Afghanistan. Les femmes défenseures des droits humains continuent de lutter pour les droits des femmes

Déclaration publique

ASA 11/003/2008

À la veille de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, Amnesty International tient à apporter son soutien aux droits fondamentaux des femmes en général en Afghanistan, et plus particulièrement aux femmes défenseures des droits humains. Leur combat en faveur des droits est une pierre angulaire du développement civil, politique, économique, social et culturel de leur pays. Pourtant, en défendant leurs droits, elles sont souvent en butte à des lois, politiques et pratiques discriminatoires, ainsi qu’à des agressions les ciblant en tant que femmes et en tant que femmes luttant pour les libertés fondamentales. Amnesty International exhorte le gouvernement afghan et ses partenaires internationaux à réaffirmer leur engagement en faveur de la protection des droits des femmes, des jeunes filles et des fillettes en Afghanistan, conformément au droit et aux instruments internationaux relatifs aux droits humains.

Afin de concrétiser leurs droits fondamentaux, les jeunes filles et les fillettes doivent absolument avoir accès à l’éducation, dans des conditions de sécurité. En Afghanistan, aller à l’école représente un danger quotidien pour bien des fillettes et des femmes, que ce soit pour étudier ou enseigner. Leur courage face à de terribles obstacles rappelle que la lutte pour le droit à l’éducation est permanente dans de nombreuses communautés afghanes.

Dans les régions où règnent le conflit et l’insécurité, nombre de femmes ont peur de sortir de chez elles et d’envoyer leurs filles à l’école. N’ayant qu’une liberté de mouvement restreinte, il leur est difficile de travailler et de prendre part à la vie publique. La terreur engendrée par les attaques des talibans et d’autres groupes armés contre les écoles met en péril le droit à l’éducation de dizaines de milliers d’enfants, et tout particulièrement de jeunes filles. Au cours de l’année 2007, plus de 350 écoles auraient fermé leurs portes dans les provinces du sud du pays.

Par ailleurs, les femmes continuent d’être victimes des attaques menées par des groupes armés contre des civils ou menées sans discrimination par toutes les parties au conflit. Elles ont été spécifiquement visées à de nombreuses reprises par les talibans et d’autres groupes armés et particuliers. Les membres d’organisations humanitaires et les personnels de santé, les candidates aux élections et les élues, sont systématiquement prises pour cibles et certaines en sont mortes.

En septembre 2006, Safiye Amajan, responsable du ministère de la Condition féminine à Kandahar, a été abattue alors qu’elle quittait son domicile pour se rendre à son travail. En 2007, Zakia Zami, propriétaire d’une station de radio connue pour sa critique vigoureuse des seigneurs de la guerre, a été assassinée alors qu’elle dormait aux côtés de ses deux jeunes fils. Six personnes ont été arrêtées dans le cadre de ce meurtre, mais, tout comme dans l’affaire concernant Safiye Amajan, aucune n’a encore été traduite en justice.

Amnesty International salue les progrès accomplis en matière de promotion des droits des femmes depuis la chute du régime taliban, notamment la création du ministère de la Condition féminine, l’adoption du plan national d’action en faveur des femmes, un meilleur accès à l’éducation et une meilleure représentation des femmes au Parlement. Toutefois, les femmes et les fillettes afghanes continuent d’être en butte à une discrimination généralisée de tous les secteurs de la société, à la violence domestique, aux enlèvements et aux viols imputables à des hommes armés, à la traite, aux mariages forcés – y compris de fillettes de plus en plus jeunes – et aux échanges permettant de régler des litiges et des dettes.

En outre, les femmes sont exposées aux violences physiques au sein même de leur foyer. Les maris, les frères et les pères demeurent les principaux auteurs de ces violences au sein de la famille ; mais le pouvoir qu’ils exercent est renforcé par les autorités de l’État et les systèmes judiciaires non officiels, au travers de la discrimination et de l’absence de volonté de prendre des mesures efficaces contre ces agissements. D’après un rapport de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan (CIDHA), le nombre de cas signalés de violence domestique contre les femmes a augmenté en 2007, lors même que la situation se détériorait en termes de sécurité. La situation des femmes est encore aggravée par une pauvreté endémique, souvent extrême, un accès restreint aux services de santé et une insécurité en matière d’emploi et d’alimentation, contribuant à fragiliser leur statut.

Au nom de la tradition et de la religion, les attitudes culturelles et les codes sociétaux dominants sont invoqués pour justifier le fait de priver les femmes de la possibilité de jouir de leurs droits fondamentaux. En raison d’actes perçus comme des transgressions à ces codes, plusieurs femmes ont été incarcérées, voire tuées. Prêtes à tout pour échapper à des situations de violence comme le mariage forcé, 165 femmes se sont suicidées en s’immolant par le feu en 2007, d’après la CIDHA.

La Stratégie intérimaire de développement national de l’Afghanistan, tout comme l’Afghanistan Compact (Pacte de l’Afghanistan) conclu en janvier 2006, s’attachent à renforcer le système judiciaire, protéger les droits humains et promouvoir l’égalité entre hommes et femmes. En dépit de ces fondations, Amnesty International craint que le gouvernement afghan ne soit pas en mesure de garantir l’accès à la justice pour les femmes dont les droits ont été bafoués. La police, les tribunaux et l’ensemble des représentants du secteur judiciaire traitent rarement les plaintes pour violences déposées par des femmes, y compris pour viol et autres violences sexuelles. Les femmes, qu’elles soient victimes ou accusées, ne peuvent guère recourir à la justice et font l’objet de discriminations au sein des systèmes judiciaires tant officiel que non officiel.

Amnesty International exhorte le gouvernement afghan à prendre des mesures immédiates et efficaces afin de veiller à ce que les droits fondamentaux des femmes ne soient pas relégués au dernier rang des préoccupations politiques et de développement. En s’appuyant sur ses initiatives, il doit faire en sorte que les lois et les politiques deviennent réalité sur le terrain et que les droits fondamentaux de toutes les femmes et fillettes afghanes soient respectés, protégés et concrétisés.

En outre, le gouvernement afghan doit veiller à ce que les défenseurs des droits humains puissent mener à bien leur mission essentielle consistant à recenser les violations des droits humains, soutenir les normes internationales relatives à ces droits et contribuer au développement de la société. Lorsque les droits des défenseurs sont bafoués, les gouvernements doivent veiller à ce que les responsables présumés soient déférés à la justice.

Bien souvent, les femmes défenseures des droits humains sont en butte à diverses violations de leurs droits en vue de les réduire au silence et de paralyser leur action. À l’occasion de la Journée internationale de la femme, ces femmes vont une nouvelle fois faire entendre leur voix en faveur des droits fondamentaux.

La Stratégie de développement national de l’Afghanistan énonce les mécanismes et les priorités stratégiques en vue de mettre en œuvre la vision du gouvernement en matière de développement. Une version intérimaire a été présentée à la communauté internationale en janvier 2006. L’Afghanistan Compact est un accord politique conclu entre le gouvernement afghan et la communauté internationale afin de travailler ensemble à la réalisation sur cinq ans d’objectifs associés aux trois piliers de la Stratégie : la sécurité ; la gouvernance, l’état de droit et les droits humains, et le développement économique et social.

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