucoup de gouvernements ont succombé à l’idée qu’une sécurité accrue passe par une réduction des droits humains. Ainsi, en Grande-Bretagne, une législation « d’urgence » a été adoptée. Celle-ci stipule que des étrangers peuvent être détenus sans charge ou procès. Un système pénal parallèle, échappant aux garanties du système formel, a donc vu le jour. Aux Etats-Unis, une loi permet désormais la détention pour une durée indéterminée de citoyens non-américains, pour des raisons de sécurité nationale. Dans l’Union européenne, le risque d’ amalgames entre réfugiés et terroristes est bien réel, en particulier à travers l’ élargissement du champ d’application des clauses d’exclusion et d’arrêt.

Au niveau international, les citoyens se rendent progressivement compte des dangers de cette dichotomie entre sécurité et droits humains. En novembre 2002, l’Assemblée Générale des Nations Unies a adopté après consensus une résolution qui insiste, entre autres, sur l’importance du respect des droits humains dans la lutte contre le terrorisme et sur les obligations des États à garantir les droits inaliénables. Cette résolution représente une évolution positive par rapport à la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée peu après les attaques du 11 septembre, qui proposait toute une série de mesures censées permettre aux États de prévenir et étouffer le terrorisme. La résolution ne mentionnait toutefois pas qu’ils devaient tenir compte des obligations de la Charte des Nations Unies en matière de droits humains. L’idée que les droits humains ne peuvent pas être négligés dans la lutte contre le terrorisme a été répétée par le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Sergio Vieira De Mello, dans sons discours inaugural de la 59ième session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies.

Amnesty International demande expressément au gouvernement belge de rester attentif à de tels développements. Le prochain gouvernement doit, non seulement au niveau national mais également dans le cadre des forums internationaux, manifester, d’une part, une résistance ferme contre toute mesure de sécurité attentatoire aux normes internationales en matière de droits humains et, d’autre part, s’efforcer à ce que la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies soit effectivement mise en pratique.

Dans ce document, nous souhaitons attirer votre attention sur certains points qui tiennent à cœur à Amnesty International et qui ne pourront être négligés au cours de la prochaine législature.

Ces préoccupations portent sur les thèmes du droit d’asile, du commerce des armes, de la lutte contre l’impunité et de l’Afrique des Grands Lacs. Pour chacun de ces points, nous formulons une série de recommandations que nous espérons voir remplies dans les quatre prochaines années.


1.ASILE ET MIGRATION

I. En Belgique

Recommandation 1 : Réformer en profondeur la procédure d’asile

a) Amnesty International recommande au gouvernement belge de modifier la procédure d’asile afin qu’elle devienne une procédure de qualité, rapide et efficace. La phase de recevabilité devrait être supprimée, à l’exception de l’enquête menée afin de déterminer quel Etat est responsable du traitement de la demande d’asile. Chaque demande d’asile devrait automatiquement être traitée au fond par une seule et même instance administrative indépendante. En cas de refus d’accorder le statut de réfugié, le demandeur d’asile devrait pouvoir interjeter appel de cette décision devant un tribunal administratif et cet appel devrait toujours comporter un effet suspensif. Il est essentiel, pour chaque dossier individuel, que les autorités compétentes jugent si la personne concernée a besoin d’une protection internationale. Toute procédure accélérée ainsi que l’utilisation de concepts comme « pays d’origine sûrs » et « pays tiers sûrs » devraient être proscrits car ils empêchent un examen de la demande en profondeur.

Commentaire

Amnesty International réclame une réforme en profondeur de la procédure d’asile actuelle. La structure inutilement compliquée de la procédure actuelle constitue un frein à l’identification des personnes qui ont besoin d’une protection internationale.

La note gouvernementale du 1er octobre 1999 promettait une réforme profonde de la procédure d’asile. Quelques facteurs externes, comme la fin des guerres dans les Balkans, et des mesures ponctuelles ont permis au gouvernement de maîtriser le nombre de demandes d’asile. Le souhait du gouvernement de reprendre en main la procédure a donc diminué. Néanmoins, la diminution du nombre de demandeurs d’asile et leur traitement accéléré n’ont pas été accompagnés d’une amélioration de la procédure, tout au contraire.

Nombre de personnes s’accordent à dire que les décisions de l’Office des Etrangers manquent de qualité. Au niveau du Commissariat général aux Réfugiés et Apatrides, le retard dans le traitement des anciens dossiers d’asile demeure considérable. Bien que le système du « Last in first out » (LIFO) permette de traiter, de façon expéditive, voire douteuse, les dossiers entrants, c’est aux dépens des demandes plus anciennes et d’un traitement en profondeur des ’meilleurs’ dossiers. En outre, la structure de la procédure tend à rendre l’examen au fond moins important que la question de la recevabilité de la demande d’asile alors que cela devrait être le contraire. Toute l’attention se focalise sur la phase de recevabilité, durant laquelle est menée de facto un examen au fond superficiel. Etant donné qu’il n’existe pas, dans la phase de recevabilité, de possibilité d’appel auprès de la Commission Permanente de Recours des Réfugiés, la grande majorité des demandes d’asile est soustraite au contrôle d’une instance juridictionnelle indépendante.

b) Amnesty International recommande au gouvernement belge de ne pas détenir des demandeurs d’asile pour la simple raison qu’ils ont déposé une demande d’asile et sans autre motif légal. En cas de détention, chaque demandeur d’asile devrait pouvoir être traduit rapidement devant une autorité qui déterminera si sa détention est légale et conforme aux normes internationales.

Commentaire

Pour Amnesty International, rien ne justifie la détention au simple motif qu’une demande d’asile a été déposée. Actuellement, les demandeurs d’asile qui arrivent en Belgique en avion et qui déposent leur demande d’asile à l’aéroport sont détenus au Centre 127 de l’aéroport pendant la durée de l’enquête menée afin de déterminer la recevabilité de la demande. C’est seulement lorsque la demande est déclarée recevable que la personne en question peut accéder au territoire et qu’elle est remise en liberté. Un examen automatique sur le fond permettrait de ne plus devoir détenir des personnes à l’aéroport pour la seule raison qu’elles ont déposé une demande d’asile.

c) Amnesty International recommande au gouvernement belge de réexaminer sa politique de renvoi en accordant une plus grande attention au respect des droits humains dans le pays vers lequel la personne est rapatriée. Les articles 2 et 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (droit à la vie et interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) et l’article 12 de la Convention des Nations unies contre la torture (obligation d’ouvrir immédiatement une enquête impartiale lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis) offrent sur ce plan une base de référence.

Recommandation 2 : Prévoir un statut de protection subsidiaire

Amnesty International recommande au gouvernement belge de mettre en place au niveau législatif un statut de protection subsidiaire. Les autorités compétentes ne devraient pouvoir se prononcer sur l’octroi d’un tel statut qu’après avoir refusé de reconnaître le statut de réfugié au titre de la Convention de Genève sur les réfugiés de 1951 à l’issue d’un examen individuel de la demande d’asile. Le statut de protection subsidiaire doit inclure les mêmes droits que ceux liés au statut de réfugié.

Commentaire

À l’occasion de la célébration, en 2001, du 50ème anniversaire de la Convention de Genève, la Communauté internationale a réaffirmé le rôle primordial de la Convention dans le système international de protection des réfugiés. Il s’est toutefois avéré ces dernières années que la Convention de Genève, même interprétée dan sons sens le plus large, n’est pas en mesure d’offrir protection à toutes les personnes qui en ont vraiment besoin. Il s’agit notamment de :

1. les personnes qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine ou dans le pays où elles ont habité de façon régulière parce qu’elles risquent d’y être soumises :

  à la torture ou à un traitement ou une punition inhumaine ou cruelle ;

  à une violation d’un droit humain suffisamment grave pour déclencher les obligations internationales de la Belgique ;
2. les personnes qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine ou dans le pays où elles ont habité de façon régulière parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté y sont menacées à la suite de violence arbitraire exercée dans le cadre d’un conflit armé ou d’une perturbation grave de l’ordre public, ou à la suite de violations systématiques ou générales de leurs droits.

Actuellement, la Belgique est l’un des seuls pays européens qui ne disposent pas d’un système de protection subsidiaire, si ce n’est par l’application sporadique du mécanisme très insuffisant de la clause de non-reconduite. La nécessité d’une protection subsidiaire est d’ailleurs confirmée au niveau européen par l’existence d’une proposition de directive européenne toujours en cours de discussion.

Recommandation 3 : Mieux protéger les mineurs étrangers non-accompagnés (mena)

a) Le prochain gouvernement devrait avoir comme priorité l’entrée en vigueur et la mise en œuvre rapides de la loi sur la tutelle des mena, adoptée en décembre 2002.

b) Le gouvernement devrait, conformément aux recommandations du Comité des droits l’enfant des Nations unies, abolir la détention des mena et créer à la place des structures d’accueil appropriées.

c) L’Office des étrangers devrait assurer un suivi du mena en cas de renvoi de celui-ci dans son pays d’origine.

Commentaire

Les mena forment un groupe extrêmement vulnérable. Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a insisté, dans son rapport sur la Belgique du 7 juin 2002, sur la nécessité d’adopter dès que possible le projet de loi sur la création d’un service de tutelle et d’établir des centres spécialisés d’accueil des mena.

Le 24 décembre 2002, la loi prévoyant une tutelle pour les mena est parue au Moniteur belge.
S’il est vrai qu’Amnesty International se félicite de l’adoption par le parlement de cette loi qui consacre l’intérêt de l’enfant et l’indépendance du service de tutelle par rapport au ministère de l’Intérieur, l’organisation de défense des droits humains regrette cependant qu’elle n’aborde pas la question de la détention des mena et que son entrée en vigueur dépende d’un accord entre le gouvernement fédéral et les communautés.


II. La dimension européenne

Recommandation 4 : Promouvoir et mettre en oeuvre, tant au niveau européen que national, des normes élevées de protection des réfugiés

Lorsque le degré de protection envisagé par les textes européens est moindre que celui accordé en Belgique, Amnesty International exhorte la Belgique à :

  dans la première phase de l’harmonisation, maintenir dans son droit interne des normes de protection des réfugiés supérieures aux normes minimales contenues dans les directives européennes,

  à travers tout le processus d’harmonisation, montrer l’exemple et tenter de convaincre les autres Etats membres d’adopter des normes supérieures de protection des réfugiés.

Commentaire

Amnesty International se félicite du fait que la Belgique a été le défenseur fervent de la Convention de Genève lors de l’élaboration du Traité d’Amsterdam et en a souligné l’importance lors du Sommet européen de Tampere (1999). À Tampere, les chefs d’Etat ou de gouvernement ont réaffirmé que la politique européenne en matière d’asile « doit reposer sur des principes qui offrent des garanties à ceux qui cherchent protection dans l’Union européenne (UE) » ainsi que « l’importance que l’Union et ses Etats membres attachent au respect absolu du droit de demander asile. Il est convenu de mettre en place un régime d’asile européen commun, fondé sur l’application intégrale et globale de la Convention de Genève et d’assurer ainsi que nul ne sera renvoyé là où il risque d’être persécuté, c’est-à-dire de maintenir le principe du non-refoulement. En outre, l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, adoptée en décembre 2000, consacre le droit d’asile comme un droit fondamental au sein de l’Union.

Le processus d’harmonisation européenne en matière d’asile a permis l’adoption de plusieurs textes ou instruments comme, en 2001, la Directive relative à la protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées, et, en 2003, la Directive relative aux normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile, le Règlement Dublin II et Eurodac.

Amnesty International souhaite insister sur les textes suivants, encore en cours d’élaboration, ceux-ci étant particulièrement importants pour le régime d’asile européen commun.

  la Directive sur le statut de réfugié et la protection subsidiaire. Amnesty International craint que l’esprit et l’intégrité de la Convention de Genève soient affaiblis par les résultats des négociations en cours. Amnesty International déplore notamment un usage trop fréquent du concept de l’alternative de fuite interne, ainsi que la définition très large de l’expression ’pays tiers et pays d’origine sûrs’. Amnesty International craint également que cette forme complémentaire de protection ne se substitue à la Convention de Genève plutôt que la complète. La définition très large de la notion de la protection subsidiaire dans cette directive risque de laminer le champ d’application de la Convention. Enfin, en ce qui concerne les droits économiques et sociaux, elle crée une discrimination inacceptable entre les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire aux droits moindres.

  la Directive relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié. Ce texte constitue un recul de l’objectif d’harmonisation car de nombreuses dispositions se limitent à renvoyer au droit national. Amnesty International déplore notamment, d’une part, que le champ d’application de la procédure accélérée et la définition des demandes manifestement non-fondées soient considérablement élargis et, d’autre part, que l’effet suspensif de l’appel ne soit par prévu dans la procédure accélérée et soit soumis à de nombreuses exceptions dans la procédure ordinaire. Amnesty International s’inquiète également de l’extension considérable des dispositions régissant le placement en détention ainsi que de l’absence de standards communs concernant les demandes à la frontière et le placement en zone d’attente, ces derniers cas étant laissés à l’arbitraire complet des Etats membres. Amnesty International demande au gouvernement belge de ne pas utiliser comme prétexte les normes minimales existant au niveau européen pour revoir à la baisse les garanties de procédure actuellement en vigueur en Belgique.

  la proposition britannique de faire examiner les demandes d’asile dans des centres de transit aux frontières de l’Union et de protéger les réfugiés dans leur région d’origine. Depuis de nombreuses années, Amnesty International a souvent fait part de ses préoccupations concernant les difficultés toujours croissantes qu’éprouvent des réfugiés à chercher et à trouver protection dans l’Union. En pratique, le projet britannique reviendrait à envoyer les demandeurs d’asile dans des zones où la protection serait moindre et à déresponsabiliser les Etats signataires de la Convention de Genève. Amnesty International, craignant que ce projet soit accueilli favorablement par d’autres Etats membres, appelle la Belgique à la plus grande prudence dans ce débat. La proposition britannique risque d’aller à l’encontre de l’engagement pris par les gouvernements européens où il a été décidé de mettre en place un système d’asile européen commun fondé sur un haut niveau de protection qui comprendrait un mécanisme efficace de détermination de l’Etat responsable d’une demande d’asile.


Recommandation 5 : Elaborer une politique de migration respectueuse des droits humains

Commentaire

Malgré les déclarations prises à Tampere en faveur d’une Union ouverte aux demandeurs d’asile, l’accent a été mis depuis sur des mesures visant à renforcer les contrôles aux frontières et à lutter contre l’immigration clandestine. Or, une telle tendance risque de renforcer encore plus la « Forteresse Europe » et d’anéantir le peu d’équilibre qui reste entre l’asile et l’obligation de protection d’une part et l’immigration et le contrôle nécessaire de l’autre. Il manque aussi à cette lutte contre l’immigration clandestine la volonté correspondante de s’attaquer à une cause essentielle des migrations et des demandes d’asile, à savoir la violation des droits humains dans les pays d’origine. Aussi importe-t-il que la politique extérieure et de sécurité commune de l’UE tente d’améliorer davantage le respect des droits humains dans les pays d’origine.

Quant au Plan d’action de l’UE sur le retour des personnes en séjour irrégulier, il est important que tout programme européen ou national de retour évite tout risque de renvoi de ces personnes vers des Etats qui ont épuisé leurs capacités d’accueil ou ne sont pas à même de garantir que leurs droits humains seront respectés. En particulier, tout programme de retour ne devrait être mis en place sans une évaluation régulière de la situation sur place et sans tenir compte des recommandations des ONG compétentes et du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Par ailleurs, les accords de réadmission devraient contenir des garanties suffisantes protégeant les demandeurs d’asile contre le refoulement indirect.


2.COMMERCE DES ARMES

Recommandation 6 : Veiller à ce que les livraisons d’armes ne sont admises qu’au cas où on est certain qu’elles ne contribueront pas à des violations des droits de l’homme.

a) Le gouvernement belge doit mener une politique restrictive dans l’octroi de permis pour l’exportation d’armes et d’autres équipements et services qui pourraient être utilisés pour perpétrer ou contribuer à perpétrer des violations des droits humains ou des violations du droit humanitaire international. En cas de doute, par exemple sur base de rapports sur des violations des droits humains dans le pays destinataire par les unités auxquelles les biens ou services sont destinés, notre pays ne peut permettre une telle exportation que si des garanties sérieuses peuvent être données que cette livraison ne contribuera pas à des violations de ce genre.

b) Le gouvernement belge doit veiller à ce que l’élargissement du champ d’application de la législation belge sur les équipements utilisés pour le maintien de l’ordre soit rapidement régie par un Arrêt Royal.

c) Le gouvernement belge doit mener une politique active et proactive dans la lutte contre le commerce illicite d’armes. Pour atteindre cet objectif, il débloquera les moyens nécessaires et encouragera une coopération efficace entre les différents services. En même temps, il contribuera activement à une coopération aux niveaux européen et international pour s’attaquer efficacement au commerce illicite d’armes.

d) Le gouvernement belge observera minutieusement les accords qui ont été établis dans le cadre du Code de conduite européen sur le commerce d’armes, et insistera sur un respect de ces accords par les autres pays de l’UE et par les pays candidats à l’adhésion.

e) Le gouvernement belge continuera à contribuer de manière active à l’implémentation du Plan d’action sur le commerce d’armes résultant de la Conférence des Nations Unies sur le commerce d’armes illicite (New York, juillet 2001).

Commentaire

À plusieurs reprises, des rumeurs ou des faits avérés ont indiqué que, dans sa politique de commerce d’armes, notre pays ne prend pas toujours toutes les précautions nécessaires pour éviter que les armes livrées ou autres matériaux ne soient utilisés pour ou ne contribuent à des violations graves des droits humains ou à des violations du droit humanitaire international.

Une lutte effective contre le commerce illicite d’armes passe par une volonté politique qui permettrait une coopération plus efficace entre les services qui sont (ou doivent être) impliqués dans la lutte contre le commerce illicite d’armes. Les moyens financiers et humains ainsi qu’une expertise doivent être mis en oeuvre.

Recommandation 7 : Contribuer activement à la réalisation de traités et d’accords internationaux concernant le commerce d’armes.

Le gouvernement belge doit jouer un rôle actif dans la mise en œuvre de certains traités et accords internationaux concernant le commerce des armes, et cela en prenant lui-même ou en soutenant des initiatives, et en insistant sur le fait que l’Union Européenne doit jouer un rôle actif dans ce contexte.

Un traité international sur le commerce des armes devrait stipuler que des transferts d’armes, y compris les transferts d’équipements, susceptibles d’être utilisés par la police ou par les services de sécurité afin de commettre des violations des droits humains, ne peuvent pas être admis :
si sont violées les obligations ressortissant au droit international sont violées, y compris la Charte des Nations Unies, les décisions du Conseil de Sécurité, les traités internationaux et l’interdiction de l’usage d’armes non discriminantes ;
si les gouvernements savent ou pourraient avoir connaissance du fait que les équipements en question seront probablement :
utilisés en violation des dispositions de la Charte des Nations Unies, des règles du droit coutumier international, et plus spécifiquement celles qui se rapportent à la menace ou à l’usage de violence dans les relations internationales ;
utilisés pour commettre des violations sérieuses des droits humains ;
utilisés pour commettre des infractions sérieuses du droit international humanitaire qui s’applique à des conflits armés internationaux ou non-internationaux ;
utilisés pour commettre un génocide ou des crimes contre l’humanité ;
détournés de leur destination première et utilisés pour commettre des actes comme mentionnés ci-dessus ;
3. si on peut s’attendre à ce que les transferts en question :
seront utilisés pour ou contribueront à des crimes violents ;
auront un effet négatif sur la stabilité politique ou sur la sécurité régionale ;
auront un effet négatif sur le développement durable ;
seront détournés de leur destination première et utilisés pour commettre des actes comme mentionnés ci-dessus.

Le traité international doit aussi prévoir l’établissement d’un Régistre International. Les Etats doivent annuellement déposer un rapport sur le commerce d’armes qui a lieu à partir de leur territoire, passe par leur territoire ou qui est soumis aux dispositions du traité d’autres manières. Le Régistre international publiera un rapport au moins une fois par an, et si nécessaire des rapports périodiques.

Un protocole international concernant les intermédiaires et les transporteurs intervenant lors de transactions d’armes doit être lié à ce traité international. Ce protocole doit prévoir la mise sur pied d’un registre obligatoire de ces intermédiaires et transporteurs. Il doit être stipulé que les intermédiaires et transporteurs ne peuvent pas recevoir de permis si ceux-ci ont commis des infractions ou ont contribué à des infractions comme mentionnées dans le traité international sur le commerce des armes. Un permis doit également être refusé s’ils ont été condamnés pour violence armée, commerce illicite d’armes ou blanchiment d’argent sale.

Chaque transaction pour laquelle il est fait recours à un moyen de transport requiert un permis pour tous les citoyens ou habitants permanents du pays. Un tel permis doit être refusé à tous ceux qui ne sont pas enregistrés. Un refus d’octroi de licence est également nécessaire si la transaction résulte de transferts d’armes qui violent les principes du traité international sur le commerce des armes.

Il est également nécessaire de joindre au traité international un protocole concernant la production d’armes sous licence (cf. ci-dessous).

Un traité international sur le marquage, le tracement et l’enregistrement d’armes légères doit voir le jour.

Commentaire

Il faut reconnaître que les réglementations internationales constituent le moyen le plus efficace pour influer réellement sur la disponibilité d’armes et d’autres équipements utilisés pour perpétrer des violations des droits humains et des violations du droit international humanitaire. Il faut donc faire ce qui est nécessaire pour établir de telles réglementations.

Des initiatives importantes ont déjà été proposées dans ce contexte. Il faut mentionner ici la proposition de Code International sur le Commerce d’Armes de Oscar Arias et d’autres lauréats du prix Nobel de la Paix, l’initiative soutenue par la Fondation Arias d’une Convention Cadre, une proposition de Brokering Convention et des propositions pour un traité international sur le marquage, le traçage et l’enregistrement de toutes les armes produites et vendues.

Il s’agit maintenant de témoigner de la volonté politique à établir effectivement de tels règlements internationaux. L’expérience de l’établissement d’un traité international concernant les mines antipersonnel nous a montré que cela peut prendre du temps. Ce traité a cependant prouvé qu’on peut y parvenir.

Entre-temps, nous sommes continuellement confrontés à des informations démontrant la nécessité de tels règlements, comme celle faisant état que des Belges seraient impliqués dans une livraison, en décembre 2002, d’armes légères et d’autres équipements, depuis la Chine vers la Côte d’Ivoire. Ceci constitue une infraction du ’Moratoire de Mali’.

Recommandation 8 : Etablir une réglementation contraignante concernant la production d’armes sous licence belge à l’étranger.

a) Le gouvernement belge doit renforcer la législation qui s’applique au transfert de technologie permettant la production étrangère d’armes sous licences belges. La vente des armes produites sous ces licences doit être mise sous le contrôle permanent de notre gouvernement. Dans ce but, il faut conclure avec les pays destinataires une convention réciproquement contraignante. Cette convention doit stipuler que chaque livraison soit soumise à l’accord de notre gouvernement. Il faut également fixer des maxima à la production de quantités destinées à l’exportation, établir l’obligation d’un certificat d’usager final et une obligation au contrôle de l’utilisation finale des armes.

b) Le gouvernement belge doit prendre toutes les mesures possibles visant à ce que toutes les productions d’armes étrangères sous licence belge actuellement en cours soient encore soumises aux conditions susmentionnées.

c) Notre gouvernement doit s’appliquer à ce que des conventions soient établies dans l’Union européenne concernant la production étrangère d’armes sous licence dans lesquelles des conditions similaires sont fixées. L’Union Européenne s’efforcera d’ établir une réglementation internationale similaire.

d) Notre gouvernement doit s’appliquer à ce que soit établi un protocole international joint à un traité international sur le commerce d’armes ou une convention similaire sur la production étrangère d’armes sous licence dans lesquels seront fixées les conditions susmentionnées.

Commentaire

La production étrangère d’armes est une échappatoire à des réglementations concernant le commerce d’armes : ce qui ne peut pas être exporté est produit ailleurs, où de telles restrictions n’existent pas ou ne sont pas appliquées. La législation belge sur les armes est un des exemples assez rares où aussi la vente de la ’technologie liée à la production’ requiert un permis. La loi actuelle prévoit toutefois que l’appréciation d’une telle transaction ne se fait qu’une fois, au moment de l’octroi du permis, là où ce permis crée la possibilité de produire pour des dizaines d’années des armes dont l’usage et la vente échappent au contrôle par notre pays. Dans ce cas, il n’y a pas une prise de responsabilités au sujet de la production et de la vente d’armes.
Bien sûr, la réglementation la plus efficace se fait dans ce contexte à une échelle internationale. Ici, le niveau européen peut donner l’exemple et aider à mettre sur pied un bon rassemblement des forces.

Recommandation 9 : Augmenter la transparence concernant le commerce d’armes.

a) Le gouvernement belge doit agir de sorte que les parlementaires et le public soient suffisamment informés sur les permis de vente d’armes et sur les transactions effectives d’armes. Il est nécessaire que les parlementaires et le public soient à même d’évaluer si les garanties que les permis et les transactions ne contribueront pas à commettre des violations graves des droits humains ou du droit international humanitaire. Dans ce but, il faut communiquer pour chaque permis ou transaction : le pays destinataire, l’unité à laquelle les biens sont destinés, le nombre et la valeur des équipements et une appréciation de l’impact attendu sur les droits humains. Des obstacles légaux, comme la loi sur la statistique, qui gêneraient une telle transparence, doivent être supprimés par des initiatives législatives appropriées. Le besoin de transparence devrait être inclus dans la législation de manière assez détaillée.

b) Notre gouvernement doit contribuer à ce qu’une telle transparence soit établie aussi dans un contexte européen et sur le niveau international, et que l’Union Européenne contribue à une réglementation internationale visant à atteindre une telle transparence.

Commentaire

La transparence dans l’application de la loi peut contribuer considérablement à ce que le gouvernement respectent les règles en vigueur, compte tenu des risques de pression économique ou politique pourrait encourager le gouvernement à se distancer de ces règles. Dans un domaine où les droits humains sont en jeu, des obstacles qui gêneraient le contrôle exercé par les citoyens sur leur gouvernement sont inacceptables.


3. LA LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ

On parle d’impunité lorsque les personnes qui sont à l’origine d’atteintes graves aux droits humains et au droit international humanitaire ne sont ni traduites en justice ni punies. Cette situation est fréquemment due au manque de volonté politique puisque l’Etat lui-même ou certains organes de l’Etat sont souvent directement responsables ou indirectement complices de ces actes. L’impunité est parfois causée par l’attitude d’un gouvernement qui refuse d’accorder aux droits humains une place prioritaire dans son programme de politique intérieure.

L’impunité prive les victimes et leurs proches du droit de voir la vérité établie et reconnue, du droit à ce que la justice soit rendue et du droit à exercer une voie de recours efficace afin d’obtenir réparation. Elle prolonge, en outre, la souffrance initialement subie en niant qu’elle a été infligée, ce qui constitue une insulte supplémentaire à la dignité humaine de la victime.

Recommandation 10. Réviser la loi belge dite de compétence universelle

Les autorités belges doivent réviser le plus tôt possible la loi de compétence universelle pour la faire correspondre plus étroitement à son objectif : la lutte contre l’impunité et le soutien aux victimes. Cette révision doit priver le Pouvoir exécutif de la possibilité d’intervenir dans le traitement d’une plainte déposée dans le cadre d’une punition à imposer en raison de graves violations du droit humanitaire international.

Commentaire

Les Etats devraient veiller à ce que leurs tribunaux nationaux aient compétence universelle au nom de la communauté internationale pour connaître des crimes graves commis en violation du droit international humanitaire lorsqu’une personne soupçonnée d’avoir commis de tels crimes est trouvée sur leur territoire ou relève de leur compétence. S’ils n’agissent pas de la sorte, ils devraient extrader le suspect vers un Etat capable et désireux d’exercer sa compétence ou bien remettre le suspect à la Cour internationale compétente pour connaître de ces crimes.

Amnesty insiste d’ailleurs sur le fait qu’aucune immunité ne doit être attachée à la qualité officielle d’une personne soupçonnée ou accusée de crimes graves internationaux, quelle que soit la qualité officielle du suspect ou de l’accusé au moment où le crime est censé avoir été commis ou au moment de l’engagement des poursuites.

En Belgique, la loi du 16 juin 1993 relative à la répression des violations graves de droit international humanitaire a été modifiée le 10 février 1999 et à la fin de la dernière législature. Cette loi comportait 6 caractéristiques majeures qui, à nos yeux, rendaient cette législation particulièrement performante pour lutter contre l’impunité.

 Les incriminations : trois infractions majeures en droit international humanitaire : le génocide, — le crime contre l’humanité et les crimes de guerre, qu’ils soient commis dans le cadre d’un conflit armé international ou non.

 Imprescriptibilité de l’action publique et des peines.

 Irrelevance des immunités attachées à la qualité de la personne soupçonnée des infractions incriminées.

 Compétence universelle des juridictions nationales.

 Mise en œuvre de l’action publique non seulement à l’initiative du Ministère public, mais surtout par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d’instruction.

Les juridictions belges ont été saisies d’une trentaine de plaintes, toutes déposées sur base de la constitution de partie civile.

À l’occasion de l’examen de deux plaintes en particulier, l’une se référant à la situation en République Démocratique du Congo en 1998 et l’autre aux massacres perpétrés dans les camps de Sabra et Shatila au Liban en 1982, les milieux judiciaires, politiques, diplomatiques et économiques belges et étrangers se sont lancés dans un vaste chantier de remodelage de la loi.

La section belge d’Amnesty International, en étroite collaboration avec d’autres organisations de défense des droits humains, avec des juristes et différentes associations de victimes, a mis tout en œuvre pour que les critères fondamentaux énumérés ci-dessus soient préservés afin que la victime puisse conserver un lieu où déposer sa plainte et que celle-ci soit prise en considération, entraînant éventuellement des poursuites à l’encontre des personnes responsables des violations graves du droit international humanitaire. Malheureusement, le résultat est décevant !

La loi modificative votée par le Parlement belge, dans la précipitation que l’on sait, juste avant la fin de la législature est une très mauvaise loi.

En effet, elle permet au ministre de la Justice de saisir le conseil des ministres d’une décision politique portant les fait allégués à la connaissance de l’Etat dont est ressortissant l’auteur présumé et ainsi de renvoyer l’affaire devant un autre Etat sans s’assurer que celui-ci se saisira du dossier.

Ce n’est pas le fait qu’un dessaisissement des juridictions belges soit prévu qui pose problème, mais le fait que cette décision soit entre les mains du gouvernement et que la loi ne prévoit pas l’obligation pour l’Etat « saisi » de poursuivre l’action publique. En d’autres termes, la justice n’est plus assurée puisqu’une plainte peut être renvoyée vers un pays qui refusera de s’en saisir. C’est très grave et, en particulier, très décourageant pour les victimes qui, dans certains cas, déposent des plaintes au péril de leur vie.

Mais c’est aussi très préoccupant de constater qu’un Etat démocratique comme la Belgique met en cause la séparation des pouvoirs puisque le conseil des ministres peut suspendre une affaire à l’instruction en Belgique et la renvoyer dans un autre pays qui ne s’en saisira pas au risque d’aboutir à un véritable déni flagrant de justice.

Ce dernier aspect touche également la séparation des pouvoirs. À ce jour, en Belgique, le Ministre de la Justice peut seulement donner des injonctions positives ( c’est-à-dire demander que les poursuites soient engagées). Cette nouvelle loi, dans son art. 5 §4 consacre le principe contraire puisque le ministre pourra dorénavant suspendre et arrêter définitivement une instruction, en d’autres mots, aboutir en fait à une injonction négative confinant à l’impunité.

Recommandation 11 : Un fonctionnement efficace de la Cour pénale internationale

a) Le prochain ministre de la Justice doit veiller à donner la priorité à l’adoption d’une loi de mise en œuvre de coopération judiciaire pénale entre la CPI et les juridictions belges.

Commentaire

Le 1er juillet 2002, la Cour pénale ( CPI) est entrée en vigueur. Après les longues et difficiles négociations lors de la Conférence diplomatique à Rome, l’entrée en vigueur de ce traité qui requérait 60 ratifications paraissait reportée aux calendes grecques. La force des ONG organisées sur le plan mondial et soutenues par de nombreux Etats et des organisations intergouvernementales ont encouragé le processus de ratification des gouvernements.

En juin 2001, la Belgique fut le treizième pays à ratifier cette convention. La ratification doit absolument être suivie d’une mise en conformité dans le droit interne du pays. À ce jour, la Belgique ne s’est pas montrée particulièrement diligente à cet égard. La coopération entre la Cour pénale internationale et les autorités judiciaires belges doit être codifiée dans notre droit.

À l’occasion d’une journée de travail, sur ce sujet, le 10 décembre 2001, un représentant du Ministre de la Justice avait promis que les textes de loi seraient très prochainement déposés au parlement. Au mois d’avril 2003, voici le bilan :
- Ce qui a été réalisé :
L’adaptation des incriminations pénales portant sur les crimes graves de droit international humanitaire et le processus de dessaisissement des juridictions belges au profit de la CPI.

- Ce qui n’a pas encore été réalisé :
L’ensemble des dispositions de mise en oeuvre de la coopération judiciaire pénale entre la CPI et les juridictions belges de telle sorte qu’à ce jour, cette entraide n’a toujours pas de base légale alors que la CPI est en place depuis le 11mars 2003.

b) La Belgique doit persister dans son refus de signer un accord d’impunité avec les Etats-Unis. Au sein des pays de l’Union européenne et de ceux qui préparent leur adhésion, la Belgique doit s’efforcer d’obtenir le rejet pur et simple des demandes d’accords d’impunité pour les Américains.

Commentaire

Amnesty International se réjouit de constater qu’à ce jour, la Belgique a refusé de signer des accords qui garantiraient l’impunité aux ressortissants américains pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide.
Ces accords visent à fragiliser le nouveau système que la communauté internationale est en train de mettre en place pour mettre fin à l’impunité. Amnesty International rejette fermement l’argument des Etats-Unis selon lequel ces accords sur l’impunité sont conformes au droit international. En effet, l’objectif des dispositions du Statut de Rome est de faire en sorte que les personnes accusées de ces crimes odieux soient jugées quelque soit la nationalité des auteurs présumés.

Recommandation 12 : Une lutte permanente contre la torture et les mauvais traitements

a) La Belgique doit ratifier, sous la prochaine législature, le protocole facultatif à la Convention ONU contre la torture.

b) La Belgique doit mettre en œuvre les recommandations adressées le 7 août 2002, par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ( CPT). Ces recommandations sont détaillées dans le rapport publié par ce Comité suite à sa 3ème visite en Belgique effectuée du 25 novembre au 7 décembre 2001. Les recommandations du CPT concernent les établissements pénitentiaires, les institutions publiques de protection de la jeunesse, les centres hospitaliers psychiatriques et les mesures à prendre en exécution des décisions d’éloignement forcé.

c) Amnesty International demande au gouvernement de constituer un comité d’experts ouvert aux ONG de défense des droits humains chargé d’évaluer et de présenter un rapport relatif à la mise en œuvre des recommandations du CPT ainsi que des mesures qui seront préconisées par le Comité contre la torture de l’ONU.

Commentaire

Il est rare, de par le monde, de voir les gouvernements considérer les actes de torture comme des crimes graves au regard du droit pénal et engager de ce fait des enquêtes et des poursuites à l’issue desquelles les responsables seraient jugés et punis. Cependant, la torture est indéniablement un crime grave commis contre une personne, au même titre que le meurtre, l’homicide involontaire ou les coups et blessures volontaires.

Les Etats sont tenus de garantir que nul ne sera victime de mauvais traitements ni d’actes de torture, qu’ils soient le fait d’agents de l’Etat ou de personnes privées. L’impunité conforte les tortionnaires dans l’idée qu’ils vont s’en tirer à bon compte. Alors que leur comparution en justice les empêcherait de récidiver et indiquerait clairement à d’autres individus que la torture et les mauvais traitements ne sauraient être tolérés.

Cette année, après plus de dix ans de négociations, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté le protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Le protocole a une vocation de prévention. Il instaure dans les Etats parties un système de visites régulières effectuées dans les lieux de détention par des experts indépendants. Les Etats parties devront coopérer avec les experts chargés des visites et prendre des mesures pour donner suite à leur recommandation.

En avril 2001, l’Union européenne adopta les orientations pour la politique de l’Union européenne à l’égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ces orientations constituent un progrès important dans la politique des droits humains de l’Union car elles lui fournissent le moyen concret de prouver son opposition aux actes de torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants.

En Belgique, il aura fallu attendre le 14 juin 2002, pour que notre pays se dote enfin d’une loi de mise en conformité du droit belge avec la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984.

Les 6 et 7 mai 2003, la Belgique présentera son premier rapport de mise en œuvre de la Convention des Nations unies devant le Comité ONU contre la torture. Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits de l’homme ont apporté leur contribution à ce débat. En particulier, les ONG déplorent la surpopulation dans les prisons qui entraîne des conditions de détention et d’encadrement équivalentes à un traitement inhumain et dégradant.
L’exécution des décisions d’éloignement forcé et les conditions de détention dans certains établissements des forces de l’ordre suscitent notre plus vive inquiétude. En effet, certaines forces de l’ordre ne se comportent pas vis-à-vis des personnes placées sous leur « protection » conformément aux engagements internationaux de la Belgique.


RÉGION DES GRANDS LACS

Recommandation 13 : Contribuer activement à la reconnaissance et au respect des droits humains, aussi bien de la part du gouvernement que des parties en conflit, et au rétablissement de la sécurité dans les régions en conflit.

Recommandation 14 : Lors des contacts avec les gouvernements congolais, rwandais, ougandais et burundais, insister sur l’abolition de la peine de mort au tout au moins sur le rétablissement d’un moratoire sur les exécutions.

Le gouvernement belge doit insister auprès de la communauté internationale afin qu’elle :

  fasse pression sur le président congolais respecte son engagement en ce qui concerne le moratoire et qu’il rétablisse donc le moratoire ;

  Insiste auprès des gouvernements du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi pour qu’ils établissent un moratoire qui doit mener à l’abolition de la peine de mort.

Commentaire

En RDC, le moratoire sur la peine de mort a été levé le 23 septembre malgré le fait que le président Kabila s’était personnelement engagé à le respecter dans une allocution à la Commission des droits de l’homme des Nations unies en mars 2001. En janvier de cette année, 30 personnes ont été condamnées à mort par la COM (Cour d’Ordre Militiare) pour leur participation supposée au meurtre de Laurent Désiré Kabila. Quinze d’entre elles ont été exécutées à peine quelques heures plus tard.

Au Rwanda et au Burundi, au moins 120 et 40 personnes ont été respectivement condamnées à mort en 2002, dans le cas du Rwanda pour des crimes lors du génocide de 1994. Des éxécutions judiciaires n’ont cependant pas eu lieu depuis cette année-là. Certains accusés attendent leur exécution depuis des années.

En Ouganda, au moins 23 personnes ont été condamnées à mort en 2002. Bien qu’en cette année-là, il n’existe pas de rapport sur l’exécution judiciaire de civils, deux soldats de l’UPDF (Uganda People’s Defence Force) ont cependant été exécutés. Le 3 mars 2003, trois soldats de l’UPDF ont encore été exécutés après un procès inéquitable.

Recommandation 15 : Se servir de l’influence politique et du soutien économique pour que les systèmes judiciaires congolais, rwandais et burundais satisfassent aux normes internationales minimales en matière de procès équitables.

Les autorités belges doit appeler les autorités concernées à mener sans délai des enquêtes impartiales sur les plaintes en matière de violations des droits humains. Elles doivent déférer les responsables à la justice d’une manière qui correspond avec les normes internationales en matière de procès équitables.

a) En ce qui concerne la RDC, le gouvernement belge doit :

  insister auprès des autorités congolaises pour qu’elles envoient une invitationaus organisations liées à des thèmes de la Commission des Nations unies. Elles doivent fournir une collaboration inconditionnelle aux observateurs des droits humains et renouveler le mandat du rapporteur spécial des droits humains en RDC ;

  en collaboration avec les Nations unies et les États membres de l’UE, accorder un soutien pour prévoir la reconstruction du système judiciaire congolais. Cela comprend en même temps des observateurs solides lors du processus et une aide en ce qui concerne la professionnalisation.

  considérer comme illégitime la COM ( Cour d’Ordre Militaire) et insister pour qu’elle soit ou réformée, ou abolie.

b) En ce qui concerne le Rwanda, la communauté internationale doit être encouragée à utiliser son influence politique auprès des autorités rwandaises afin que les audiences des tribunaux Gacaca se déroulent dans un climat de justice équitable. Les autorités belges donne en cela un exemple en accompagnant de façon diplomatique cette nouvelle form de justice via le "Gacaca Facilitation Initiative" qui émane du cabinet de la Coopération au développement ; elles doivent tenir au courant la communauté internationale des développements de cette approche de la problématique pluridimensionnelle.

c) Au Burundi, le gouvernement belge doit faire pression pour obtenir la libération des prisonniers d’opinion et contre les détentions arbitraires.

Commentaire

Il est très important de mettre fin à l’impunité qui règne dans la région, mais cela doit se faire dans le respect des normes internationales en matière de procès équitables.

Une illustration du mauvais système judiciaire au Congo est la Cour d’ordre Militaire où une foule de procès inéquitables ont été tenus à l’encontre de civils et qui ont abouti à des exécutions, parfois quelques heures à peine après le procès.En ce qui concerne le Rwanda, Amnesty salue les initiatives du gouvernement pour que soient jugés les plus de 100 000 détenus, accusés de complicité au génocide de 1994 et enfermés depuis lors. Cela peut signifier la fin de l’impunité qui règne depuis des années au Rwanda. Pourtant, quelques développements qui se sont produits lors de l’installation des tribunaux Gacaca éveillent des préoccupations, entre autres, la mauvaise formation des juges, la « présentation » de candidats par des autorités locales et le rapport de forces inégal entre la défense de l’accusé et l’accusateur public. Ainsi, par exemple, les accusés n’ont pas assez de temps pour se préparer et ne peuvent faire appel à des témoins. En outre, l’armée tutsi reste hors d’atteinte sous prétexte que leur participation au génocide est restée limitée et que chacun doit être jugé individuellement.

Malgré le Code de procédure criminelle réformé en janvier 2000, des personnes soupçonnées continuent d’être arrêtées au Burundi. Elles sont souvent détenues dans des conditions épouvantables. Des partisans supposés de l’opposition armée, y compris des enfants, sont gardés sans jugement au secret par des militaires dans des endroits de détention illégitimes.

Recommandation 16 : améliorer la situation des droits humains dans la vie professionnelle en général et dans le commerce du diamant en particulier.

Amnesty International insiste pour que soient prises des mesures sévères contre ceux qui ont violé les droits humains ou qui ont contribué à ces violations en raison de leurs activités commerciales

a) Le gouvernement belge doit insister auprès du gouvernement congolais pour que commanditaires d’activités minières où les travailleurs sont maltraités soient déférés à la justice et qu’une protection soit offerte aux citoyens des régions minières. La communauté internationale doit expliciter fermement qu’elle n’importera pas de matières premières obtenues clandestinement.

b) Les autorités belges doivent expliquer aux autorités concernées qu’elles se rendent coupables de complicité si elles ne défèrent pas à la justice les personnes et entreprises concernées et que de tels produits sont considérés comme illégaux par la communauté internationale. C’est pourquoi un contrôle sévère doit être exercé via une régulation administrative et une légitimation pour que le commerce et l’origine des minéraux et d’autres matières premières comme le diamant, l’or, le coltan, le café et le bois de menuiserie ne proviennent pas de- ou ne donne pas lieu à des violations des droits humains dans la région.

c) Les autorités belges doivent insister auprès des gouvernements concernés pour qu’ils instaurent un moratoire sur les transports illégaux de coltan, d’or, de diamant et d’autres minéraux et matières premières en provenance de régions en conflit. En ce qui concerne le secteur du diamant, il faut une interdiction du commerce de diamants bruts en provenance de pays sans aucune réserve, parmi lesquels, selon l’ONU le Rwanda et l’Ouganda. En d’autres mots, ces diamants ne peuvent en aucun cas provenir de façon légale de ces pays.

d) Le gouvernement belge comme la communauté internationale et les États concernés doivent introduire le processus Kimberley. Les principes en ont été approuvés le 6 novembre 2002 à Interlaken ; ils doivent encore être rendus complètement opérationnels.

e) Les statistiques doivent également être prises en compte par toutes les autorités concernées.De mauvaises statistiques, des fausses statistiques et pas de statistiques du tout gangrènent le secteur diamantaire depuis des années. L’information statistique qui est fournie par les gouvernements et le secteur diamantaire est souvent intentionnellement confuse. Ce qui rend possible et même facile d’énormes transactions de diamants illégaux et en provenance de régions en conflit. L’instauration de normes internationales telles que l’administration Kimberley rend les statistiques moins équivoques.

f) le gouvernement belge doit, comme tous les autres gouvernements de la communauté internationale, condamner sévèrement les violations des droits humains parmi lesquelles les exécutions extrajudiciaires dans les concessions diamantaires (entre autres Mbuj Mavi). Il faut également faire pression sur le gouvernement congolais pour mettre fin à ces violations.

Commentaire

Des centaines de citoyens ont déjà été contraints par des combattants de groupes armés politiques et par des groupes armés soutenus par des puissances étrangères à travailler dans les mines, également dans des régions dangereuses. Ainsi, dans la région congolaise de Masisi, des mineurs et commerçants des minéraux sont fréquemment détenus, battus, blessés et soumis à d’autres mauvais traitements. Ils sont également contraints à du travail forcé. Très souvent, des citoyens sont également contraints de céder leurs terres utilisées pour des activités minières.

Les alliances changeantes et la guerre pour le contrôle du territoire s’aggravent. De nouvelles factions naissent, et les "entrepreneurs de l’insécurité" (entreprises multinationales et spéculateurs) sponsorisent les futurs pillages des richesses. Ils mettent en oeuvre une fiscalité informelle et recourent à des voies d’exportation illégales. Is ont donc tout intérêt à ce que les structures étatiques ne reprenne tpas vigueur.

En ce qui concerne le commerce du diamant, le processus de Kimberley permet de prendre en considération tant l’offre que la demande. L’objectif principal est de veiller à ce que tous les diamants bruts qui s’échangent entre pays, soient accompagnés d’un certificat d’origine délivré par les autorités. La Communauté internationale peut faire pression tant sur les gouvernements nationaux que sur les groupes armés afin qu’ils mettent en oeuvre le Système international de certification des diamants.

Recommandation 17 : Rétablir et protéger le droit à la liberté d’expression

Le gouvernement belge doit insister auprès de la Communauté internationale afin que :

  les gouvernements congolais, ougandais, rwandais, et burundais reconnaissent les journalistes et les militants des droits humains arrêtés comme étant des prisonniers d’opinion et que ceux-ci soient immédiatement amnistiés.

  qu’un soutien public soit octroyé aux groupes impartiaux et indépendants de défense des droits humains et à leurs militants dans la région

Commentaire

Les journalistes et le smilitants des droits humains sont victimes d’arrestations et de mauvais traitments depuis le début du conflit et la régression continue du droit à la liberté d’expression qui s’en est suivi. Dans les zones de conflit, ceux-ci doivent, tout comme les citoyens, être protégés comme défini dans la Convention de Genève.



LES TRAITÉS

Recommandation 18 : Ratifier quelques traités cruciaux

Nous voudrions toutefois attirer l’attention de la prochaine législature sur quelques traités qui doivent être ratifiés le plus rapidement possible. Il s’agit de :

Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Ce protocole, voté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 6 octobre 1999 et entré en vigueur le 22 décembre 2000, est signé par la Belgique le 10 décembre 1999, mais n’a pas encore été ratifié. Ce protocole met en place un mécanisme individuel de plaintes auprès du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. En le ratifiant le gouvernement belge peut illustrer son engagement en matière de droits des femmes.

Le Protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances. Ce protocole entrera en vigueur le 1ier juillet 2003. Le gouvernement belge l’a signé le 3 mai 2002, mais ne l’a pas encore ratifié.

Le Protocole n°12 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, a été ouvert à la signature des États en décembre 2000. Le protocole a pour objectif de mettre un terme à toute discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la langue, la religion, les opinions politiques, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, sur le niveau de richesse, la naissance ou autre statut. Le gouvernement belge a signé ce protocole lors de l’ouverture à signature, mais la procédure de ratification n’a toujours pas commencé. Le Protocole n° 12 entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle dix Etats membres du Conseil de l’Europe auront exprimé leur consentement à être liés par le présent Protocole.

Commentaire

Fin mars, lors de la 59ème session de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, la délégation belge a insisté sur l’importance de la ratification universelle des traités comme un élément crucial dans la mise en pratique de la responsabilité collective de la communauté internationale en matière de droits humains. Amnesty International se réjouit des efforts que la législature précédente a faits en ratifiant, entre autres, le Statut de Rome, la Convention ILO n° 182 sur les pires formes de travail des enfants et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

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