Neuf anciens membres des forces de sécurité gouvernementales ont été victimes d’une exécution extrajudiciaire après s’être rendus
Parmi les victimes, une adolescente de 17 ans, prise entre deux feux
Ces homicides se sont déroulés dans le village de Kahor, dans le district de Khidir, le 30 août. Onze des victimes étaient d’anciens membres des Forces de sécurité et de défense nationale afghanes (ANDSF) et les deux autres étaient des civils.
« Ces exécutions commises de sang-froid prouvent une nouvelle fois que les talibans se livrent aux mêmes violations abjectes qui les ont rendus tristement célèbres lorsqu’ils étaient à la tête de l’Afghanistan »
Selon des témoins interrogés par Amnesty International, les talibans ont exécuté sommairement neuf membres des ANDSF alors qu’ils s’étaient rendus, et ces homicides pourraient constituer des crimes de guerre. Deux civils ont été tués alors qu’ils tentaient de s’enfuir, dont une adolescente de 17 ans abattue lorsque les talibans ont ouvert le feu sur le groupe rassemblé.
Amnesty International a authentifié des photographies et des preuves vidéo prises au lendemain de ces homicides, et a identifié le site du village de Kahor, où ces faits sont survenus.
« Ces exécutions commises de sang-froid prouvent une nouvelle fois que les talibans se livrent aux mêmes violations abjectes qui les ont rendus tristement célèbres lorsqu’ils étaient à la tête de l’Afghanistan, a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.
« Ils doivent mettre un terme à ces actes cruels de vengeance et veiller à ce que les personnes qui travaillaient pour l’ancien gouvernement et leurs familles puissent vivre en toute sécurité en Afghanistan »
« Ils piétinent encore et encore les droits de ceux qu’ils considèrent comme leurs adversaires, et vont jusqu’à tuer des personnes qui s’étaient pourtant rendues. Les talibans assurent qu’ils ne ciblent pas les employés du précédent gouvernement, mais ces assassinats prouvent le contraire.
« Ils doivent mettre un terme à ces actes cruels de vengeance et veiller à ce que les personnes qui travaillaient pour l’ancien gouvernement et leurs familles puissent vivre en toute sécurité en Afghanistan. Le nouveau gouvernement doit faire clairement savoir que ces graves atteintes aux droits humains ne seront pas tolérées et que les responsables présumés seront traduits en justice. »
Il s’est avéré difficile de vérifier les violations commises par les talibans depuis qu’ils ont pris le contrôle de l’Afghanistan en août 2021, car ils ont coupé les services de téléphonie mobile dans de nombreuses régions. Peu après la chute de Kaboul, Amnesty International a enquêté sur le massacre de neuf hommes hazaras imputable aux combattants talibans après qu’ils ont pris le contrôle de la province de Ghazni.
Homicides dans le village de Kahor
« Ils piétinent encore et encore les droits de ceux qu’ils considèrent comme leurs adversaires, et vont jusqu’à tuer des personnes qui s’étaient pourtant rendues »
Les talibans ont pris le contrôle de la province de Daykundi le 14 août. On estime que 34 anciens membres des Forces de sécurité et de défense nationale afghanes (ANDSF) se sont tout d’abord réfugiés dans le district de Khidir, emportant avec eux des équipements militaires et des armes du gouvernement. Ils ont ensuite accepté de se rendre aux talibans, qui avaient établi leur autorité sur de vastes portions de territoire de la région.
Mohammad Azim Sedaqat, qui dirigeait les hommes qui se sont rendus, a fait en sorte de désactiver leurs armes en présence des talibans. Le 29 août, les hommes ont négocié leur pleine reddition aux talibans.
Le 30 août, quelque 300 combattants talibans sont arrivés en convoi, non loin du village de Dahani Qul, où se trouvaient les membres des Forces de sécurité et de défense nationale afghanes (ANDSF), certains avec des proches. Alors qu’ils tentaient de quitter la zone avec leurs familles, un véhicule est resté bloqué près du village de Kahor.
« Les talibans assurent qu’ils ne ciblent pas les employés du précédent gouvernement, mais ces assassinats prouvent le contraire »
Lorsque les combattants talibans les ont rattrapés, ils ont ouvert le feu sur eux, tuant une adolescente âgée de 17 ans, appelée Masuma. L’un des membres des ANDSF a alors riposté, tuant un combattant taliban et en blessant un autre.
Les talibans ont continué de faire feu alors que les familles s’enfuyaient et ont tué deux membres des ANDSF qui fuyaient les lieux. Neuf autres se sont rendus et les talibans les ont rapidement conduits vers un bassin de la rivière non loin, où ils les ont exécutés.
Les vidéos et les photographies examinées par Amnesty International montrent les cadavres de 11 hommes alignés, la plupart présentant des blessures par balles à la tête. Sur une vidéo, on voit un cadavre être hissé en haut d’une pente, et le lieu serait bien le bassin de la rivière près de Kahor. Amnesty International n’a pas pu géolocaliser de manière indépendante cette vidéo, mais son contenu correspond aux témoignages décrivant le lieu comme étant proche de Kahor.
Voici les noms et les âges estimés des 11 membres des Forces de sécurité et de défense nationale afghanes (ANDSF) : Musa Amiri, 46 ans ; Khudad Jawahiri, 33 ans ; Esmatullah Zarigh, 34 ans ; Noor Ali Ibrahimi, 34 ans ; Habibullah, 33 ans ; Amanullah, 32 ans ; Reza Karimi, 31 ans ; Dawran, 26 ans ; Dur Mohammad, 41 ans ; Abdul Hamid Fahimi, 28 ans ; et Reza Joya, 33 ans.
Au lendemain des homicides
« Le nouveau gouvernement doit faire clairement savoir que ces graves atteintes aux droits humains ne seront pas tolérées et que les responsables présumés seront traduits en justice »
Le 31 août, le lendemain des homicides, les villageois ont emmené les corps à Dahani Qul, où ils ont été ensuite amenés sur des lopins de terre des familles pour y être inhumés. Amnesty International a examiné et vérifié des informations confirmant les lieux de deux tombes et l’identité des personnes qui y sont enterrées.
Les talibans ont alors dit aux membres des familles présents que toute personne qui avait fui devait revenir et se rendre sous trois jours. Les personnes interrogées par Amnesty International ont indiqué qu’un responsable taliban les avait avertis : « Je tue des gens depuis 20 ans. C’est facile pour moi de tuer. Je peux recommencer. »
Le 1er septembre, Sadiqullah Abed, le chef de la police nommé par les talibans pour la province de Daykundi, a nié que des homicides aient été perpétrés [1], se contenant de confirmer qu’un membre des talibans avait été blessé lors d’une attaque à Daykundi.
Complément d’information
Les talibans ont pris le pouvoir en Afghanistan à la suite de la chute du gouvernement mi-août 2021. Amnesty International a demandé que soient protégés les milliers d’Afghans, universitaires, journalistes, militant·e·s de la société civile et femmes défenseures des droits fondamentaux notamment, qui risquent fortement de subir les représailles des talibans.
Dans un récent rapport intitulé Afghanistan’s fall into the hands of the Taliban, Amnesty International a détaillé la longue liste des atteintes aux droits humains commises par les talibans, notamment les homicides ciblés de civils et de soldats qui s’étaient rendus, et le blocus de l’aide humanitaire, actes qui constituent des crimes de droit international.