Communiqué de presse

Afrique. La liberté des médias sérieusement menacée

La liberté des médias est de plus en plus attaquée dans de nombreux pays d’Afrique, où des journalistes sont pris pour cibles lorsqu’ils dénoncent la corruption et les violations des droits humains, a déclaré Amnesty International à l’approche de la Journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai 2015.

L’organisation appelle tous les gouvernements africains à veiller à ce que les journalistes puissent faire leur travail sans crainte et sans subir de manœuvres d’intimidation ou de harcèlement.

AFRIQUE DE L’OUEST ET AFRIQUE CENTRALE

« En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, les violations de la liberté des médias se poursuivent sans relâche. De la Gambie au Cameroun, des journalistes sont menacés ou contraints à l’exil en raison de leur travail. Ces dernières années, des gouvernements répressifs de la région ont adopté des lois qui restreignent et compromettent le droit à la liberté d’expression », a déclaré Alioune Tine, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

« Il est indispensable de protéger le droit des journalistes et des blogueurs à la liberté d’expression et de permettre aux médias indépendants d’enquêter et de communiquer sur des sujets mondiaux sans crainte, intimidation ni harcèlement. La liberté des médias doit être pleinement et véritablement garantie. »

En Gambie, la Loi portant modification de la loi sur l’information et la communication, adoptée en juillet 2013, prévoit des peines allant jusqu’à quinze ans d’emprisonnement et de lourdes amendes pour diverses infractions vagues et mal définies, parmi lesquelles le fait de critiquer des responsables gouvernementaux sur Internet, de diffuser de « fausses nouvelles » sur le gouvernement ou des agents publics, de tenir des propos dénigrant des agents publics, ou encore d’inciter au mécontentement ou à la violence envers le gouvernement.

Au Cameroun, l’hostilité affichée à l’égard des médias s’est traduite par des arrestations et incarcérations arbitraires de journalistes, dont certains risquent d’être poursuivis pour terrorisme en vertu de nouvelles lois antiterroristes. En Sierra Leone, la situation déjà difficile des journalistes a encore empiré pendant l’épidémie d’Ebola. Le journaliste David Tam Baryoh a été arrêté pour des commentaires faits pendant son émission de radio à propos de la réaction du gouvernement à l’épidémie. Il a été détenu 11 jours avant d’être libéré sous caution.

AFRIQUE DE L’EST

« Un certain nombre de médias ont été la cible d’attaques directes de leurs gouvernements, subissant notamment des manœuvres d’intimidation et de harcèlement, et des maisons de la presse ont été fermées. Durant l’année passée, plusieurs journalistes ont été arrêtés et détenus arbitrairement, torturés et condamnés à la suite d’accusations fallacieuses en raison de leur travail. Des attaques systématiques contre les journalistes ont été constatées pendant les périodes électorales. Tout cela doit cesser », a déclaré Muthoni Wanyeki, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands lacs.

Au Burundi, la semaine dernière, le gouvernement a interdit aux stations de radio privées Isanganiro, Bonesha et Radio publique africaine (RPA) de diffuser ailleurs qu’à Bujumbura leurs reportages réalisés en direct des manifestations contre le troisième mandat du président. La RPA est maintenant fermée, ainsi que les accès mobiles à Facebook, Twitter et Whatsapp. Le gouvernement du Burundi a accusé les médias d’incitation à l’insurrection.

En Éthiopie, de nombreux journalistes et employés des médias sont actuellement en prison ou ont été condamnés par contumace pour leur travail. Le journaliste Eskinder Nega a été condamné à 18 ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable, en 2012, de « préparation d’actes terroristes ou d’incitation à de tels actes », de « participation à une organisation terroriste » et de « haute trahison ». Son seul « crime » était d’avoir critiqué le gouvernement dans des articles et réclamé le respect de la liberté d’expression. Amnesty International considère cet homme comme un prisonnier d’opinion.

Au Soudan, les journalistes de la presse écrite sont confrontés à de sévères restrictions législatives. La Loi de 2009 relative à la presse et aux publications continue de bafouer les normes régionales et internationales en imposant des restrictions aux médias au nom de « la sécurité nationale et l’ordre public ».

Depuis janvier 2015, le Service national de la sûreté et du renseignement (NSS) du Soudan a procédé 45 fois à des saisies de journaux, visant 20 publications différentes au moins. Environ 25 journalistes ont été interrogés par la police et par le NSS.

AFRIQUE AUSTRALE

« Il est inquiétant de constater que, dans des pays comme l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Swaziland et l’Angola, des journalistes sont régulièrement pris pour cibles simplement parce qu’ils ont fait leur travail. Le journalisme n’est pas un crime. C’est une profession comme une autre et elle devrait être considérée comme telle. Les forces de sécurité gouvernementales doivent cesser de s’en prendre aux journalistes », a déclaré Deprose Muchena, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

En Afrique du Sud, le gouvernement et le parti au pouvoir – le Congrès national africain (ANC) – font pression en faveur de la création d’un tribunal chargé de réglementer les médias, sous le prétexte de « transformer » ce secteur.

En Angola, les lois pénales sur la diffamation sont utilisées contre le célèbre journaliste d’investigation Rafael Marques de Morais. Celui-ci est sous le coup de plus de 20 chefs d’accusation de diffamation pour avoir publié en 2011, au Portugal, un livre dénonçant la corruption et les violations des droits humains dont se seraient rendus coupables des généraux de l’armée angolaise et des entreprises présentes dans les zones diamantifères du pays. Il doit recomparaître devant un tribunal le 14 mai 2015.

Au Swaziland, les journalistes restent menacés de violences, d’arrestation, de poursuites judiciaires et d’autres formes de pression en raison de leur travail.

Le 25 juillet 2014, Bheki Makhubu, rédacteur en chef du mensuel d’information The Nation, a été condamné par la Haute Cour à deux ans d’emprisonnement pour avoir critiqué le manque d’indépendance de la justice dans le pays.

Au Zimbabwe, en 2014, Edmund Kudzayi, rédacteur en chef d’un journal contrôlé par l’État, a été arrêté et inculpé de plusieurs accusations de sédition, qu’il réfute. Il a aussi été accusé d’entretenir des liens avec un blogueur, « Baba Jukwa ». Ce dernier, dont le blog comptait plus de 400 000 abonnés, avait participé à une campagne au cours de laquelle des responsables de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF) avaient été désignés nommément et couverts de honte avant les élections de juillet 2013.

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