AFGHANISTAN : Pas de compromis à propos de la promesse de plus de sécurité, de justice et de droits humains

Index AI : ASA 11/019/2003
ÉFAI

Mardi 8 juillet 2003

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

« Un an après l’accord historique de Bonn, le projet de reconstruction le plus important en Afghanistan est celui qui consiste à apporter la sécurité à tout le pays. Sans cela, tout est remis en cause, a déclaré à Kaboul ce mardi 8 juillet 2003, Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty International.

Très souvent, les cibles de l’insécurité régnante sont les femmes et les jeunes filles. Des épisodes de violence ont empêché la progression de l’aide humanitaire et la reconstruction dans de nombreuses régions du pays.

« On a promis aux Afghans de leur apporter la sécurité, le développement et des droits humains pour tous. Mais avec la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) cantonnée à Kaboul, le pouvoir réel se retrouve aux mains des chefs féodaux et des commandants régionaux. La grande majorité de la population vit dans la crainte sous leur contrôle, a souligné Irene Khan. De nombreuses promesses ont été faites à Bonn mais les attentes n’ont pas été comblées, les résultats ont été minime et, il y a eu un manque de stratégie. »

Le principal défi pour l’Afghanistan aujourd’hui est de construire des institutions qui respecteront la primauté du droit et protègeront les droits humains. « Ce processus représente des défis colossaux à court et à long terme », a déclaré Irene Khan à l’occasion de la publication du rapport d’Amnesty International sur la nécessité de réformer le système pénitentiaire en Afghanistan. Ce rapport s’inscrit dans le cadre du projet de réforme du système de justice pénale élaboré par Amnesty International pendant un an.

« À travers tout le pays, des hommes et des femmes souffrent en détention, privés non seulement de leur liberté mais également dépouillés de leur dignité », a poursuivi Irene Khan lors de sa conférence de presse à Kaboul.

Des prisonniers sont détenus pendant des mois dans des cellules surpeuplées, certains enchaînés ; ils n’ont pas assez à manger, il n’y a pas suffisamment de draps ni de couvertures. Les bâtiments qui abritent les prisons sont délabrés et les conditions sanitaires sont déplorables.

Les donateurs n’aiment pas beaucoup les prisons. Amnesty International lance un appel au gouvernement italien, en charge de la refonte du système pénal, de s’assurer que les donateurs fourniront l’argent, les moyens de formation et les compétences dont a désespérément besoin le ministère de la Justice.

Cependant l’argent seul ne résoudra pas le problème. L’Autorité provisoire afghane (ATA) doit élaborer un plan de réforme des prisons et instaurer un organisme indépendant d’enquête afin de protéger les prisonniers de toute atteinte aux droits humains.

« Tous les détenus doivent comparaître rapidement devant un juge et toute personne détenue sans qu’il y ait eu preuve qu’elle ait commis un délit doit être remise en liberté immédiatement. La détention arbitraire et les « prisons privées » doivent disparaître », a déclaré Irene Khan.

La mise en place d’une force de police efficace et d’un système judiciaire et pénitentiaire respectant les normes internationales en matière de droits humains sera un processus lent et compliqué en Afghanistan, mais si l’on veut que la notion de droits humains signifie quelque chose pour les gens ordinaires, le gouvernement et la communauté des pays donateurs doivent s’engager de façon durable et à long terme.

« Il n’y a pas de chemin plus court pour arriver à la justice, a ajouté la secrétaire générale. La justice n’est pas non plus le privilège de quelques-uns. »

Les efforts de réforme du secteur de la justice étant concentrés principalement sur Kaboul, les règles du droit ont été remplacées par le droit des factions dans le reste du pays. Le président Hamid Karzaï doit adopter une position politique courageuse et réaffirmer l’autorité de son gouvernement sur les commandants régionaux afin que les droits humains et la primauté du droit s’étendent à tout le pays. Une justice fragmentée est une justice en échec.

Amnesty International appelle la communauté internationale à :

 étendre les dispositions de sécurité en dehors de Kaboul ;

 investir dans le système de justice pénale ;

 construire des institutions de défense des droits humains dans toutes les provinces.

« L’histoire récente de l’Afghanistan montre que l’insécurité a un coût plus élevé que la sécurité. »

Alors que le calendrier fixé par l’Accord de Bonn pour la mise en place d’une Loya Jirga constitutionnelle et la tenue d’élections nationales arrive à échéance, l’Administration provisoire et la communauté internationale doivent respecter les promesses qu’ils ont faites au peuple afghan.

« Les droits humains ne doivent pas être relégués à la dernière ligne de l’agenda politique », a conclu Irene Khan.

Complément d’information

En juin 2002, Amnesty International a mis en place un projet d’un an portant sur la réforme du système de justice pénale en Afghanistan. L’objectif était d’effectuer des recherches, de consulter des ONG locales et internationales et de faire des recommandations aux autorités afghanes, aux Nations unies et à la communauté internationale des donateurs. Un premier rapport concernant le maintien de l’ordre a été rendu public en mars 2003, suivi par un rapport sur les prisons en juillet 2003. Deux autres rapports porteront sur la réforme judiciaire et sur les femmes dans le système de justice pénale.

Une délégation d’Amnesty International conduite par Irene Khan, secrétaire générale de l’organisation, et comprenant Barbara Lochbihler, directrice d’Amnesty International Allemagne et des membres du personnel d’Amnesty International s’est rendue à Kaboul cette semaine pour y rencontrer : le président Hamid Karzaï, l’ambassadeur Lakhdar Brahimi, le ministre de la Justice Abdul Rahim Karimi, le ministre de l’Intérieur Ali Ahmad Jalali, la ministre de la Condition féminine Habiba Sorabi, la commission afghane indépendante des droits humains, de hauts responsables gouvernementaux, des groupes de femmes, des ONG locales et internationales et des membres de la communauté diplomatique et des Nations unies.

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