AFGHANISTAN : La première exécution depuis la chute des talibans

Index AI : ASA 11/007/2004
ÉFAI

Lundi 26 avril 2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a exprimé son indignation ce lundi 26 avril, à la
nouvelle de la première exécution judiciaire connue à Kaboul depuis la chute
des talibans. Abdullah Shah, un chef militaire de Paghman, a été exécuté
autour du 19 avril. Amnesty International demande au président Karzai de
déclarer formellement un moratoire sur les exécutions, à la suite des
promesses faites à Amnesty International en 2003.

Au cours de l’année dernière, Amnesty International a réuni de nombreux
éléments sur les multiples failles du système judiciaire pénal afghan. Ce
système se montre actuellement incapable de respecter les normes même les
plus élémentaires d’équité des procès, comme l’a souligné le Rapporteur
spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires, après avoir observé le déroulement du procès d’Abdullah Shah.

Amnesty International craint que l’exécution d’Abdullah Shah constitue une
tentative de politiques influents pour éliminer un témoin clé de violations
des droits humains. Au cours de sa détention, Abdullah Shah aurait révélé
des informations de première main mettant en cause plusieurs chefs régionaux
actuellement en situation de pouvoir et ne faisant l’objet d’aucune
inculpation. Ces hommes figurent parmi les nombreux Afghans impliqués dans
de graves infractions au droit, comme les crimes de guerre ou les crimes
contre l’humanité. L’absence de mécanisme équitable et indépendant chargé de
traiter ces crimes permet à la plupart des accusés de ne pas être traduits
en justice et de rester au pouvoir, continuant ainsi à menacer la population
afghane. Cette situation est d’autant plus préoccupante à l’approche de
l’élection de septembre 2004 : plusieurs des personnes concernées se
présenteront sans doute à des postes de responsabilité politique.

Contexte

Amnesty International a écrit en septembre 2003 au président Karzai à propos
de l’affaire Abdullah Shah, après que des délégués de l’organisation eurent
assisté à certaines séances du procès. Ils avaient noté que celui-ci ne
respectait pas les normes internationales pour un procès équitable, et ce de
plusieurs manières. Selon les normes internationales, notamment le Pacte
relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) auquel l’Afghanistan est
État partie, une personne sous le coup d’une inculpation pouvant entraîner
la peine de mort doit être représentée par un avocat à toutes les étapes de
la procédure. Cependant, Abdullah Shah ne disposait d’aucun avocat lors de
son procès. Le droit à une audience publique constitue une autre garantie
essentielle de l’équité et de l’indépendance du processus judiciaire.
Pourtant, le procès d’Abdullah Shah s’est déroulé dans un « tribunal spécial
 » qui n’était pas ouvert au public. Les normes internationales définissent
aussi qui doit juger l’affaire ; elles stipulent que la première garantie
institutionnelle pour un procès équitable consiste à faire rendre les
décisions par des tribunaux compétents, indépendants et impartiaux créés par
la loi. Dans le cas d’Abdullah Shah, le président prévu au départ aurait été
récusé pour avoir accepté un pot-de-vin, et le second président aurait
hâtivement imposé la peine de mort sous la pression de la Cour suprême.

Toute personne sous le coup d’une inculpation pénale a le droit de faire
comparaître les témoins et d’examiner ces témoins en son nom au cours du
procès, comme le stipule le PIDCP. Pourtant, dans le cas d’Abdullah Shah,
alors que 23 plaintes écrites formaient l’essentiel des éléments à charge,
la défense n’a pas pu procéder à aucun contre-examen.

Les normes internationales stipulent également que les entraves doivent être
ôtées à un détenu ou un prisonnier avant sa comparution devant une autorité
judiciaire, afin de ne pas nuire à la présomption d’innocence. Abdullah Shah
portait des entraves aux jambes pendant tout le procès. Abdullah Shah a
également affirmé devant le tribunal qu’il avait été forcé de signer des
aveux, et qu’il avait été torturé en détention, montrant des blessures aux
jambes ainsi qu’aux dents et à la main. Les allégations de déclarations
obtenues sous la torture doivent faire l’objet d’un examen prompt et
impartial par les autorités compétentes, dont des juges. Cependant, à la
connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été ouverte.

En octobre 2002, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a déclaré après avoir observé le
déroulement du procès d’Abdullah Shah, que l’incompétence du système
judiciaire afghan avait régulièrement été dénoncée, et qu’elle l’avait
elle-même observée au cours d’un procès médiatisé. Le Rapporteur constatait
avec inquiétude que les garanties et les restrictions définies par les
normes internationales pour l’imposition de la peine capitale n’étaient pas
respectées à ce stade. Le Rapporteur demandait donc que la peine de mort
soit suspendue et que soit mis en place un moratoire sur les exécutions,
jusqu’à ce que les normes internationales soient respectées. En 2003, la
Commission des droits de l’homme des Nations unies avait demandé à
l’autorité intérimaire afghane de déclarer un moratoire sur la peine de
mort, à la lumière des importantes failles procédurales du système
judiciaire afghan.

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