Les accusations de blasphème et incitation à la haine continuent

Amnesty International demande aux autorités indonésiennes d’abandonner immédiatement les poursuites pénales engagées contre le gouverneur de Djakarta pour blasphème et contre Buni Yani, un maître de conférences, pour des accusations d’incitation à la haine religieuse.

Le 16 novembre, la police a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les propos tenus par Basuki Tjahaja Purnama (plus connu sous le nom d’« Ahok »), le gouverneur chrétien de Djakarta, dans une vidéo publiée sur Internet et dans laquelle il aurait « insulté » des versets du Coran. Il est poursuivi au titre des articles 156 et 156(a) du Code pénal indonésien pour blasphème et risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Cette vidéo avait été vivement critiquée par beaucoup de groupes islamistes et des manifestations avaient été organisées dans tout le pays le 4 novembre pour demander qu’Ahok soit poursuivi pour diffamation de l’islam. Le premier procès s’est ouvert le 13 décembre devant le tribunal du district de Djakarta-Nord.

Des personnes soutenant Ahok ont signalé à la police que la vidéo avait été modifiée de manière à déformer ses propos. Le 23 novembre, Buni Yani a été désigné comme suspect dans une enquête pénale par la police indonésienne parce qu’il aurait publié la vidéo sur Internet. La police a déclaré avoir recueilli des éléments prouvant que Buni Yani avait incité à la haine religieuse en supprimant intentionnellement des mots-clés de la vidéo et de sa transcription. Buni Yani est poursuivi au titre de l’article 28(2) de la Loi n° 11/2008 relative aux informations et aux transactions électroniques (Loi ITE).

L’article 28(2) de la Loi ITE, au titre duquel Buni Yani est poursuivi, prévoit une peine maximale de six ans d’emprisonnement et une amende pouvant atteindre un milliard de roupies indonésiennes pour « toute personne qui, délibérément et sans en détenir les droits, distribue des informations dans le but de susciter la haine ou l’hostilité à l’égard de quelqu’un et/ou de groupes en se basant sur l’appartenance ethnique, la religion, la couleur de peau et les intergroupes (antargolongan) ». Bien que cette disposition fasse référence à l’incitation à la haine à l’égard des personnes, elle est en pratique souvent utilisée pour poursuivre en justice des personnes accusées d’avoir diffamé ou insulté une religion dans le cadre de leurs activités sur Internet.

Dans les deux cas, ces poursuites bafouent l’obligation de l’Indonésie de respecter et de protéger la liberté d’expression et de pensée, d’opinion et de religion ou de croyance.

Au titre du droit international relatif aux droits humains, et conformément à l’article 20(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Indonésie est partie, les États doivent interdire tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, l’hostilité ou la violence. Cette interdiction concerne l’incitation à la haine à l’égard de personnes appartenant à des groupes particuliers, y compris des groupes religieux ; elle ne s’applique pas aux insultes envers des religions ou des croyances elles-mêmes. Afin de respecter le PIDCP, toute interdiction de ce type doit être formulée très précisément pour ne couvrir que les formes d’expression contenant à la fois des éléments d’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse et des éléments d’appel à la haine à l’égard des personnes concernées. De plus, de tels actes ne peuvent faire l’objet de poursuites pénales que s’il existe des preuves que les deux éléments étaient intentionnels.

Les dispositions des articles 156 et 156(a) du Code pénal relatives au blasphème prévoient des poursuites pénales pour « toute personne qui, d’une façon délibérée et publique, exprime des opinions ou se livre à des activités étant en principe assimilables à l’hostilité ou considérées comme blasphématoires ou irrespectueuses à l’égard d’une religion pratiquée en Indonésie ». Le droit international relatif aux droits humains autorise les États à imposer certaines restrictions à l’exercice de la liberté d’expression lorsqu’il est prouvé que cela est nécessaire à la protection des droits d’autres personnes. Cependant, cette disposition ne peut être utilisée pour protéger des systèmes de croyance de la critique. Le droit à la liberté de religion ou de croyance protège les droits des personnes et des groupes, mais pas les religions elles-mêmes, et il n’inclut pas le droit d’avoir une religion ou une croyance qui soit protégée de toute forme de critique ou de dérision. Par conséquent, les lois qui se fondent sur ce principe pour limiter la liberté d’expression, telles que les lois sur le blasphème ou sur les insultes à l’égard des religions, bafouent le droit à la liberté d’expression et doivent être abrogées.

Amnesty International demande aux autorités indonésiennes de mettre fin aux poursuites contre Ahok et Buni Yani. L’organisation appelle également les autorités du pays à abroger les articles 156 et 156(a) du Code pénal et à modifier l’article 28(2) de la Loi ITE afin de le mettre en conformité avec les obligations de l’Indonésie en vertu du droit international, et de veiller à ce qu’il ne soit pas utilisé pour bafouer le droit à la liberté d’expression.

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