AFGHANISTAN : La communauté internationale doit prendre des mesures immédiates pour faire respecter les règles du droit

Plus d’un an et demi après l’intervention militaire dirigée par les États-Unis, l’autorité de la loi est sérieusement affectée en Afghanistan par l’incapacité de la communauté internationale à fournir l’assistance requise de façon urgente, selon un rapport rendu public ce jeudi 14 août 2003 par Amnesty International.
« Au moment où toute l’attention de la communauté internationale est tournée vers la reconstruction de l’Irak, il ne faudrait pas que l’on revienne sur les promesses faites aux Afghans, a déclaré Amnesty International. L’Afghanistan est toujours sur la liste des pays en souffrance. Le rétablissement de sa situation est compromis par l’incapacité de la communauté internationale à fournir un soutien financier et politique à long terme au secteur de la justice. Rétablir le respect des règles du droit est une condition préalable indispensable pour que règnent la paix et la sécurité. »
L’intervention militaire dirigée par les États-Unis s’était accompagnée d’un engagement international à fournir un soutien au rétablissement d’un état de droit en Afghanistan. Cependant, le programme promis d’assistance au système judiciaire manque d’orientation stratégique et n’a commencé qu’avec retard. « Les fonds promis jusqu’ici sont loin de correspondre aux besoins réels pour permettre une reconstruction effective du système de justice pénale, a déclaré Amnesty International. En conséquence, le système judiciaire afghan ne fonctionne qu’au ralenti - là où des tribunaux ont été établis, ils manquent des moyens les plus élémentaires au bon fonctionnement de la justice.
« En outre, l’absence de tout contrôle effectif du gouvernement en dehors de Kaboul, l’existence d’un conflit qui se poursuit et la mainmise par des commandants et des groupes armés sur certaines régions du pays sont autant de facteurs qui affectent la légitimité des tribunaux afghans et l’indépendance du pouvoir judiciaire. La réticence de la communauté internationale à assurer une sécurité effective en dehors de Kaboul rend le pouvoir judiciaire extrêmement vulnérable ; dans de nombreuses régions, certaines personnes sont toujours au-dessus des lois du fait de leur statut au sein de la communauté ou parce qu’elles ont la possibilité d’user de menaces et d’actes d’intimidation pour influencer la procédure judiciaire. »
Les droits des accusés ne sont pas protégés par le système de justice pénale. Les accusés, y compris les enfants, n’ont pas droit à un procès équitable ; la détention arbitraire est un problème récurrent. La police afghane ne dispose pas des équipements nécessaires pour enquêter et a recours de façon quasi systématique à la torture. De nombreux juges n’ont ni la formation ni les qualifications requises pour faire appliquer le droit de leur pays, et encore moins le droit international. De ce fait, des adultes et des enfants sont déclarés coupables en dépit du manque de preuves, à l’issue de procès contraires aux règles d’équité les plus élémentaires. Des facteurs économiques pouvant influencer certaines décisions ont aussi conduit à une corruption généralisée.
Le haut niveau de discrimination contre les femmes en Afghanistan se reflète aussi dans le système de justice pénale. Accusées et victimes femmes n’ont pas accès à la justice et sont victimes de discrimination dans les systèmes de justice formel et informel. « Le système est incapable de protéger les victimes de viols, de violences domestiques et de la pratique des mariages forcées de mineures, a déclaré Amnesty International. Des jeunes filles et des femmes sont poursuivies pour avoir eu des rapports sexuels de manière consentante - dans certaines régions, la police interpelle au hasard des jeunes filles et des femmes pour les soumettre de force à des tests de virginité. »
Des jeunes filles et des jeunes femmes sont emprisonnées pour « avoir fui » des mariages forcés ou des maris violents. Dans l’une des affaires exposées dans le rapport, une fille de dix-huit ans, accusée d’avoir refusé d’épouser son cousin comme le souhaitait sa famille, a entendu le juge lui dire lors de sa première comparution qu’elle « devrait être lapidée ». Une autre, âgée de quatorze ans, a été condamnée à trois ans d’emprisonnement pour « s’être enfuie » de chez son mari, un homme violent qu’elle avait été forcée d’épouser.
« Le système de justice informel condamne parfois l’une des parties à donner des jeunes filles et de jeunes femmes comme compensation lorsqu’un crime a été commis, a révélé Amnesty International.
« Il est urgent que la communauté internationale et le gouvernement afghan prennent des mesures pour faire en sorte que soit respecté les droits humains des femmes afghanes. Une réforme légale est nécessaire pour que disparaisse la discrimination à l’égard des femmes et une intégration active des femmes dans les services de police et au sein du judiciaire doit être envisagée. »
Au cours des vingt-trois années de conflit armé continu dans leur pays, les Afghans ont été victimes de violations de leurs droits fondamentaux et d’atteintes aux droits humains à très grande échelle. En dépit des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et autres violations graves des droits humains qui ont eu lieu sur une échelle sans précédent, un climat d’impunité continue de régner et les victimes se voient toujours refuser le droit à la justice. « Mettre un terme à l’impunité régnante est essentiel pour faire régner la justice et empêcher que ne se reproduisent de pareils crimes », a déclaré Amnesty International.
Reconstruire un système judiciaire après presque un quart de siècle de conflit représente un formidable défi. Amnesty International a établi une liste de mesures pratiques qui pourraient être prises par le gouvernement afghan et la communauté internationale. L’organisation recommande en particulier l’établissement d’une commission indépendante, chargée d’enquêter sur les fautes commises par des membres du personnel judiciaire dans l’exercice de leurs fonctions. Elle recommande également l’établissement d’un mécanisme d’enregistrement des plaintes et le développement d’un programme de formation et de soutien pour les avocats de la défense. « Une réforme juridique doit également être faite de toute urgence pour que les droits humains de tous les Afghans soient protégés et pour que les personnes soupçonnées d’être responsables de violations des droits humains et de crimes de guerre soient traduites en justice.
« L’Afghanistan a besoin d’une assistance et d’un soutien global et à long terme pour pouvoir développer un système judiciaire qui s’appuie sur le respect des règles du droit et fonctionne d’une manière conforme aux normes internationales universellement acceptées en matière de droits humains. Le respect des règles du droit ne pourra être atteint qu’avec le soutien et l’engagement durable de la communauté internationale et des acteurs afghans les plus importants », a conclu l’organisation.

Pour une copie (en anglais) du rapport d’Amnesty International, veuillez consulter le site
http://web.amnesty.org/library/inde...

Index AI : ASA 11/022/2003

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