Abolir définitivement la peine de mort

Amnesty International a appelé, mercredi 1er mars, les autorités malaisiennes à prendre rapidement des mesures pour mettre un terme à toutes les exécutions et pour abolir la peine de mort, après qu’elles eurent annoncé - pour la deuxième fois en moins d’un mois - qu’un condamné à mort avait bénéficié d’une mesure de grâce. La commutation de la sentence capitale prononcée contre Shahrul Izani bin Suparman est une bonne nouvelle. À l’opposé, cependant, les frères Suthar Batumalai et B. Rames Batumalai risquent toujours d’être exécutés très prochainement.

En décembre 2016, le sultan de l’État de Selangor a donné une suite favorable à la requête en grâce introduite par Shahrul Izani bin Suparman, commuant sa sentence en une peine de réclusion à perpétuité. Cet homme avait été condamné à la peine de mort obligatoire pour trafic de stupéfiants le 8 décembre 2009, après avoir été capturé en possession de 622 grammes de cannabis, six ans plus tôt. Cette infraction, la seule qu’il ait commise, n’entre pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » auxquels l’application de la peine capitale doit être restreinte, en vertu du droit international. La famille de Shahrul Izani bin Suparman, qui a fait campagne sans relâche pour le sauver, avec le soutien d’Amnesty International, n’a été informée de la commutation que la semaine dernière.

La nouvelle de cette commutation suit de près l’annonce, au début du mois de février 2017, de la commutation par le roi de Malaisie de la sentence capitale prononcée contre le Nigérian Osariakhi Ernest Obayangbon, dont l’exécution était prévue pour le 14 mars 2014, tôt dans la matinée. Cet homme avait fait l’objet d’un diagnostic de schizophrénie avant son appel, en 2007, et prend un traitement adapté depuis lors.

Ces deux cas ont mis en évidence les failles profondes de la justice pénale malaisienne. Dans ce système, les juges ne peuvent même pas prendre en considération les circonstances dans lesquelles une infraction a été commise ni les particularités de l’accusé à titre de circonstances atténuantes avant d’imposer une sentence capitale, peine dont l’application est irréversible. Les autorités ont annoncé à plusieurs reprises des projets de révision de la législation relative à l’imposition obligatoire de la peine de mort dans le pays, mais ils n’ont pas encore été rendus publics.

Le droit international interdit l’imposition obligatoire de la peine capitale.

Amnesty International exhorte les autorités malaisiennes à prendre immédiatement des mesures pour empêcher l’exécution imminente des frères Suthar Batumalai et B. Rames Batumalai, qui avait initialement été fixée au 24 février et n’a été suspendue que quelques heures avant le moment prévu. Les deux hommes ont été condamnés à la peine de mort obligatoire en avril 2010, après avoir été déclarés coupables d’un homicide commis le 4 février 2006. Les frères, qui étaient défendus au procès par le même avocat, ont été reconnus coupables sur la seule base de preuves circonstancielles. Pendant le procès, ils ont affirmé qu’ils étaient en réalité intervenus pour empêcher deux autres hommes d’attaquer et de tuer la victime, mais la Haute Cour n’a pas tenu compte de leurs déclarations. La Cour n’a pas non plus convoqué un témoin clé, la femme de la victime, pour qu’elle donne un témoignage qui aurait pu confirmer la version des événements donnée par les deux frères, notamment l’implication des deux autres hommes dans l’homicide. La police, quant à elle, n’a pas fait de prélèvements d’échantillons de sang des deux frères ni relevé leurs empreintes digitales, affirmant que ce n’était pas indispensable dans cette affaire et que l’identité des accusés avait été confirmée.

Aux termes des Garanties des Nations unies de 1984 pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, la peine capitale ne peut être exécutée « que lorsque la culpabilité de la personne accusée d’un crime repose sur des preuves claires et convaincantes ne laissant place à aucune autre interprétation des faits. » Le 23 février, les avocats des deux frères ont soumis au sultan et au Comité des grâces une nouvelle demande de grâce.

Amnesty International est également consternée par des propos du haut commissaire malaisien à Singapour rapportés hier, laissant entendre que le gouvernement malaisien n’interviendrait pas en faveur de deux ressortissants malaisiens, Prabagaran Srivijayan et Datchinamurthy Kataiah, qui risquent d’être exécutés à Singapour, pays voisin de la Malaisie, pour des infractions liées aux stupéfiants. L’organisation appelle à nouveau les autorités malaisiennes à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour plaider en faveur de la commutation de la sentence capitale prononcée contre ces deux hommes et pour soutenir leur famille.

À ce jour, 141 pays ont aboli la peine de mort en droit ou dans la pratique. Dans la région Asie-Pacifique, 19 pays ont aboli la peine capitale pour tous les crimes et huit autres sont abolitionnistes dans la pratique.

L’organisation encourage le gouvernement malaisien à s’appuyer sur l’avancée positive que constitue la commutation de ces sentences capitales et à instaurer immédiatement un moratoire sur toutes les exécutions, à commuer la peine des autres personnes sous le coup d’une condamnation à mort et à réformer rapidement la législation du pays en matière de peine capitale, autant de mesures essentielles vers l’abolition totale de ce châtiment.

Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances, car il s’agit d’une violation du droit à la vie proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et de la peine la plus cruelle, inhumaine et dégradante qui soit.

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