AFRIQUE : Journée de l’enfant africain : le calvaire des enfants soldats continue

Index AI : AFR 01/012/2004
ÉFAI

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Cent vingt mille enfants âgés de huit à dix-huit ans passeront peut-être
cette Journée de l’enfant africain en tant qu’enfants soldats sur tout le
continent, a déclaré Amnesty International ce mercredi 16 juin.

Malgré la dynamique de paix à l’œuvre dans de nombreuses zones de conflit en
Afrique, la réaction inappropriée et inefficace des gouvernements africains
et de la communauté internationale pour résoudre le problème des enfants
soldats encourage l’exploitation continue et sans scrupule de ces enfants
par des chefs de forces et de groupes politiques armés, à leurs propres fins
matérielles et politiques.

Que ce soit au Burundi, en Côte d’ivoire, au Libéria, en Ouganda, en
République démocratique du Congo (RDC), en Sierra Leone, en Somalie ou au
Soudan, des enfants ont été enlevés dans les rues, arrachés à leurs écoles
ou pris dans les camps de réfugiés ou de personnes déplacées à l’intérieur
d’un pays. Un grand nombre de ces enfants ont aussi été enlevés chez eux,
avec la menace d’une arme, sous le regard affligé et impuissant de leurs
parents. D’autres auraient été enlevés tandis qu’ils jouaient dans leur
quartier ou marchaient en bord de route. Certains enfants se sont
volontairement engagés dans une armée ou un groupe politique armé après
avoir été séparés de leur famille, pour fuir la pauvreté liée à
l’effondrement des services sociaux élémentaires, comme les écoles ou les
dispensaires.

Une fois recrutés, par la force ou non, certains enfants sont envoyés dans
des camps d’entraînement militaire et d’endoctrinement. Là, ils sont pour la
plupart soumis à des traitements violents. Dans certains cas, les conditions
de vie déplorables ont provoqué la mort d’enfants. Après quelques semaines
d’entraînement, les enfants sont déployés sur les lignes de front des
conflits. En RDC, certains ont servi d’appât, de détecteurs des positions
ennemies, de gardes du corps pour des chefs militaires, ou d’esclaves
sexuels. La plupart des fillettes soldats sont exploitées sexuellement ou
violées par leurs chefs militaires ou par d’autres soldats. Filles et
garçons servent aussi souvent de porteurs pour les munitions, l’eau et la
nourriture, ou font office de cuisiniers.

Dans un camp non officiel de déplacés internes de Monrovia, au Libéria,
plusieurs adolescentes ont rapporté qu’elles ont été enlevées en mars 2003
de Ganta, dans le comté de Nimba, par la milice de l’ancien gouvernement.
Elles ont toutes été violées, comme E.B., âgée de quatorze ans : « Je
revenais de l’église un dimanche matin. Ils ont enlevé cinq filles qui
revenaient de l’église. Ils nous ont emmenées au front. Nous avons dû faire
la cuisine et porter les munitions dans la brousse. Ils nous maltraitaient :
si je n’allais pas avec eux, ils allaient me tuer...Ils m’ont emmenée à
Monrovia et m’ont laissée là. Je veux aller à l’école. Je veux retourner à
Nimba, chez ma famille. »

Une fois sur la ligne de front, les enfants sont régulièrement forcés de
commettre des violences, notamment le viol et l’homicide, contre les soldats
ennemis et les civils. Jean-Noël R. a intégré les forces armées burundaises
à l’âge de quinze ans, en 1998. Au cours des cinq années qui ont suivi,
avant sa désertion accompagnée de graves troubles psychiatriques, Jean-Noël
R. a servi dans plusieurs zones du Burundi et au Katanga, en RDC. « Dans
l’armée, on fait tout par peur. Je ne voulais pas faire ce que j’ai fait.
Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par peur. Au Congo, c’était le pire.
J’ai vu trop de choses. Je suis très fatigué. »

Le prix personnel payé par les enfants soldats est souvent élevé. Maltraités
et profondément traumatisés par leurs expériences, nombre d’entre eux
continuent d’être hantés par les violences dont ils ont été témoins ou
qu’ils ont été forcés de commettre. Pour les enfants soldats de sexe
féminin, au delà de la barbarie et du traumatisme du viol en lui-même, les
agressions sexuelles peuvent entraîner de graves blessures physiques et une
grossesse forcée, ainsi qu’une infection par le VIH ou une autre maladie
sexuellement transmissible.

De nombreux anciens enfants soldats souffrent de syndrome de stress
post-traumatique. Bénédicte, recrutée à l’âge de onze ans par un groupe armé
à Goma, dans l’est de la RDC, a raconté à Amnesty International ce qu’elle a
vu sur le front : « Plusieurs de mes amis ont été tués sur le champ de
bataille. D’autres ont perdu leurs membres, leurs bras, leurs jambes. Je me
souviens d’un camarade, un ami à moi, qui a eu le nez emporté. Un autre a eu
un grand trou dans le visage, autour de la bouche. »

D’anciens enfants soldats démobilisés ont expliqué à Amnesty International
qu’ils ont peur de rentrer chez eux, car certaines personnes peuvent les
avoir vu participer à des violences.

« Le recrutement et l’utilisation d’enfants âgés de moins de quinze ans dans
un conflit armé constitue une atteinte extrêmement grave aux droits humains,
ainsi qu’un crime de guerre. En cette Journée de l’enfant africain, les
gouvernements de ce continent doivent signer, ratifier et appliquer
rigoureusement les normes internationales qui interdisent le recrutement et
l’utilisation d’enfants soldats, et notamment le Protocole facultatif se
rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant
l’implication d’enfants dans les conflits armés, ainsi que la Charte
africaine des droits et du bien-être de l’enfant », a déclaré Amnesty
International.

« S’attaquer à la pratique et à l’héritage de l’utilisation des enfants
soldats constitue un élément important pour avancer vers une paix durable,
pour que les droits humains de tous soient respectés. Dans les pays où se
déroulent des programmes de désarmement, de démobilisation et de
réhabilitation, priorité doit être donnée aux enfants soldats », a souligné
l’organisation.

Au-delà de l’abolition juridique et politique du recrutement et de
l’utilisation d’enfants soldats, il faut œuvrer au développement économique
et à la paix, pour que la démobilisation et la réhabilitation d’enfants
soldats soit durable. Si l’utilisation des enfants soldats en Afrique ne
fait pas l’objet de mesures adéquates, elle aura des répercussions profondes
et durables pour les enfants qui ont vu ou commis des actes de violence.

Pour avoir accès à la page Web de la journée de l’enfant africain, merci de
consulter :

http://web.amnesty
<http://web.amnesty.org/pages/childs...>
.org/pages/childsoldiers-africanchild-eng

Toutes les infos
Toutes les actions
2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit