Communiqué de presse

Afghanistan. Il est à craindre que le transfert des détenus de Bagram ne donne lieu à des actes de torture

Selon Amnesty International, le transfert de plusieurs centaines de prisonniers du centre de détention de la base américaine de Bagram aux autorités afghanes est source de profonde préoccupation à cause du risque de torture auquel ils sont exposés. L’organisation ajoute que ce transfert de responsabilité ne doit pas avoir lieu avant que ces préoccupations n’aient été véritablement prises en compte.

Le président Afghan, Hamid Karzai, a annoncé le 6 mars qu’un groupe de prisonniers du centre de détention de Bagram, au nord de Kaboul, allaient être transférés par les États-Unis aux autorités afghanes le 9 mars. Le gouvernement américain est tenu juridiquement de ne pas transférer des personnes lorsqu’il existe un risque qu’elles soient torturées ou maltraitées.

Des responsables militaires du gouvernement afghan ont affirmé que le transfert de 400 à 500 Afghans mettrait un terme au processus de transfert des détenus amorcé il y a exactement un an – le 9 mars 2012 – dans le cadre d’un protocole d’accord entre les gouvernements américain et afghan.

Le transfert du 9 mars peut être soumis aux dispositions de ce protocole d’accord qui prévoit que les États-Unis conserveront au minimum une certaine influence ou un contrôle relatif sur les perspectives de libération des détenus afghans transférés aux autorités de leur pays. Le protocole d’accord ne précise pas si les États-Unis exerceront un contrôle similaire sur le traitement auquel ils seront soumis, une question qui demeure incertaine.

Aux termes de l’accord, les États-Unis « ont l’intention » de continuer à transférer aux autorités afghanes des prisonniers arrêtés récemment. Qui plus est, l’armée américaine gardera le contrôle exclusif pour une durée indéterminée d’une cinquantaine de prisonniers non afghans actuellement incarcérés à Bagram et dont certains sont détenus par les États-Unis sans inculpation ni jugement depuis plus de 10 ans. Les autorités américaines ont obtenu des tribunaux le droit de continuer à détenir ces prisonniers sans que leurs requêtes en habeas corpus ne puissent être examinées par une juridiction fédérale américaine.

Amnesty International ainsi que d’autres observateurs dont la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) ont signalé dans le passé le recours répandu, en toute impunité, à la torture et aux mauvais traitements par la Direction nationale de la sécurité (DNS) et d’autres services afghans dans les centres de détention. Dans un rapport rendu public en janvier, la MANUA a exprimé sa profonde préoccupation à propos de la pratique de la torture dans le système pénitentiaire afghan et elle a fait observer que les détenus soupçonnés de liens avec des groupes d’insurgés, comme les talibans, risquaient tout particulièrement d’être torturés. Le gouvernement afghan a ensuite nommé sa propre commission d’enquête qui a confirmé l’usage de la torture et des mauvais traitements dans les prisons afghanes. Amnesty International estime qu’il est essentiel que les autorités afghanes donnent suite à ces constatations et défèrent à la justice les personnes soupçonnées d’être responsables de ces agissements, quels que soient leur grade et leurs fonctions.

Le gouvernement afghan doit réformer le système pénitentiaire afin d’empêcher le recours à la torture et aux mauvais traitements. Ces réformes doivent mettre en place des normes minimales de protection des droits humains ainsi que les garanties d’une procédure régulière pour tous les détenus. Toutes les plaintes pour torture et autres formes de mauvais traitements doivent faire l’objet sans délai d’enquêtes approfondies et impartiales débouchant sur la comparution en justice des responsables, dans le cadre d’une procédure équitable, quels que soient leur grade et leurs fonctions. Le gouvernement doit également accorder des réparations aux victimes et prendre toutes autres mesures légales, administratives et pratiques pour éliminer la torture et les mauvais traitements.

De même, le gouvernement américain doit diligenter une enquête sur tous les cas de torture et de mauvais traitements imputables à ses agents, traduire les responsables en justice et accorder des réparations aux victimes.

Les victimes d’atteintes aux droits humains perpétrées par des groupes armés ont également droit à la vérité, à la justice et à des réparations. Amnesty International appelle les gouvernements américain et afghan à donner à ces victimes la possibilité de voir les détenus de Bagram soupçonnés de crimes au regard du droit international traduits en justice dans le cadre de procédures équitables, sans que la peine de mort ne puisse être requise.

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