Communiqué de presse

Afrique du Sud. Il faut rendre pleinement justice aux victimes de Marikana

À l’occasion du deuxième anniversaire des terribles évènements de Marikana, justice n’a toujours pas été rendue aux victimes et les responsables présumés n’ont toujours pas été amenés à rendre des comptes, a déclaré Amnesty International samedi 16 août 2014. Toutes les personnes impliquées dans la décision illégale de recourir à la force létale doivent rendre compte de leurs actes et les entraves à l’enquête doivent cesser.

Amnesty International estime que la police, en application d’une décision illégale, a utilisé une force létale injustifiée contre les mineurs, faisant 34 morts et plus de 70 blessés. La police, bénéficiant probablement de complicités, a également dissimulé et falsifié des éléments de preuve, et tenté d’induire en erreur la commission judiciaire d’enquête sur les homicides.

« Deux ans après les événements de Marikana, il faut que tous coopèrent pleinement à l’enquête et que les responsables présumés de ces homicides illégaux, ainsi que ceux qui ont couvert ces crimes, comparaissent en justice, » a déclaré Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique australe à Amnesty International.

« Bien que les autorités aient tenté au moment des faits d’étouffer l’affaire, ce qui a retardé le travail de la commission pendant au moins un an, justice doit être rendue.  »

Ce bain de sang était prévu par ceux qui ont pris la décision de recourir à la force meurtrière, mais aucune aide médicale n’était disponible et les services d’urgence sont arrivés avec retard sur les lieux, ce qui a contribué à la souffrance des blessés. Fait consternant, la police avait prévu quatre fourgons mortuaires.

La décision de désarmer, par la force si nécessaire, et d’arrêter les mineurs en grève a été prise le 15 août 2012 par le commissaire provincial et approuvée lors d’une réunion extraordinaire du Forum de gestion de la police nationale. Cette décision, qui ne faisait pas suite à une menace vitale, et le déploiement d’unités tactiques équipées d’armes à feu et de balles réelles, notamment de fusils d’assaut R5 à tirs automatiques, n’avaient pas de fondement au regard du droit national et international.

La « perte » du compte-rendu de cette rencontre cruciale s’inscrit dans une série d’incidents qui laissent à penser que les autorités policières, probablement à haut niveau, ont systématiquement tenté de dissimuler et falsifier des éléments de preuve et d’induire la Commission en erreur. En outre, la police a falsifié la scène de crime, retardé ou refusé la remise d’armes de la police pour des tests balistiques et fait disparaître des disques durs d’ordinateurs, et de hauts responsables et des commandants ont fourni des déclarations approximatives et des témoignages oraux évasifs.

« Il est crucial de faire respecter l’obligation de rendre des comptes dans cette affaire, non seulement pour les victimes de Marikana et leurs familles, mais aussi pour le respect et la protection des droits humains en Afrique du Sud », a déclaré Deprose Muchena.

« Loin d’être un accident tragique, les homicides de Marikana sont un scandale qui aurait pu être évité ; tant que les responsables ne comparaîtront pas en justice, la menace d’autres homicides illégaux planera sur l’Afrique du Sud.  »

Complément d’information

La Commission d’enquête sur les homicides de Marikana a été nommée par le président Jacob Zuma le 23 août 2012. Elle a le pouvoir de faire suivre toute question concernant la conduite de certaines personnes à un organe responsable de l’application des lois ou à un organe chargé d’enquêter ou d’engager des poursuites.

Présidée par un juge, la commission a débuté son travail en octobre 2012 et prolongé son mandat jusqu’au 30 septembre 2014.

L’opération menée par la police à Marikana le 16 août 2012 était destinée à désarmer, disperser et arrêter les mineurs prenant part à la grève considérée comme illégale sur le site de la mine de la société Lonmin, à Marikana.

Lorsque la police a ouvert le feu, 34 mineurs ont été tués et plus de 70 grièvement blessés.

La Commission se penche sur la mort de 10 autres personnes, mortes les jours précédents. Il s’agit de deux agents de sécurité et de trois employés de la société Lonmin, qui auraient été tués par les grévistes. Deux policiers et trois mineurs grévistes sont également morts dans des circonstances toujours non élucidées le 13 août 2012.

La décision de désarmer de force les grévistes n’était pas liée à une menace accrue à un moment précis. La décision de déployer un grand nombre d’unités de police équipées d’armes à feu et de balles réelles n’a pas été prise en raison d’une menace vitale ou dans l’intention de protéger ou de sauver des vies. Aussi s’agit-il d’actes illégaux, y compris au regard du droit national exigeant des policiers qu’ils agissent en usant d’une force minimale, respectent le droit international et les normes internationales, et respectent et protègent la vie. Le principe 9 des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois autorise le recours aux armes à feu, mais seulement pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, et uniquement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs.

En septembre 2013, la commission a publié une déclaration, 10 jours après avoir eu accès aux disques durs d’ordinateurs de la police et à des documents inédits, qui selon la police n’existaient pas. Dans cette déclaration, on pouvait lire : « Nous avons obtenu des documents qui, à notre avis, démontrent que la version des faits livrée par la [police] quant aux événements de Marikana… n’est pas, compte tenu des éléments matériels, la vérité. »

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